La Plateforme Palestine alerte le ministre des Affaires étrangères français sur la situation des détenus palestiniens et de l’ONG qui les défend, Addameer.
Paris, le 20 janvier 2020
Monsieur le Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères,
Nos organisations souhaitent attirer votre attention sur les restrictions auxquelles sont soumises les associations de défense de droits des prisonniers palestiniens, en particulier l’association Addameer.
Dans notre courrier du 7 octobre 2019 auquel vous avez bien voulu répondre par une lettre datée du 27 décembre 2019, nous mentionnions déjà les attaques perpétrées contre les locaux et les membres de l’association palestinienne basée à Ramallah. Outre ces atteintes évidentes à la liberté d’association, les autorités israéliennes ont complété leur stratégie de harcèlement systématique des défenseurs des droits des Palestiniens par une décision d’un tribunal militaire.
Depuis le 10 septembre 2019, l’association est en effet soumise par ordre militaire (« gag order ») à une interdiction de publier toute information sur plusieurs prisonniers palestiniens que l’association défend. Cette interdiction, demandée par le Shabak (l’agence israélienne de sécurité intérieure) et de la police israélienne a été renouvelée à plusieurs reprises jusqu’à aujourd’hui et empêche l’association de faire son travail d’information et de plaidoyer pour les prisonniers palestiniens. Elle empêche notamment Addameer d’exposer les tortures auxquelles sont soumis les prisonniers, y compris Sameer Al Arbeed dont nous avons exposé le cas dans notre dernier courrier.
En outre, l’ordre militaire est utilisé de manière extensive puisque les tribunaux militaires s’en servent également pour interdire à des proches de détenus d’assister à leurs audiences.
Par ailleurs, de nombreuses institutions israéliennes violent elles-mêmes cette interdiction en publiant des détails sensationnalistes sur certains prisonniers dans la presse, dans le but de nuire gravement à leur droit à un procès équitable. Cela concerne notamment la défenseure des droits Khalida Jarrar qui est à nouveau en détention depuis le 31 octobre 2019 (pour la troisième fois en quatre ans). Le Shabak a publié un certain nombre d’informations sur les raisons de sa détention qui contredisent complètement les véritables chefs d’inculpation émis par le tribunal, selon son avocat.
Cela contrevient gravement au droit fondamental à un procès équitable garanti par l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et les articles 146 et 147 de la Quatrième Convention de Genève.
Cette opération médiatique des autorités israéliennes, couplée au renouvellement continu du même « gag order » vise, une nouvelle fois, à entraver l’action de défenseurs des droits comme l’association Addameer. Cette stratégie vise également à masquer les violations graves des droits de l’Homme, y compris des tortures et mauvais traitements largement documentés, commis par les autorités israéliennes dans le cadre de la détention de centaines de Palestinien·ne·s. Cela intervient dans un contexte où le dossier palestinien avance à la Cour pénale internationale et l’ouverture d’une enquête sur des crimes de guerre commis en Palestine paraît de plus en plus proche.
Nous demandons au gouvernement français :
– D’exiger des autorités israéliennes l’arrêt du recours aux interdictions de publication d’informations relatives aux détenus palestiniens à l’encontre d’organisations de défense des droits de l’Homme ;
– De rappeler le gouvernement israélien à ses obligations internationales en matière de détention et de lutte contre la torture ;
– D’exiger la fin de la détention administrative telle que pratiquée par Israël ; la libération de tous les détenus administratifs ou leur inculpation dans le respect du droit international.
En comptant que vous donnerez suite à notre requête, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, l’assurance de notre profonde considération.
M. François Leroux, Président de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine
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