Plateforme des ONG Françaises pour la Palestine

« Prosperity for Peace ». A propos du Plan Trump pour le Proche-Orient

24 mars 2020

Chers Amis,

La présentation du plan Trump censé contenir un projet de paix pour le Proche-Orient a soulevé de nombreuses réactions indignées (1).

Face aux tragiques conséquences politiques et humaines qu’il implique, il nous a semblé indispensable de publier quelques-unes des déclarations les plus significatives qu’il a suscitées des partenaires « historiques » du Réseau de Chrétiens de la Méditerranée : de Mgr Michel Sabbah au Conseil Œcuménique des Eglises, des Patriarches et Chefs des Eglises de Terre Sainte à Kairos Palestine, tous décrivent l’iniquité profonde du plan proposé, alors que chacun sait bien que la Paix est inséparable de la Justice.

Cet événement nous incite plus que jamais à poursuivre notre travail de recherche de l’information la plus juste, la plus exacte ainsi qu’à approfondir notre démarche de réflexion sur la défense de la paix si gravement menacée, parce que « la fin ultime de toute société humaine est la paix » (2). C’est toute l’originalité de la démarche de notre association.

A propos d’information précisément, nous publions en ouverture de ce dossier les cartes officielles annexées au document de 180 pages présenté pompeusement par l’administration américaine, comme « le deal du siècle ». Ce document que pratiquement aucun des principaux médias n’a présenté jusqu’alors, montre à lui seul les conséquences territoriales absurdes et révoltantes qu’impliquerait la mise œuvre du plan proposé. Dans une prochaine publication Jean Bernard Jolly en présentera une première approche.

Au-delà du constat et de l’analyse, nous souhaitons ouvrir dans notre rubrique « Regards » une réflexion approfondie consacrée à ce qui demeure de l’espérance de paix dans une région-la Méditerranée- qui est devenue l’un des centres de conflits les plus intenses de la planète. Dans ce sens, nous publierons prochainement avec une précieuse contribution de Gabriel Nissim sur ce thème, le discours du Pape François prononcé le 23 février dernier à Bari, texte essentiel chargé d’espérance dans un contexte de violences qui concerne et implique de plus en plus directement l’Europe, par ses conséquences, même si elle tente vainement de s’en affranchir.

D’ores et déjà, pour engager cette réflexion, nous vous proposons de parcourir, un large extrait d’un texte de Jean Claude Petit, Président d’honneur de Chrétiens de la Méditerranée, consacré au rôle particulier de passeur qui incombe, selon lui, aux chrétiens de la Méditerranée dans le difficile cheminement vers la paix. Rédigé en 2008, alors qu’il était Président du Centre National de la Presse Catholique, ce document conserve une résonance toute particulière au cœur des tragédies qui déchirent l’espace méditerranéen.

Bernard Ughetto.

(1) Voir l’éditorial de Marilyn Pacouret du 4 février 2020

(2) Discours du Pape François – Basilique Saint Nicolas de Bari – 23 février 2020

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Réponse du secrétaire général du Conseil Œcuménique des Églises au plan de M. Trump et de M. Netanyahou pour la Palestine et Israël

29 janvier 2020

Hier, mardi 28 janvier, Donald Trump, président des États-Unis d’Amérique et Benyamin Netanyahou, premier ministre israélien, ont présenté une proposition de paix pour Israël et la Palestine : Peace to Prosperity : A Vision to Improve the Lives of Palestinian and Israeli People (De la paix à la prospérité : une vision pour améliorer la vie des peuples palestinien et israélien). Cette proposition a été élaborée sans réelle participation des représentants du peuple palestinien et répond avant tout aux objectifs avancés depuis longtemps par Israël. Elle constitue un ultimatum, et non une véritable solution durable ou juste. Un tel plan ne permettra pas d’obtenir une paix juste pour les Palestiniens ou les Israéliens.

Le Conseil œcuménique des Églises (COE) œuvre et continuera d’œuvrer en faveur d’une paix juste pour les Palestiniens et les Israéliens, une paix qui s’appuie sur un processus de dialogue et de négociations menés à partir des principes fondamentaux du droit international, et sur la reconnaissance d’une dignité et de droits égaux pour les Israéliens comme pour les Palestiniens. En définitive, toute « solution » qui ne serait pas fondée sur un principe de justice et un accord négocié serait imposée de force et constituerait un instrument d’oppression.

Le COE continue d’étudier le document et de recevoir les analyses et les réactions de ses Églises membres et de ses partenaires dans la région. Cependant, cette proposition octroie clairement à l’une des parties – Israël – des droits que ne lui accorde pas le droit international tandis que l’autre partie – le peuple palestinien – perd une part du peu qu’il lui reste aujourd’hui, y compris la reconnaissance par le droit international de son occupation et son aspiration à devenir un État indépendant viable dont la capitale serait Jérusalem-Est et non un quartier lointain de la ville situé au-delà du mur de séparation. Cette proposition prend acte du fait que la force prime le droit, et fait fi des principes du droit international ainsi que des principes de justice et de responsabilité.

Les territoires « attribués » aux Palestiniens dans le cadre de ce plan sont de petites enclaves isolées sans continuité territoriale, séparées par des colonies israéliennes et reliées par des routes sous contrôle israélien. Grâce à son engagement historique en Afrique du Sud, le mouvement œcuménique sait à quoi ressemble un tel système. Ce plan pérennise la fragmentation du territoire palestinien dans un cadre contrôlé par Israël, une situation qui rappelle les bantoustans créés par le système de l’apartheid en Afrique du Sud. Nous savons que cela ne peut pas conduire à la paix ou à la justice.

Bien que la croissance et la multiplication effrénée des colonies israéliennes rendent la « solution à deux États » de moins en moins viable, le COE considère qu’il s’agit de la meilleure voie à suivre pour une coexistence pacifique des Palestiniens et des Israéliens. Toutefois, il doit s’agir d’une véritable solution à deux États qui suppose la création d’un État palestinien viable, indépendant et autonome comme le prévoient les résolutions applicables des Nations Unies. Il ne s’agit pas de qualifier d’« État » palestinien le système actuel d’occupation et de contrôle.

Le COE encourage les membres de la communauté internationale à ne pas soutenir cette proposition et à ne pas reconnaître sa mise en œuvre tant qu’un plan plus acceptable n’a pas été négocié avec les représentants du peuple palestinien et adopté par eux, un plan conforme aux principes du droit international concernant l’occupation armée et les droits humains.

Nous appelons les gouvernements d’Israël et de l’Autorité palestinienne à s’engager de nouveau dans un processus de dialogue et de négociations sur ces bases. Nous réaffirmons le rôle essentiel des Nations Unies pour favoriser un dialogue qui s’appuie sur les principes du droit international et pour encourager des efforts concertés destinés à trouver une solution durable en faveur d’une paix juste pour tous. En outre, nous appelons le gouvernement des États-Unis à faire preuve d’une plus grande objectivité dans ses actions visant à encourager, à soutenir et à faciliter ce processus.

Comme d’autres responsables d’Églises du monde entier, nous craignons sérieusement qu’au lieu de conduire à la paix, ce plan ravive les tensions et la violence, et ne serve qu’à alimenter les idées et les acteurs extrêmes dans les deux camps.

Nous prions pour la paix à Jérusalem, une ville commune à deux peuples et à trois religions. Nous prions pour les communautés chrétiennes en Terre Sainte, pour les Palestiniens et les Israéliens, et pour tous les peuples de la région afin qu’ils puissent connaître une paix fondée sur la justice, reconnaissant la dignité égale donnée par Dieu et les droits humains de tous.

Genève, 29 janvier 2020

Olav Fykse Tveit, Secrétaire général

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Prise de position de Kairos Palestine sur la Déclaration américaine du 28 Janvier 2020 sur la Paix au Moyen-Orient

« Paix, paix, disent-ils, et il n’y a pas de paix » (Jérémie 6.14)

La déclaration de l’administration des États-Unis concernant ce qu’elle appelle « l’accord du siècle » est en réalité une insulte à l’histoire, à l’humanité, au peuple palestinien et à la dignité américaine elle-même.

La proposition américano-israélienne se fonde sur le renforcement du contrôle israélien sur l’ensemble du territoire palestinien et sur l’assurance que le peuple palestinien sera soumis à ce contrôle, avec en contrepartie des promesses économiques qui sont plutôt un marché pour acheter avec de l’argent le peuple et son esprit.

Cette proposition cherche à légitimer l’occupation israélienne et à nier l’histoire du peuple palestinien et ses droits légitimes et inaliénables, en particulier le droit au retour pour les réfugiés palestiniens et le droit à l’autodétermination, en tentant d’éliminer complètement et définitivement la question palestinienne.

Jérusalem, le cœur du conflit, ne saurait être déclarée capitale du seul État d’Israël par quelque autorité humaine que ce soit. C’est la capitale de Dieu et de l’humanité dans son ensemble, et tout autant la capitale de sa population palestinienne. Aucune solution n’est possible si n’est pas réaffirmé clairement le droit palestinien sur la ville.

Par cette déclaration, les États-Unis se sont clairement déclarés partie prenante du conflit plutôt que médiateurs de paix, en considérant cet accord, qui ne prend absolument pas en compte le droit international ni les résolutions des Nations Unies, comme l’ultime proposition faite aux Palestiniens, et en les rendant totalement responsables, s’ils la rejetaient, des conséquences qui en résulteraient.

Mais Israël et les États-Unis doivent écouter la voix de Dieu qui leur ordonne, ici en Terre Sainte et dans le monde entier : « Tu ne voleras pas, tu ne tueras pas ». Ils doivent cesser de tuer les Palestiniens et de leur voler leurs terres.

Israël et les États-Unis doivent écouter la voix de Dieu, la voix de la conscience, et admettre la vérité qu’on ne peut contester : le peuple palestinien est vivant, il n’a cessé de revendiquer ses droits au cours des cent dernières années et jusqu’à ce jour. Le peuple palestinien continuera à revendiquer ses droits jusqu’à ce qu’il les obtienne. La seule voie vers la paix est celle d’une pleine égalité entre les deux peuples. La paix israélienne est conditionnée par la paix palestinienne. En fait, la survie même d’Israël est fondée sur une paix juste pour les Palestiniens. Sinon, Israël, en dépit de toute sa puissance, vivra dans la peur et la perspective d’un avenir incertain. Comme nous l’avons déjà déclaré dans le Document Kairos « Un moment de vérité » : « Notre avenir et le leur ne font qu’un ; ou bien un cercle de violence dans lequel nous périssons ensemble, ou bien une paix dont nous jouissons ensemble » (Kairos 4.3).

Dans sa déclaration du mardi 28 janvier 2020, le président Trump n’a rien proposé qui aille vers cette égalité, mais il a plutôt renforcé l’hégémonie d’Israël et la soumission des Palestiniens à cette hégémonie. Cela signifie que le conflit va se poursuivre, que les effusions de sang vont continuer, que la haine et les traitements inhumains vont persister.

L’argent proposé aux Palestiniens n’est qu’une insulte à chaque Palestinien et à l’humanité dans son ensemble, parce que cela rappelle le temps de l’esclavage lorsque l’on vendait et que l’on achetait les êtres humains pour de l’argent. Jérusalem n’est pas un bien à vendre, les Palestiniens ne sont pas à vendre.

Pour faire la paix, il faut que M. Trump et le gouvernement d’Israël respectent leur propre humanité et celle du peuple palestinien en traitant avec lui sur la base d’une commune humanité. De leur part, c’est une ineptie d’accuser les Palestiniens de terrorisme pour se donner bonne conscience et de masquer le terrorisme qu’ils exercent contre ces mêmes Palestiniens jusque dans leurs négociations avec eux.

Enfin, pour faire la paix, il faut respecter le droit international et appliquer les résolutions prises en lien avec ce conflit. Cela exige que la communauté internationale prenne fermement position en faveur de l’application de ses propres décisions, comme cela a toujours été et est encore le cas avec tous les autres peuples de la région.

Le temps est venu, pour tous ceux qui ont à cœur la cause de la paix et la volonté de garantir la sécurité et la stabilité au Moyen-Orient, d’ouvrir les yeux sur la réalité plutôt que de se laisser séduire par la puissance et la force de la finance. Pour faire la paix, il faut des gens qui veulent la paix et qui reconnaissent qu’ils ont en face d’eux des êtres humains jouissant des mêmes droits et de la même dignité accordés par Dieu à tous.

Nous demandons aujourd’hui aux Églises et aux chrétiens du monde entier de prendre position face à l’injustice commise envers le peuple palestinien, et de demander à leurs pays de rejeter catégoriquement le prétendu « Accord du siècle ». Nous redisons que ni la paix ni la justice ne pourront régner tant que la justice ne sera pas réellement mise en œuvre, tant qu’il ne sera pas mis fin à l’occupation, et que la totalité de leurs droits ne sera pas accordée aux Palestiniens.

31 janvier 2020

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L’avenir des chrétiens palestiniens

Par le patriarche émérite Michel Sabbah dans la revue mensuelle palestinienne This week in Palestine,
n° 260 de décembre 2019.

Qui sommes-nous, nous les Palestiniens ? Nous sommes ceux qui vivent en Palestine de génération en génération, au travers des changements de conquérants, d’États et de régimes. Nous sommes aujourd’hui ceux que nous étions hier. Toute l’histoire de cette terre appelée Palestine ou Israël ou Canaan, peu importe, est notre histoire. Nous sommes la Palestine d’aujourd’hui, d’hier et de demain.

Qui sommes-nous, nous chrétiens palestiniens Nous sommes tout simplement des Palestiniens qui croyons en Jésus-Christ. Notre foi remonte aux temps où Jésus lui-même était ici, dans ce pays. Nous sommes tous nés ici à Jérusalem le jour de la Pentecôte. C’est ici que se situe notre foi et notre histoire. La Palestine chrétienne appartient aussi à l’histoire de tous les Palestiniens – chrétiens, musulmans, juifs ou samaritains (la petite communauté qui est encore présente aujourd’hui dans la ville palestinienne de Naplouse). L’histoire de chacun est l’histoire de tous parce que tous les Palestiniens appartiennent à l’ensemble de la Palestine, à la terre comme à l’histoire et à ses diverses religions. Au temps de Jésus-Christ, nous parlions la même langue que lui – le syriaque ou l’araméen – comme tous les gens de la Grande Syrie. Puis nous avons parlé le grec, du temps de l’empire romain byzantin. Puis nous avons parlé l’arabe après la conquête arabe musulmane. Les musulmans palestiniens d’aujourd’hui étaient en général les mêmes chrétiens syriaques (ou grecs) qui se sont convertis à l’islam. Chrétiens et musulmans, nous appartenions et continuons d’appartenir au même peuple et de partager la même histoire.

Quel est notre avenir ? Y aura-t-il encore des chrétiens ici dans les générations futures ? Beaucoup d’écrivains occidentaux, même des gens d’Église, pensent que nos églises vont devenir des musées dans le proche avenir. Pourtant, je crois fermement que ce n’est pas notre destin. Nous resterons une communauté vivante, toujours petite, née le jour de la Pentecôte, appartenant à une terre que l’on dit sainte, qui s’appelle Palestine, témoins de Jésus-Christ sur sa terre. Enracinés dans notre communauté humaine, nous sommes aussi enracinés dans le mystère de Jésus. Nous appartenons à l’histoire humaine palestinienne et aussi au mystère de Jésus en qui nous croyons. Et nous appartenons aussi au christianisme mondial. Cette dimension universelle ne nous met pas à part, elle n’est nullement en contradiction avec notre appartenance à notre peuple, au mystère de Dieu et à l’universalité de l’histoire de notre terre. L’Esprit, la foi en tant que notre lien à Dieu, nous rendent aussi universels que l’ensemble du monde. Avec ce sentiment d’universalité et la grandeur spirituelle qui provient du mystère de Dieu sur cette terre, nous savons que Notre Seigneur Jésus-Christ nous a dit, ainsi qu’à tous les chrétiens : « Vous êtes le sel de la terre » (Mt 5,13-14), ce qui veut dire que nous resterons une petite composante de la société, comme l’est le sel partout où on l’emploie. Lorsqu’il parlait à ses disciples, Jésus les exhortait souvent à accepter d’être peu nombreux et à n’avoir pas peur : « N’aie pas peur, petit troupeau » (Luc 12,32), « Que votre cœur cesse de se troubler et de craindre » (Jn 14,27). Il est vrai que, pour les nations et les armées, le nombre est important, mais pour la puissance de Dieu et pour l’Esprit, ce n’est pas la loi du nombre qui importe, mais plutôt celle de l’Esprit qui « souffle où il veut » (Jn 3,8). S’il nous faut être nombreux, nous le sommes au niveau national, avec tous nos concitoyens.

Notre avenir est le même que l’avenir de tous les Palestiniens et dépend de la lutte continue contre Israël et contre les politiques occidentales. Matériellement, notre mort ou notre vie, ou encore notre émigration, comme Palestiniens et comme Palestiniens chrétiens, dépend de cette lutte qui se poursuit. Nous ne savons pas où cette lutte va nous mener. Même les forts et les puissants de ce pays ne savent pas où ils vont. Ils disent qu’ils sont en quête de sécurité mais, en fait, ils vont vers plus d’insécurité. Et cela veut dire plus d’insécurité pour nous aussi.

Beaucoup font un lien direct entre notre quasi-disparition et les relations entre musulmans et chrétiens, mais pendant quatorze siècles nous avons vécu ensemble et connu des bons et des mauvais jours. Nous sommes arrivés à un certain équilibre, à une acceptation et une coopération mutuelles. Nous ne sommes pas encore arrivés à une coexistence parfaite, mais nous marchons dans la bonne direction. Et c’est dans le contexte de cette marche constante vers une acceptation mutuelle qu’extrémisme religieux et fanatisme se sont manifestés, chez des musulmans comme chez des chrétiens. Daesh (l’État islamique en Irak et en Syrie) et son influence sur la société musulmane en sont une expression.

Face à cela, il nous faut poser une question importante : qui est responsable de l’apparition d’un tel extrémisme religieux à notre époque ? Nous savons qu’il y a des graines de sectarisme dans les profondeurs de l’âme de tout croyant, qu’il soit musulman, chrétien ou autre. Quand il s’agit de défense de la religion, l’instinct pousse à la violence, et même à des guerres sanglantes. Nous l’avons vu fréquemment dans l’histoire de l’humanité, et aussi dans l’histoire chrétienne. Il est étrange de voir comment le pouvoir le plus bienveillant que les êtres humains puissent avoir entre les mains, à savoir leur relation à Dieu qui est en principe une fontaine de toute bonté, a pu être transformé par des croyants en un pouvoir de destruction et de mort. Nous savons que les graines de ce comportement sont présentes en chacun d’entre nous, latentes, prêtes à être réveillées par quiconque veut en user ou en abuser. Et maintenant nous devons poser la question : Qui les a réveillées ? Qui les a utilisées comme moyen de destruction au Moyen-Orient ? Ceux-là mêmes qui prétendent aujourd’hui lutter contre l’extrémisme. Ils ont réveillé ce pouvoir destructeur chez les croyants. Les mêmes hommes politiques occidentaux qui veulent remanier le Moyen-Orient après l’avoir déstabilisé, ont utilisé cette force cachée dans la région. Daesh est un terrible fléau. Mais ceux qui l’ont créé constituent une menace encore plus grande.

Aujourd’hui, nous sommes confrontés à toutes sortes de périls, à l’instabilité politique et à l’émigration forcée. L’un des facteurs les plus dangereux est la politique de l’Occident dans son lien avec la politique d’Israël. Les Occidentaux de nos jours – chrétiens, croyants et non-croyants – sont des êtres humains bons, amicaux. Mais il y a aussi un Occident politique « meurtrier », déterminé à créer un nouveau Moyen-Orient, quel qu’en soit le coût. Pour ces hommes politiques d’Occident, les chrétiens n’existent pas, et que nous vivions ou que nous mourions n’est pas leur souci. Depuis la création de l’État d’Israël, cet Occident politique pense que le Moyen-Orient doit s’adapter à la nouvelle réalité, ce qui veut dire que nous et toute la région, nous devons nous adapter à la mort, aux guerres civiles et au chaos.

En Palestine, nous devons nous adapter aux colonies, à la destruction de l’agriculture, à la confiscation des terres, aux démolitions de maisons, aux arrestations, aux prisonniers politiques, au siège de Gaza, etc. Tout cela appartient au domaine de la mort. Mais la mort ne peut rien produire d’autre que la mort, même pour ceux qui l’infligent. Si l’Occident meurtrier veut la vie, il doit changer sa politique dans la région pour en faire une politique de vie. Notre avenir, le fait de pouvoir exister ou ne pas exister, dépend de la politique de mort ou de vie de l’Occident. Le « bon » Occident devrait poser des questions à ses dirigeants, leur résister, les éduquer afin de créer un nouvel Occident, un Occident qui croie davantage à l’humanité et à la capacité à être bon, un Occident qui respecte l’égalité et la dignité humaine des peuples du monde entier plutôt que de réveiller la mort chez eux. Malheureusement, notre avenir semble être assombri par la réalité de la mort. Toutefois, nous rappelons à tous, aux forts comme aux faibles, qu’il n’y a pas si longtemps, d’autres pouvoirs meurtriers se sont manifestés, en Occident, pour être précis, avant de finalement disparaître.

Quel est l’avenir des Palestiniens chrétiens ? En dépit de toutes les difficultés déjà mentionnées, il nous faut compter sur nous-mêmes, savoir qui nous sommes et ce que nous voulons. Notre foi en Jésus-Christ nous en donnera la force. Car Jésus a dit : « En vérité je vous le dis, si votre foi a la taille d’une graine de moutarde, vous direz à cette montagne « déplace-toi d’ici à là » et elle se déplacera ; rien ne vous sera impossible » (Mt 17,20 ; Lc 17,6). Jésus a dit aussi : « Amen, amen, je vous le dis, celui qui met sa foi en moi fera, lui aussi, les œuvres que moi je fais ; il en fera même de plus grandes encore » (Jn 14,12).

Jésus a dit que nous avons le pouvoir de déplacer des montagnes, ce qui signifie que nous avons le pouvoir de faire changer les situations et les conditions de vie, quelle que soit la puissance de mal et de destruction qui nous menace. Cela nous demande d’avoir une nouvelle vision de nous-mêmes, d’entrer dans une nouvelle période de notre histoire, de commencer une nouvelle vie, tout en restant forts dans la réalité actuelle de lutte, d’oppression et de mort. De plus, nous autres chrétiens ne sommes pas seuls dans notre société ; nous pouvons trouver des gens prêts à coopérer avec nous parmi nos concitoyens et dans la communauté humaine universelle. La lutte est la même pour tous. Les Palestiniens chrétiens, comme tous les Palestiniens et tous les gens de bonne volonté, devraient unir leurs efforts pour créer une communauté plus humaine, ici en Terre Sainte, en Occident et dans le monde entier.

Michel Sabbah, une voix qui crie dans le désert

par David M. Neuhaus, jésuite israélien

Michel Sabbah, palestinien, catholique, évêque et intellectuel, est né à Nazareth en Palestine, dans la ville de l’Annonciation, le 19 mars 1933. À l’âge de dix ans, il a été envoyé faire ses études au petit séminaire catholique romain de Beit Jala. En 1948, il a été séparé de sa famille, restée dans ce qui était devenu l’État d’Israël alors que lui-même poursuivait ses études en Cisjordanie, qui avait été annexée par la Jordanie. Après ses années de formation, il a été ordonné prêtre à Nazareth en 1955. Comme jeune prêtre, il a servi à Madaba en Cisjordanie, puis il a été appelé à enseigner au séminaire. Après avoir été directeur de l’enseignement [pour le Patriarcat latin], Michel Sabbah a été envoyé en mission à Djibouti, puis il a poursuivi ses études à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth et à Paris, à la Sorbonne, et passé un doctorat en linguistique arabe. De 1980 à 1988, il a été président de l’Université de Bethléem tout en restant basé en Jordanie.

C’est au début de la première intifada contre l’occupation israélienne que Michel Sabbah a été nommé premier Patriarche latin palestinien de Jérusalem. Tout au long de ces années mouvementées, sa direction a été remarquable, tant au sein de l’Église que de la société civile. Il fut une voix prophétique pour la justice et la paix. Il a invité à une résistance non violente à l’occupation, et a uni ses efforts à ceux de tous les Palestiniens opprimés, des chrétiens comme des musulmans, en vue de mettre fin à l’occupation. Comme Patriarche, Michel Sabbah a publié toute une série de lettres pastorales traitant des importantes questions qui se posaient aux Palestiniens chrétiens et à toute l’Église, notamment sur la foi dans une situation d’injustice. Il a consacré beaucoup d’énergie à encourager le dialogue et la collaboration entre les diverses Églises chrétiennes ainsi qu’avec les musulmans, et il a cherché à dialoguer aussi avec des juifs progressistes qui s’engageaient en faveur de la justice et de la paix pour tous. En 1991, il a créé la Société de Saint-Yves, une organisation catholique pour les droits humains et l’aide juridique.

Au cours des longues années où il fut Patriarche latin, Michel Sabbah fut universellement apprécié pour ses efforts visant à promouvoir la cause de la justice et de la paix, tant pour les Palestiniens que pour tous les peuples du Moyen-Orient. En 2008, après un long mandat de Patriarche, il a démissionné à l’âge de 75 ans. Mais au lieu de se reposer, il est resté un intellectuel et un militant dynamique et actif. Il a participé à l’élaboration du document Kairos Palestine, il a beaucoup voyagé pour prendre la parole dans des forums internationaux, et il continue à diriger la Commission Justice et Paix de l’Église catholique en Terre Sainte, un organe de réflexion qui traite des questions auxquelles est affrontée l’Église en Israël-Palestine aujourd’hui.

Traduit par les Amis de Sabeel France

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Les évêques de la Coordination de Terre Sainte publient leur déclaration finale après leur visite auprès des chrétiens locaux

Patriarcat latin de Jérusalem – 16 janvier 2020

DÉCLARATION – Du 11 au 16 janvier 2020, les évêques de la Coordination de Terre Sainte ont effectué leur visite annuelle auprès des chrétiens locaux de Gaza, Jérusalem-Est et Ramallah. A l’issue de cette visite, les évêques ont rédigé une déclaration dans laquelle ils expriment leurs préoccupations et leurs espoirs, exhortent les gouvernements à prendre la responsabilité de faire respecter le droit international et de protéger la dignité humaine, et invitent les fidèles chrétiens du monde entier à prier pour la situation.

Coordination Terre Sainte 2020

Nous ne devons pas ignorer la voix des peuples de Terre Sainte

Chaque année, nous venons rencontrer et écouter les peuples de Terre Sainte. Nous sommes inspirés par leur résilience et leur foi dans une situation qui s’aggrave.

Dans leur récent et puissant message, les évêques catholiques locaux ont déploré l’incapacité de la communauté internationale à contribuer à l’établissement de la justice et de la paix ici, sur le lieu de naissance du Christ (1). Nos gouvernements doivent faire davantage pour assumer leurs responsabilités en matière de respect du droit international et de protection de la dignité humaine. Dans certains cas, ils sont devenus activement complices des maux du conflit et de l’occupation.

Les évêques locaux ont également alerté sur le fait que « l’espoir dans une solution durable s’évanouit de plus en plus ». Nous avons été les témoins directs de cette réalité, en particulier de la façon dont la construction des colonies et du mur de séparation détruit toute perspective de deux états vivant en paix côte à côte.

Dans le même message, les évêques locaux ont tirer la sonnette d’alarme sur les conditions de vie qui deviennent « de plus en plus insupportables ». Une réalité qui est cruellement visible en Cisjordanie, où nos frères et sœurs sont privés des droits les plus élémentaires, y compris la liberté de mouvement. A Gaza, les décisions politiques de toutes les parties ont abouti à la création d’une prison à ciel ouvert, à des violations des droits de l’homme et à une profonde crise humanitaire. Nous avons été accueillis par des familles dont l’objectif est désormais la survie au quotidien et dont les aspirations ont été réduites au strict nécessaire, comme l’électricité et l’eau potable.

Au milieu de tout cela, nous sommes émus par le sacrifice des religieuses, des laïcs et des prêtres qui tendent la main à toutes les parties afin de construire un avenir meilleur pour tous. Ils offrent des services vitaux, en particulier dans les domaines de l’éducation, de l’emploi et des soins aux personnes les plus vulnérables. Nous rendons grâce pour leur témoignage.

Nous encourageons les chrétiens de nos propres pays à prier pour cette mission et à la soutenir. L’augmentation du nombre de pèlerins en Terre Sainte est encourageante et nous demandons à ceux qui viennent de s’assurer qu’ils rencontrent les communautés locales.

En même temps, nous implorons nos gouvernements, afin que ces derniers contribuent à la l’élaboration d’une nouvelle solution politique enracinée dans la dignité humaine pour tous. Si, en définitive, cette solution doit être façonnée par les peuples de Terre Sainte dans le cadre d’un dialogue, il est urgent que nos pays jouent leur rôle :

• En insistant sur l’application du droit international

• En suivant l’exemple du Saint-Siège dans la reconnaissance de l’État de Palestine

• En répondant aux préoccupations de sécurité d’Israël et au droit de tous à vivre en sécurité

• En rejetant le soutien politique ou économique aux colonies israéliennes

• En s’opposant résolument aux actes de violence ou aux violations des droits de l’homme par l’une ou l’autre des parties

En prenant ces mesures, la communauté internationale peut se montrer véritablement solidaire des Israéliens et des Palestiniens qui refusent d’abandonner leur lutte non violente pour la justice, la paix et les droits de l’homme.

Nous prions pour la paix à Jérusalem.

L’Évêque Declan Lang (Président de la Coordination de Terre Sainte) Angleterre et Pays de Galles

L’Évêque Udo Bentz, Allemagne

L’Évêque Timothy Broglio, États-Unis d’Amérique

L’Évêque Peter Bürcher, Danemark, Finlande, Islande, Norvège et Suède

L’Évêque Rodolfo Cetoloni, Italie

L’Évêque Christopher Chessun, Église d’Angleterre

Archevêque Richard Gagnon, Canada

L’Évêque William Kenney, Angleterre et Pays de Galles

L’Évêque Alan McGuckian, Irlande

L’Évêque William Nolan, Écosse

L’Évêque Marc Stenger, France

L’Évêque Noel Treanor, Irlande

L’Évêque Joan Enric Vives Sicilia, Espagne

Père Antonio Ammirati, Conseil des Conférences épiscopales d’Europe

Dr Erwin Tanner, Suisse

Des photos de la Coordination Terre Sainte 2020 sont disponibles sur : flickr.com/photos/catholicism

1. « Les récents développements dans le contexte palestino-israélien, les pertes de vies humaines, la disparition progressive de l’espoir d’une solution durable et l’échec de la communauté internationale à faire appliquer le droit international pour protéger les peuples de cette terre de la lutte et du désespoir, ont atteint un point où nous sommes les témoins d’une augmentation de l’extrémisme et de la discrimination. Même ceux qui se présentaient autrefois comme les gardiens de la démocratie et les promoteurs de la paix, sont devenus des courtiers de pouvoir et des participants partisans au conflit ». Déclaration de l’Assemblée des Ordinaires catholiques de Terre Sainte 20 mai 2019

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Déclaration des Patriarches et Chefs des Eglises de Jérusalem

concernant le plan de paix “Deal du siècle” annoncé par le président américain Donald Trump le mardi 28 janvier 2020.

Après un examen approfondi du plan de paix des États-Unis d’Amérique pour le Proche-Orient, également connu sous le nom de « Deal du siècle », et après avoir étudié les réactions de toutes les parties concernées sur la question, nous, Patriarches et Chefs des Églises de Terre Sainte, affirmons notre ferme volonté de parvenir à une paix juste et globale au Proche-Orient, fondée sur la légitimité internationale et les résolutions pertinentes des Nations unies et de manière à garantir la sécurité, la paix, la liberté et la dignité à tous les peuples de la région.

Le plan de paix américain qui a été annoncé hier à la Maison Blanche en présence des Israéliens et en l’absence des Palestiniens, nous invite à demander à l’administration américaine ainsi qu’à la communauté internationale de s’appuyer sur la vision de deux États et de la développer conformément à la légitimité internationale, en plus d’ouvrir un canal de communication politique avec l’Organisation de libération de la Palestine, seul représentant du peuple palestinien reconnu internationalement, pour faire en sorte que ses aspirations nationales légitimes soient également satisfaites dans le cadre d’un plan de paix global et durable qui devra être accepté par toutes les parties concernées.

En ce qui concerne Jérusalem, nous nous référons à nouveau à notre déclaration adressée au président Donald Trump le 6 décembre 2017 et rappelons notre vision d’une ville sainte ouverte et partagée par les deux peuples, palestinien et israélien, et par les trois religions monothéistes, ainsi que notre confirmation de maintenir la tutelle de la Jordanie sur les lieux saints. La résurrection de notre Seigneur de Jérusalem nous rappelle à tous les sacrifices consentis pour assurer la justice et la paix en Terre Sainte.

Nous appelons également tous les partis politiques, factions et dirigeants palestiniens à se réunir pour discuter de tous les différends, mettre fin à l’état de conflit interne, mettre fin à la division et adopter une position unifiée en vue de la conclusion de la construction de l’État sur la base de la pluralité et des valeurs démocratiques.

Jérusalem, 30 Janvier 2020

Patriarches et Chefs des Eglises à Jérusalem

+Patriarche Theophilos III, Patriarcat grec-orthodoxe

+Patriarche Nourhan Manougian, Patriarcat Apostolique arménien orthodoxe

+Mgr Pierbattista Pizzaballa, Administrateur Apostolique, Patriarcat Latin

+Fr Francesco Patton, ofm, Custode de Terre Sainte

+Archevêque Anba Antonious, Patriarcat copte orthodoxe, Jérusalem

+Archevêque Gabriel Daho, Patriarcat syrien orthodoxe

+Archevêque Aba Embakob, Patriarcat éthiopien orthodoxe

+Archevêque Yaser Ayyash, Patriarcat grecque-melkite-Catholique

+Archevêque Mosa El-Hage, Exarcat patriarcal maronite

+Archevêque Suheil Dawani, Eglise épiscopale de Jérusalem et du Moyen-Orient

+Evêque Ibrahim Sani Azar, Eglise évangélique luthérienne de Jordanie et de Terre Sainte

+Evêque Pierre Malki, Exarcat patriarcal syrien catholique

+Révérend. Krikor-Okosdinos Coussa, Exarcat patriarcal arménien catholique

*

Michel Sabbah.

La paix est-elle possible ?

Le 28 janvier 2020 a été publié le plan américain pour le Moyen-Orient. Les Etats-Unis y disent à Israël : continuez ce que vous avez toujours fait jusqu’à aujourd’hui, l’occupation, les colonies… Nous sommes avec vous. Nous affirmons que toute la terre est vôtre. Les Palestiniens qui résident là doivent rester soumis à votre bon-vouloir.

La réalité telle qu’elle est vue par les Etats Unis et Israël doit être corrigée. Il faut leur rappeler ce que leur dit le commandement de Dieu, à eux comme à tous les peuples : « Tu ne voleras pas. Tu ne tueras pas ». Ils doivent mettre en œuvre ce commandement de Dieu dans ce long conflit avec le peuple palestinien.

La position du peuple palestinien aujourd’hui est connue de tous. Les Etats Unis, Israël et le monde la connaissent. Le peuple palestinien dit : « Nous, les propriétaires du pays, nous vous avons donné 78% de notre terre et nous vous avons dit que nous nous contentions des 22% restants, où nous aurons notre Etat, avec Jérusalem-Est comme capitale ».

La réponse des Etats Unis et d’Israël a été : « Non, vous n’aurez pas d’Etat. Tout le pays est à nous. Dieu nous l’a donné ». Mais ils oublient que Dieu leur a dit aussi « Tu ne voleras pas, tu ne tueras pas ».

Avec cette attitude contraire aux commandements de Dieu et aux lois humaines, le conflit continuera, le fort opprimera encore plus le faible, la haine augmentera et plus de sang sera répandu. Le mal l’emportera.

Or cette terre n’a pas été créée pour le mal, mais pour la rédemption de toute l’humanité. Il faut qu’il y ait, parmi les puissants de ce monde, des sages qui la ramènent à sa vraie nature. Ils doivent savoir qu’elle ne restera pas en repos tant qu’il n’y aura pas une pleine égalité entre ses peuples, afin que toute la population puisse vivre dans la paix, l’amitié et le respect mutuel et qu’elle soit soumise à la loi de Dieu. Cela est possible.

Après cette déclaration des Etats Unis, il nous semble que l’Europe, y compris la Russie, a maintenant un rôle à jouer. Chacun sait ce qui est juste et dû au peuple palestinien et à Israël .Les portes de l’espoir ayant été fermées par les Etats Unis, elles devraient être rouvertes par l’Europe et par la Russie. Elles savent ce qu’il faut faire .Nous espérons qu’elles auront le véritable courage de travailler au salut de ce pays et de ses deux peuples.

« Nous prions et demandons à Dieu de guérir les cœurs des puissants afin qu’ils puissent changer et croire à la force de la justice et de l’égalité entre toutes ses créatures dans cette Terre Sainte ».

Michel Sabbah, le 29/01/20.

*

Aujourd’hui comme hier, les chrétiens de la Méditerranée sont des passeurs sur le chemin de la Paix !

Vingt siècles durant, dans les temps douloureux comme dans les temps heureux de leur turbulente histoire, à travers leur propre diversité, souvent conflictuelle, les chrétiens de l’ensemble méditerranéen s’efforceront de mettre en œuvre le même message fondateur, avec le même souci de présence active aux mondes qui se succéderont. A Antioche et à Alexandrie. Avec Rome et Byzance. Au temps de l’islam commençant et aux temps rayonnants du Moyen Age et de la Renaissance. Ils l’oublient parfois, mais ils le savent : les chrétiens de la Méditerranée, par nature, sont des passeurs.

Par nature, et donc par vocation. S’ils ont contribué, avec les Grecs et les Romains, à élaborer, dans l’espace euro-méditerranéen, les notions d’universel et de diversité, s’ils n’ont pas craint, dès les origines, de donner, pour cela, toute leur place à la raison et à la pensée critique, les chrétiens de la Méditerranée ne sauraient aujourd’hui s’abstraire d’une tâche inhérente à leur condition chrétienne. Ils le doivent d’autant plus que cette tâche est, elle-même, plus urgente que jamais.

En quête de son unité dans le respect de la pluralité de ses cultures, le nouveau monde qui s’ébauche traverse une crise sans précédent. A l’uniformisation ambiante, aux inégalités grandissantes, à la marchandisation généralisée, y compris celle de la personne humaine, s’opposent l’enfermement dans des fondamentalismes simplificateurs, dans des communautarismes ethniques et dans des intégrismes politico-religieux porteurs de toutes les violences possibles. Berceau et carrefour des civilisations dans lequel le christianisme tient une place éminente, la Méditerranée apparaît, dans ce monde-là, comme la ligne de toutes les fractures. Amarrée à une Europe bâtie sur le socle de la réconciliation franco-allemande, elle peut et elle doit redevenir ce qu’elle est : l’espace, symbolique et réel, d’un dialogue interculturel au service de l’universel… Les chrétiens de la Méditerranée ne sauraient s’en détourner sans risque d’infidélité à leur vocation.

Seul, en effet, un dialogue des sociétés civiles méditerranéennes fondé sur le respect du droit des personnes et des peuples, sur celui de la diversité culturelle et de la liberté de conscience, sur le travail de la raison critique et sur la distinction des espaces, public et privé, permettra à l’ensemble méditerranéen de faire face aux violences montantes et d’être, avec le reste de l’Europe, facteur de stabilité et de paix. Les chrétiens ont, d’expérience, une véritable expertise en ces matières. Mais ils savent, également d’expérience, que le dialogue est un art qui relève, pour beaucoup, de l’intériorité. « Il est, écrit Andrea Riccardi, président fondateur de la Communauté de Sant’Egidio, l’art patient de l’écoute, de la compréhension, de la reconnaissance de la dimension humaine et spirituelle de l’autre. C’est l’art dont tant de régions du monde ont besoin à l’heure où les passions conflictuelles et identitaires ne cessent de croître. »

(…)

« La Méditerranée nous a transmis la part d’Orient qui vit en chacun de nous, notre identité et notre universalisme. L’avenir se construit toujours sur les offrandes et les décombres du temps. » Ainsi s’exprimait, récemment, Daniel Rondeau, écrivain de grand talent, ancien ambassadeur de France à Malte, au plein cœur de cette mer qu’il affectionne. De ce temps, présent et à venir, qui constitue le tissu commun des hommes, les chrétiens en Méditerranée sont comptables en première ligne. « Heureux les artisans de paix, ils seront appelés Fils de Dieu. »

Jean-Claude PETIT
Président du Centre National
de Presse catholique français

Marseille novembre 2008


Photo : Village palestinien de Duma et vallée du Jourdain, Wikimedia commons




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