Plateforme des ONG Françaises pour la Palestine

« Pourquoi les Israéliens veulent me punir, moi ? »

1er août 2016 - Par Chloé Rouveyrolles, envoyée spéciale à Bani Na’im et Qalandiya —

Permis de travail retirés, maisons détruites… dans les Territoires occupés, l’Etat hébreu accentue les punitions collectives en réponse à des attentats commis par des Palestiniens.



« Nous ne sommes pas des animaux, et je ne comprends pas pourquoi on nous enferme ! » lance Amal Manassra, une mère de famille nombreuse résidant à Bani Na’im. Ce village a été bouclé par l’armée israélienne après qu’un habitant, Mohammed Nasser, a assassiné dans son sommeil Hallel Yaffa Ariel, 13 ans, résidant dans la colonie limitrophe, Kiryat Arba.

Les routes ont été fermées, puis certaines ont été rouvertes de manière irrégulière pendant plus de trois semaines. « Les deux premiers jours, personne ne sortait. Puis les gens ont commencé à s’organiser : se faire déposer au barrage, passer à pied, demander à des taxis d’Hébron [la ville la plus proche, ndlr] de venir les chercher, mais ça fait un détour de plus de 7 kilomètres, et les gens ont peur de se faire arrêter, même à pied, interroger, ou même brutaliser… » explique un habitant des hauteurs du village, Ismaïl Manassra, 25 ans.
Habitants sonnés

Selon le porte-parole de l’armée israélienne, Peter Lerner, près de 80 attentats anti-israéliens auraient été conduits par des Palestiniens originaires de cette zone depuis début octobre. Pour serrer la vis après plusieurs attaques, y compris le meurtre glaçant de Kiryat Arba, l’armée a annoncé déployer d’importantes troupes au sol et fermer les routes.

Après près d’un mois d’enquête, les forces israéliennes ont pu trouver Mohammed al-Fakih, le Palestinien qui avait assassiné le rabbin Miki Mark le 1er juillet et était en fuite depuis. Al-Fakih est mort lors de l’opération. La plupart des barrages ont été levés dès le lendemain, mais les habitants de la région d’Hébron sont encore sonnés.

« Ils veulent tous nous punir parce qu’un seul des nôtres a tué l’un des leurs, et ils cherchent de nouvelles manières de nous sanctionner, mais ça n’est pas normal, c’est une punition collective ! » dénonce Ismaïl Manassra, formateur de l’armée palestinienne.

Le mari d’Amal, Khaled Manassra, panique. Porteur d’un permis délivré par les autorités israéliennes pour se déplacer et commercer en Israël, il s’est vu refuser l’entrée du territoire au point de passage qu’il utilise habituellement : « Quelle erreur ai-je commise ? Les Israéliens me connaissent très bien, ils savent où j’habite, ils savent que je veux juste travailler et ils peuvent venir vérifier, mais pourquoi me punir, moi ? »

Selon Cogat, l’unité israélienne en charge des affaires civiles dans les Territoires palestiniens, 60 000 Palestiniens sont titulaires d’un permis de travail en Israël. La presse palestinienne a rapporté la révocation de 2 700 permis à Bani Na’im. Sobhi Manassra, 26 ans, infirmier dans un hôpital de Jérusalem, n’a pas pu joindre son lieu de travail et craint de perdre un mois de salaire : « Je me marie l’année prochaine, si le permis reste annulé trop longtemps, ça risque de sérieusement compromettre ce projet. »

Après la vague d’attaques, Israël a annoncé vouloir geler certains fonds palestiniens car une partie permet d’allouer des aides aux familles de prisonniers palestiniens détenus en Israël, mais aussi aux familles des assaillants tués, ce qui constitue « des incitations au meurtre » selon le cabinet du Premier ministre israélien.
Plus de 243 Palestiniens sans toit

Walid Manassra, dont le frère est en prison, ne craint rien : « Ils l’ont déjà fait, on a eu moins d’argent, mais on s’est toujours arrangé pour que la famille de mon frère ne manque de rien. » Il estime qu’aucune de ces mesures israéliennes n’a vraiment d’impact : « Les Israéliens veulent envoyer le message : ne refaites plus d’attaque, mais plus ils nous mettent sous pression, plus il y aura des attaques. »

D’après l’UNRWA (Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient), au moins 30 habitations ont été démolies par les autorités israéliennes en représailles d’attaques depuis janvier 2015. Ces démolitions punitives, condamnées par le droit international, ont fait perdre leur toit à plus de 243 Palestiniens.

Dans le camp de réfugiés de Qalandiya, entre Ramallah et Jérusalem, deux appartements ont été détruits cet été. Ils appartiennent aux familles de deux jeunes Palestiniens originaires du camp qui ont lancé une attaque contre des Israéliens à Jérusalem en décembre, qui a fait deux morts.

Les familles estiment avoir déjà été sanctionnées par la perte de leurs fils, tués lors de l’attaque. Les dépouilles des deux jeunes hommes avaient été rendues plusieurs jours après, à la nuit tombée. « Les punitions collectives renforcent le besoin de revanche. Il y a même des Israéliens qui le disent », conclut Mohammed Abu Habsa, le père d’un des deux meurtriers. Les corps d’une dizaine d’attaquants palestiniens restent confisqués par les autorités israéliennes.
Manifestations

Dans ce même camp, plusieurs familles dont des proches ont été tués par des Israéliens ces derniers mois, le plus souvent au cours d’affrontements, se sont réunies pour s’entraider. Mohammed Alayan, le père d’un assaillant, tente d’expliquer la situation : « Le gouvernement israélien vire de plus en plus à droite et nous avons besoin de nous unir pour lutter contre ces pressions intensifiées : les démolitions, les dépouilles retenues par Israël, les mesures de sécurité renforcées autour des familles élargies, notamment pour la mobilité… » Des manifestations sont prévues en Cisjordanie pour alerter sur les nouvelles sanctions collectives et les mesures punitives.


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