Monsieur le Président de la République
Palais de l’Elysée
55, rue du faubourg Saint-Honoré
75008 Paris
À Paris, le 5 octobre 2011
Monsieur le Président,
L’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT-France), Amnesty International, la Ligue des droits de l’Homme et la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine souhaitent vous faire part de leur désapprobation des termes du compromis proposé par la France au président palestinien Mahmoud Abbas, concernant le soutien de l’Union européenne à la demande de reconnaissance d’un État palestinien par l’organisation des Nations unies.
Nos organisations saluent les efforts fournis par la France pour faire avancer les négociations internationales sur la reconnaissance d’un Etat palestinien comme membre ou observateur de l’ONU.
Cependant, nous réprouvons fermement l’une des conditions posées par la France à son soutien à l’initiative palestinienne et qui consiste à exiger du futur État palestinien qu’il s’engage à ne pas saisir la Cour pénale internationale.
Le 23 septembre 2011, le porte-parole du Quai d’Orsay, interrogé sur les raisons qui ont amené la France à poser une telle exigence, a répondu en citant le passage suivant, extrait du discours que vous avez prononcé devant l’Assemblée générale des Nations unies : les Palestiniens « devraient s’engager à ne pas utiliser ce nouveau statut pour recourir à des actions incompatibles avec la poursuite des négociations. »
La demande faite aux Palestiniens de s’abstenir de saisir la Cour pénale internationale nous semble condamnable à plusieurs égards.
Tout d’abord, nous désapprouvons le postulat qui consiste à faire prévaloir les négociations sur la recherche de justice et à considérer que la lutte contre l’impunité peut entraver le processus de paix. Nous estimons en effet qu’il ne saurait y avoir de paix durable sans justice.
De plus, l’opposition de la France au recours à la justice pénale internationale dans le conflit israélo-palestinien affaiblit considérablement l’autorité de la Cour que la France a pourtant œuvré à créer et qu’elle s’est engagé à soutenir en ratifiant le Statut de Rome.
Cette posture de la France contraste par ailleurs avec l’engagement pris par le gouvernement français de consolider la place allouée aux droits de l’homme dans sa diplomatie, engagement pourtant renouvelé depuis le début du Printemps arabe.
Enfin, la condition posée par la France à la reconnaissance du futur État palestinien est hautement préjudiciable aux victimes, aussi bien palestiniennes qu’israéliennes, dont la plupart n’ont jamais obtenu justice pour les préjudices qu’elles ont subis ou continuent de subir. L’absence quasi-totale de sanction des auteurs israéliens et palestiniens des crimes perpétrés dans le cadre de l’opération Plomb durci est particulièrement révélatrice du climat d’impunité qui prédomine sur le territoire israélo-palestinien. Les rapports rendus les 21 septembre 2010 et 18 mars 2011 par le Comité d’experts indépendants, créé dans le cadre de la mise en œuvre des recommandations du rapport Goldstone, ont établi que ni le gouvernement israélien, ni la partie palestinienne n’ont satisfait aux demandes formulées par l’Assemblée générale des Nations unies d’enquêter sur les crimes commis dans le cadre de l’opération Plomb durci.
Il en va de même des nombreuses atteintes aux droits de l’homme commises avant et après l’opération Plomb durci.
C’est pourquoi nos organisations insistent sur l’impérieuse nécessité de porter cette affaire devant la Cour pénale internationale qui apparaît aujourd’hui comme la seule instance à même de rendre justice aux victimes.
Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à réaffirmer l’attachement de la France au respect des engagements internationaux qu’elle a souscrits en matière de droits de l’homme et notamment au Statut de Rome établissant la Cour pénale internationale. Ce faisant, nous vous demandons de renoncer à conditionner le soutien de la France à la création d’un État palestinien à l’engagement de ce dernier à ne pas saisir la Cour pénale internationale.
Vous remerciant de l’attention que vous prêterez à notre courrier, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre haute considération.
Vous remerciant de l’attention que vous prêterez à notre courrier, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre haute considération.
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