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La police israélienne a recouru contre des Palestiniens à des arrestations discriminatoires, à la torture et à une force illégale

30 juin 2021 - Communiqué de Amnesty International

Vagues d’arrestations visant des militant·e·s palestiniens

Recours illégal à la force contre des manifestant·e·s palestiniens

Utilisation de la torture contre des détenus palestiniens

Pas de protection des Palestiniens contre les attaques organisées par des groupes suprémacistes juifs



La police israélienne a perpétré de nombreuses violations contre des Palestiniens en Israël et à Jérusalem-Est occupée, se livrant à une campagne de répression discriminatoire notamment avec des arrestations massives, le recours à une force illégale contre des manifestant·e·s pacifiques, et soumettant des détenus à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements, pendant et après les affrontements armés en Israël et à Gaza, a déclaré Amnesty International le 24 juin.

La police israélienne s’est en outre abstenue de protéger des citoyens palestiniens d’Israël contre des attaques préméditées commises par des groupes de suprémacistes juifs armés, y compris dans des cas où ces projets avaient été rendu publics à l’avance et où la police en était informée ou aurait dû en avoir connaissance.

« Les éléments de preuve réunis par Amnesty International mettent en évidence la discrimination et le recours impitoyable à une force excessive auxquels se livre la police israélienne contre les Palestiniens en Israël et à Jérusalem-Est occupée, a déclaré Saleh Higazi, directeur adjoint du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.

« La police a l’obligation de protéger toutes les personnes placées sous l’autorité d’Israël, qu’elles soient juives ou palestiniennes. Or, la grande majorité des personnes arrêtées lors des opérations de répression de la police à la suite de la flambée de violences intercommunautaires étaient des Palestiniens. Les quelques citoyens israéliens juifs qui ont été arrêtés ont été traités avec plus d’indulgence. De plus, des suprémacistes juifs continuent d’organiser des manifestations alors que des Palestiniens sont en butte à la répression. »

Les chercheurs d’Amnesty International ont mené des entretiens avec 11 témoins, et son Laboratoire de preuves a vérifié 45 vidéos et autres documents numériques qui ont permis de rassembler des informations sur plus de 20 cas de violations commises par la police israélienne entre le 9 mai et le 12 juin 2021. Plusieurs centaines de Palestiniens ont été blessés lors de cette répression, et un garçon de 17 ans a été tué par balle.

Une répression discriminatoire

À partir du 10 mai, alors que les manifestations gagnaient des villes à population palestinienne en Israël, des violences intercommunautaires ont éclaté. Plusieurs dizaines de personnes ont été blessées, et deux citoyens israéliens juifs et un citoyen palestinien ont été blessés. Des synagogues et des cimetières musulmans ont été vandalisés. À Haïfa, 90 voitures appartenant à des Palestiniens ont été détruites le 13 mai, et des pierres ont été lancées contre des Palestiniens qui se trouvaient chez eux. À Jérusalem-Est, des colons israéliens ont continué de harceler violemment des habitants palestiniens.

Face à cela, le 24 mai, les autorités israéliennes ont lancé l’opération Ordre public visant principalement les manifestant·e·s palestiniens. Les médias israéliens ont déclaré que cette opération visait à « régler les comptes » avec les personnes impliquées, et à « dissuader » d’organiser de nouvelles manifestations.

Selon Mossawa, une organisation palestinienne de défense des droits humains, à la date du 10 juin, la police avait arrêté plus de 2 150 personnes – plus de 90 % d’entre elles étaient des citoyens palestiniens d’Israël ou des habitants palestiniens de Jérusalem-Est. Cette organisation a également indiqué que 184 actes d’accusation ont été émis contre 285 prévenus. Selon Adalah, une organisation de défense des droits humains, un représentant du bureau du procureur général a déclaré le 27 mai que seuls 30 citoyens israéliens juifs figuraient parmi les personnes mises en cause.

La plupart des Palestiniens arrêtés ont été placés en détention pour des infractions telles que « outrage ou violence contre des policiers » ou « participation à un rassemblement illégal » et non pour des attaques violentes contre des personnes ou des biens, selon le Comité de suivi pour les citoyens arabes d’Israël.

« Cette répression discriminatoire a été orchestrée en tant qu’actes de représailles et d’intimidation visant à étouffer les manifestations pro-palestiennes et à réduire au silence les personnes qui dénoncent haut et fort la discrimination institutionnalisée et la répression systémique que pratique Israël contre les Palestiniens », a déclaré Saleh Higazi.

Recours illégal à la force contre les manifestant·e·s

Amnesty International a rassemblé des informations sur l’utilisation par la police israélienne d’une force inutile ou excessive pour disperser des manifestations organisées par des Palestiniens contre des expulsions forcées à Jérusalem-Est et contre l’offensive sur Gaza. Ces manifestations ont été généralement pacifiques, même si une minorité d’individus s’en sont pris à des biens de la police et ont lancé des pierres. Par contraste, les suprémacistes juifs ont continué d’organiser librement des manifestations. Le 15 juin, plusieurs milliers de colons et suprémacistes juifs ont défilé de façon provocante dans des quartiers palestiniens de Jérusalem-Est.

Les récits de témoins et des vidéos vérifiées confirment que le 9 mai, dans le quartier de la colonie allemande à Haïfa, dans le nord d’Israël, un groupe d’une cinquantaine de protestataires manifestaient pacifiquement quand des policiers armés les ont attaqués, en l’absence de provocation, frappant plusieurs d’entre eux.

Le 12 mai, Muhammad Mahmoud Kiwan, un garçon de 17 ans, a reçu une balle dans la tête près d’Umm el Fahem, dans le nord d’Israël, et il est mort une semaine plus tard des suites de cette blessure. Selon des témoins directs, il était assis dans une voiture à proximité d’une manifestation quand la police israélienne a tiré sur lui. La police conteste cette version des faits et dit qu’elle mène une enquête.

Le même jour, sur la place du Puits de Marie, dans le nord d’Israël, des policiers ont violemment dispersé une manifestation pacifique à laquelle participaient une quarantaine de personnes, sans sommation, agressant physiquement des protestataires.

« La police israélienne devrait protéger le droit à la liberté de réunion, au lieu de lancer des attaques contre des manifestant·e·s pacifiques. La Commission d’enquête du Conseil des droits de l’homme de l’ONU mise en place en 2021 doit enquêter sur le nombre alarmant de violations commises par la police israélienne », a déclaré Saleh Higazi.

La police israélienne a également utilisé une force illégale à Jérusalem-Est occupée. Le 18 mai, la police a tiré sur Jana Kiswani, une jeune fille de 15 ans ; elle a reçu une balle dans le dos alors qu’elle rentrait chez elle à Sheikh Jarrah. Une manifestation avait eu lieu quelques heures plus tôt devant sa maison. Son père, Muhammad, a dit à Amnesty International que certaines de ses vertèbres ont été brisées et que les médecins ne savent pas si elle pourra de nouveau marcher. Dans une vidéo qui a été vérifiée, on voit Jana Kiswani s’écrouler sur le sol au moment où elle reçoit une balle dans le dos. Une autre vidéo qui a été vérifiée montre un policier israélien en train de tirer négligemment avec un lance-grenades IWI GL 40 Stand Alone sur une personne qui se trouve hors-champ, et on entend ensuite des cris.

Violences policières, torture et autres mauvais traitements

Le 12 mai, à Jaffa, au sud de Tel Aviv, Ibrahim Souri a été touché au visage par des policiers israéliens qui ont fait feu alors qu’il utilisait son téléphone portable pour filmer, depuis le balcon de sa maison, une patrouille de police dans la rue.

Dans une vidéo vérifiée, on entend un des policiers dire : « Que fait-il ? » Ibrahim Souri leur crie alors : « Je suis en train de filmer, c’est pas autorisé ? Tirez, ça sera enregistré. » Il a par la suite dit à Amnesty International : « Je ne pensais pas qu’ils tireraient vraiment. Je croyais avoir des droits, et que j’étais en sécurité, dans un pays démocratique. » Les photos examinées par le médecin légiste d’Amnesty International et le dossier médical indiquent qu’il a très probablement été touché par un projectile à impact cinétique (KIP) de 40 mm qui lui a fracturé des os de la face.

Amnesty International a également réuni des informations sur des actes de torture commis au poste de police de la Moskobiya à Nazareth le 12 mai. Un témoin dit avoir vu les forces spéciales frapper un groupe d’au moins huit détenus ligotés qui avaient été arrêtés lors d’une manifestation :

« C’était comme dans un camp de prisonniers de guerre, très violent. Les agents frappaient les jeunes hommes avec des manches à balai et leur assenaient des coups de pied avec des bottes avec embout en acier. Quatre d’entre eux ont dû être évacués en ambulance », a-t-il déclaré.

L’avocat de Ziyad Taha, un autre manifestant détenu au centre de détention de Kishon, près d’Haïfa, le 14 mai, a déclaré que son client a été attaché par les poignets et les chevilles à une chaise et privé de sommeil pendant neuf jours.

Pas de protection des Palestiniens contre les attaques de suprémacistes juifs

La police s’est également abstenue de protéger les Palestiniens contre les attaques organisées par des groupes armés de suprémacistes juifs, dont les projets étaient souvent connus à l’avance.

Amnesty International a vérifié 29 messages texte et audio provenant de chaînes publiques Telegram et WhatsApp révélant que ces applications ont été utilisées pour recruter des hommes armés et organiser des attaques contre des Palestiniens dans des villes à population juive et arabe comme Haïfa, Acre, Nazareth et Lod, entre le 10 et le 21 mai.

Ces messages comprenaient des instructions sur les lieux et heures des rassemblements, les types d’armes à utiliser et même les vêtements à porter afin d’éviter de confondre les juifs originaires du Moyen-Orient avec des arabes palestiniens. Des membres de ces groupes ont partagé des autoportraits où ils prenaient la pose avec des armes à feu, et des messages tels que : « Ce soir nous ne sommes pas des juifs, nous sommes des nazis. »

Le 12 mai, plusieurs centaines de suprémacistes juifs se sont rassemblés sur la Promenade de Bat Yam, répondant aux messages envoyés par le Parti du pouvoir juif et par d’autres groupes. Dans des vidéos vérifiées, on voit des dizaines de militants attaquer des commerces appartenant à des arabes et encourager les attaques. Parmi les personnes attaquées figure Saïd Musa, qui a également été renversé par un scooter conduit par des agresseurs juifs. Six Israéliens seulement font l’objet de poursuites liées à ces attaques.

Des responsables politiques et des représentants du gouvernement ont aussi lancé des incitations à la violence. Le 11 mai, des émeutes ont éclaté après qu’Itamar Ben Gvir, député du Parti du pouvoir juif, eut demandé à ses sympathisants de se rendre à Lod et dans d’autres villes et appelé à tirer sur les lanceurs de pierres.

La veille, Musa Hassuna avait été tué par balle par un citoyen israélien juif à Lod lors de violences intercommunautaires. Dans une vidéo, on le voit au moment où il est tué, alors qu’il se trouve à proximité d’un groupe de Palestiniens qui lancent des pierres. Son père a reproché au maire de la ville, Yair Revivo, d’avoir « appelé les extrémistes à commettre cet acte de violence », faisant référence à une déclaration dans laquelle le maire qualifiait les événements à Lod de pogrom. Quatre suspects ont été arrêtés en lien avec cet homicide, puis libérés sous caution trois jours plus tard. Le ministre israélien de la Sécurité publique, Amir Ohana, a ouvertement condamné ces arrestations, les jugeant « terribles ».

Pour illustrer cette discrimination, citons le cas de Kamal al Khatib, dirigeant adjoint de la Branche nord du Mouvement islamique en Israël, qui a été arrêté le 14 mai et inculpé d’incitation à la violence et de soutien à une organisation terroriste en raison de déclarations faites publiquement dans lesquelles il se disait fier de la solidarité avec la population de Gaza et de Jérusalem-Est et disait que les changements concernant le statut des sites sacrés de Jérusalem avaient conduit aux violences entre Palestiniens et juifs.

« Il est honteux que la police se soit abstenue à plusieurs reprises de protéger les Palestiniens contre les attaques organisées par des groupes de suprémacistes juifs armés et que personne n’ait eu à rendre de comptes pour de telles attaques ; cela montre que les autorités ne se soucient guère de la vie des Palestiniens, a déclaré Molly Malekar, directrice d’Amnesty Israël.

« Le fait que des citoyens juifs d’Israël, y compris des personnalités de premier plan, aient été autorisés à lancer ouvertement des incitations à la violence contre les Palestiniens et n’aient pas eu à répondre de ces agissements donne la mesure de la discrimination institutionnalisée à laquelle sont en butte les Palestiniens, et souligne l’urgente nécessité d’une protection. »

L’intégralité du communiqué à retrouver ici



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