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Israël doit mettre fin à sa politique « illégale et cruelle » à l’égard des prisonniers palestiniens

16 avril 2017 - Amnesty International

La politique mise en œuvre par Israël depuis des décennies, qui consiste à incarcérer des Palestiniens de Cisjordanie occupée et de Gaza dans des prisons situées en Israël et à les priver des visites régulières de leur famille, est cruelle et constitue une violation flagrante du droit international, a déclaré Amnesty International, alors que des prisonniers s’apprêtent à observer une grève de la faim collective qui doit démarrer le 17 avril, à l’occasion de la Journée des prisonniers palestiniens.



Amnesty International a recueilli les témoignages de membres de familles et de prisonniers palestiniens détenus dans le système carcéral israélien, qui mettent en lumière la souffrance endurée par les familles qui sont parfois privées de la possibilité de voir leurs proches détenus pendant de nombreuses années.

« La politique d’Israël qui consiste à incarcérer les Palestiniens arrêtés dans les Territoires palestiniens occupés dans des prisons en Israël est une violation flagrante de la Quatrième Convention de Genève. C’est une pratique illégale et cruelle, et les conséquences pour le détenu et ses proches, qui sont souvent privés de la possibilité de le voir pendant des mois, voire des années, peuvent s’avérer dévastatrices », a déclaré Magdalena Mughrabi, directrice régionale adjointe du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient à Amnesty International.

« Au lieu de transférer illégalement les prisonniers en dehors des territoires occupés, Israël devrait faire en sorte que tous les Palestiniens qui y sont interpellés soient placés dans des prisons et des centres de détention situés dans les Territoires palestiniens occupés. En attendant, les autorités israéliennes doivent cesser de se servir des restrictions excessives des droits de visite pour sanctionner les prisonniers et leurs familles, et garantir que les conditions respectent pleinement les normes internationales. »

Les détenus palestiniens qui s’apprêtent à participer à la grève de la faim collective la semaine prochaine présentent une série de revendications, notamment la levée des restrictions sur les visites et les contacts avec les familles. Les prisonniers palestiniens détenus pour des raisons de sécurité n’ont pas le droit de téléphoner à leurs familles. La grève de la faim a été annoncée par le leader incarcéré du Fatah Marwan Barghouthi. Plusieurs factions politiques et prisonniers ont annoncé qu’ils participeraient à cette action.

Aux termes du droit international humanitaire, les détenus originaires des territoires occupés doivent être détenus dans ces territoires et non dans celui de la puissance occupante. Ils doivent aussi être autorisés à recevoir des visites, notamment de leurs proches, à intervalles réguliers et aussi souvent que possible.

Selon le Club des prisonniers palestiniens, une organisation non gouvernementale (ONG), on compte actuellement 6 500 prisonniers palestiniens, dont au moins 300 mineurs, détenus pour des motifs sécuritaires dans des prisons et centres de détention gérés par Israël. Les 17 centres – sauf un – sont situés sur le territoire israélien. La grande majorité des prisonniers sont des hommes, 57 sont des femmes, dont 13 âgées de moins de 18 ans. Treize sont des membres du Conseil législatif palestinien. Au moins 500 personnes sont détenues sans inculpation ni jugement au titre de la détention administrative, une pratique qui bafoue les garanties édictées par le droit international pour prévenir la détention arbitraire. Selon le porte-parole de la Commission chargée des Affaires des prisonniers palestiniens, Hasan Abed Rabbo, au moins 1 000 prisonniers ne sont pas autorisés à recevoir la visite de leur famille pour des « motifs de sécurité ». Il a ajouté qu’entre 15 et 20 prisonniers sont actuellement détenus à l’isolement, privés de tout contact avec leurs codétenus et des visites de leur famille.

« Ahmed » (son nom a été modifié pour protéger son identité), 32 ans, originaire d’Hébron, se trouve en détention administrative à la prison de Ketziot, dans le désert du Néguev. Il n’a reçu qu’une seule fois la visite de ses proches, alors qu’il a passé de manière intermittente cinq ans et demi dans les geôles israéliennes entre 2005 et 2017. Il a déclaré à Amnesty International qu’il participera à la grève collective dans l’espoir que cela amène les autorités à autoriser sa mère âgée de 70 ans à lui rendre visite, alors qu’elle a essuyé plusieurs refus. Il a été arrêté sept fois au total. Sa détention administrative doit faire l’objet d’un renouvellement le 29 juillet.

« J’ai reçu une seule visite de ma famille pendant mon incarcération. En 2006, ma mère et mon père ont pu me rendre visite, car mon père était souffrant. Il avait 75 ans, et c’est la dernière fois que je l’ai vu. Il est mort pendant que j’étais en prison. »

« Personne ne peut me rendre visite, ma mère a plus de 70 ans et on lui refuse l’autorisation pour des raisons de sécurité... J’ignore quand je serai libéré ou combien de temps je vais passer en prison, je veux pouvoir voir ma famille. Les autorités israéliennes utilisent les permis pour me punir... Je ne sais pas combien de temps [ma mère] a [encore à vivre] et si je pourrai la revoir quand et si je suis remis en liberté. »

Najat al Agha, 67 ans, originaire de Khan Younis dans la bande de Gaza, a déclaré à Amnesty International que son fils, Dia al Agha, 43 ans, est incarcéré en Israël depuis 25 ans. À l’âge de 19 ans, il a été condamné à la réclusion à perpétuité après avoir été reconnu coupable de meurtre. Il est détenu à la prison de Nafha, à Mitzpe Ramon, dans le sud.

« J’ignore pourquoi mes demandes sont rejetées. J’ai 67 ans. Quelle menace suis-je censée représenter pour la sécurité d’Israël ? Tout ce que je veux, c’est le voir et m’assurer qu’il va bien. Je ne sais pas combien de temps il me reste à vivre, chaque visite peut être la dernière. J’ai peur de mourir avant de le revoir », a déclaré sa mère.

« Chaque fois que je dépose une demande de permis, elle est rejetée. Cela fait presque un an que je n’ai pas vu mon fils, c’est très dur. Ils nous punissent, ils cherchent à nous briser. »

D’après le règlement des Services pénitentiaires israéliens, tous les prisonniers ont le droit de recevoir la visite de leur famille une fois toutes les deux semaines. Pourtant, dans la réalité, parce que les Palestiniens des territoires occupés doivent déposer une demande de permis pour entrer en Israël, ils ne peuvent pas faire des visites aussi fréquentes. En outre, le règlement des Services pénitentiaires israéliens permet aux autorités d’annuler pour des motifs de sécurité le droit d’un détenu de recevoir les visites de sa famille.

Les prisonniers de Gaza sont les plus touchés par les restrictions, car l’armée israélienne n’accorde des permis aux familles de la bande de Gaza qu’une fois tous les deux mois. Cette politique touche environ 365 prisonniers originaires de Gaza actuellement détenus en Israël. En outre, les prisonniers du Hamas, ainsi que ceux qui vivent dans les mêmes ailes des prisons, ne sont autorisés à recevoir qu’une visite par mois, quel que soit leur lieu d’origine.

Depuis 1969, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a la charge de servir de médiateur et de faciliter tous les aspects liés aux visites des familles de prisonniers de Cisjordanie et de Gaza, sans aucune aide logistique ni financière d’Israël. Les habitants de Cisjordanie et de Gaza déposent une demande auprès du CICR pour recevoir des permis et s’en remettent au CICR pour organiser le transport vers les prisons, en accord avec les Services pénitentiaires israéliens. En juillet 2016, le CICR a réduit le nombre de visites organisées pour les familles des prisonniers originaires de Cisjordanie – de deux à une par mois. Un représentant de l’organisation a expliqué que cette décision a été prise pour mieux gérer les ressources du CICR en raison de la faible présence des familles lors des visites. Cette réduction ne concerne pas les femmes, les mineurs ni les prisonniers hospitalisés. Depuis, le CICR a proposé trois visites annuelles supplémentaires pour tous les prisonniers, à l’occasion des grandes fêtes.

« Reham » (son nom a été modifié) est une Palestinienne de 27 ans originaire de Ramallah, dont le frère est emprisonné en Israël depuis 15 ans. Il avait 12 ans lorsqu’il a été arrêté. Il purge une peine de prison de 30 ans et est actuellement détenu au centre d’Hadarim. Selon Reham, l’incertitude liée à l’attente d’une réponse à une demande de permis de visite est source de très fortes tensions pour sa famille. Depuis octobre 2016, elle s’est vu refuser des permis réguliers pour des motifs de sécurité, et doit désormais renouveler son permis après chaque visite. Sa mère malade n’a été autorisée à rendre visite à son fils que deux fois en quatre ans avant de mourir. Il n’a pas été autorisé à assister à ses funérailles.

Selon l’association Addameer, la plupart des habitants de Cisjordanie qui rendent visite à des proches détenus mettent entre huit et 15 heures pour se rendre à la prison, en fonction de l’endroit où se situe la prison et de leur lieu de résidence. Ils sont soumis à de longues palpations et parfois à des fouilles au corps.

« Les autorités israéliennes jouent avec nos émotions, elles nous torturent et nous punissent. Elles cherchent à nous casser, à nous épuiser, jusqu’à ce que nous acceptions de rendre moins fréquemment visite à nos proches en raison de toutes les humiliations, les fouilles, les abus et les insultes imputables aux soldats et aux gardiens de prison », a déclaré « Reham ».

Complément d’information

Outre la levée des restrictions sur les visites des familles, les prisonniers qui vont observer une grève de la faim mettent en avant une série de revendications, notamment un meilleur accès aux soins médicaux ; l’augmentation de la durée des visites de 45 à 90 minutes ; pour les femmes détenues, la possibilité de recevoir des visites sans cloison vitrée, afin que les mères puissent prendre leurs enfants dans les bras ; l’amélioration des conditions de détention, notamment l’allègement des restrictions concernant l’entrée des livres, des vêtements, de la nourriture et d’autres cadeaux apportés par leurs familles ; le rétablissement de centres éducatifs et l’installation de téléphones pour permettre aux prisonniers de communiquer avec leur famille.

Voir en ligne : l’article sur le site d’Amnesty International


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