Qui parle encore du « mur/barrière de sécurité » érigé par Israël depuis 2002 essentiellement en territoire palestinien occupé ? Plus grand-monde. Tout se passe comme si, avec l’habitude ou l’accoutumance, on oubliait. Eh bien ! un homme politique israélien s’est récemment fendu d’un texte d’opinion publié dans le Haaretz du 5 mars 2013 intitulé « Abattons ce mur ». Un texte fort original.
L’auteur est-il encore un vulgaire « droitdel’hommiste » ou alors un autre gauchiste égaré ? Que nenni ! Il s’agit de Moshe Arens, ci-devant membre éminent du Likoud, la formation nationaliste du Premier ministre Binyamin Netanyahou, plusieurs fois ministre de la Défense et des Affaires étrangères dans les années 80 et 90.
Et que dit donc ce vétéran retraité du Likoud, qui n’est certes pas considéré comme un « faucon » invétéré ? Il compare le mur à « une balafre le long du visage d’Israël ». Il explique que la barrière est « une punition sévère imposée aux Palestiniens », dont « la vie est rendue plus difficile », et notamment celle « de fermiers séparés de leurs terres ». Arens rappelle que le terrorisme palestinien a certes été quasi éradiqué mais estime que la présence de l’armée israélienne en « Judée et Samarie » (lire : la Cisjordanie occupée) et son retour en 2002 dans les zones laissées à l’Autorité palestinienne constitue la raison majeure, sinon la seule, de cette quasi-éradication. D’ailleurs, ajoute-t-il, le mur/barrière n’est pas terminé dans certaines zone, donc des terroristes pourraient passer par là (1).
Bref, conclut-il, il s’agit d’un poids financier pour Israël et d’une punition pour une bonne partie de la population palestinienne, cela n’en vaut pas le prix et il conviendrait de l’abattre.
L’article de Moshe Arens n’aura aucun effet. Le mur a été une idée de la gauche israélienne que Ariel Sharon avait dû accepter à contrecoeur, à l’époque des attentats suicides au plus fort de la seconde intifada, sous la pression de l’opinion publique israélienne. Celle-ci ne retient qu’une chose : les attentats suicides ont quasiment disparu et tant mieux. Que le Hamas ait décidé de renoncer à ce type de méthode sanglante en 2005 n’entre dans l’analyse de personne, dirait-on. En revanche, les autorités israéliennes estiment que la collaboration des services policiers de l’Autorité palestinienne dans la traque des activistes islamistes leur est précieuse (et d’ailleurs souvent mal perçue par l’opinion publique palestinienne).
Ariel Sharon avait fait construire cette ligne infranchissable selon un tracé qui permettait, au besoin, d’annexer un jour une partie des territoires palestiniens, celle située à l’ouest du mur/barrière (qui englobe une grande majorité des colons, plus de 400.000 sur 500.000, Est-Jérusalem compris). Mais, en même temps, son gouvernement puis ceux d’Olmert (2006-2009) puis de Netanyahou (depuis 2009), ont avalisé et favorisé l’extension de la colonisation juive des deux côtés de la séparation, y compris profondément en territoires palestiniens occupés (dans ce qu’on appelle la « zone C » depuis les accords d’Oslo, contrôlée à 100% par Israël, soit 60% de la Cisjordanie).
Résultat : le nombre de colons juifs installés en territoires occupés a largement plus que doublé depuis la signature des accords dits d’Oslo en 1993, il y aura bientôt vingt ans. Des accords pourtant censés préluder à des négociations de paix pendant cinq ans qui devaient, dans l’esprit des signataires plus que dans la teneur du texte, aboutir à l’établissement d’un Etat palestinien. De l’avis de nombreux observateurs avertis, y compris les diplomates occidentaux vivant à Jérusalem, la présence de ces nombreux colons israéliens prévient l’avènement d’un Etat palestinien souverain et disposant d’un territoire contigu. Elle empêche aussi l’installation de la capitale d’une future Palestine dans la partie Est de Jérusalem. Et si ces conséquences étaient en réalité le but réel des gouvernements israéliens successifs ?
(1) Un détail qui n’en est pas un : le 9 juillet 2004, la Cour internationale de justice de La Haye, organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations unies, a rendu un avis consultatif demandé par l’Assemblée générale de l’ONU sur les conséquences juridiques de l’érection du mur/barrière de sécurité. L’avis est cinglant pour Israël puisqu’il conclut que « l’édification d’un mur par Israël et le régime qui y est associé sont contraires au droit international », et il réclame le démantèlement de ce mur.
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