Plateforme des ONG Françaises pour la Palestine

Le mur et les checkpoints, les chiffres-clés 2024

16 août 2024

L’édification du mur de séparation ou d’apartheid, appelé barrière de sécurité par les autorités israéliennes, a été initiée au début des années 2000, avec la volonté affichée ”d’empêcher les Palestiniens d’entrer en Israel et par là, diminuer le risque d’attentats”. En réalité l’objectif était de compléter la ghettoïsation des Palestiniens entamée avec la création des zones A, B et C issues du processus d’Oslo, d’isoler Jérusalem-Est du reste de la Cisjordanie, et d’annexer des terres et des ressources en eau abondantes. La « séparation » est d’abord celles de Palestiniens avec d’autres Palestiniens La construction du mur a commencé en 2002. En 2004, la Cour internationale de Justice a conclu que le mur était illégal au regard du droit international, pour la raison principale que sa construction empiète sur le territoire palestinien occupé.

Comment et où ?

Le mur est matérialisé par des plaques de béton de 7 à 9 mètres de hauteur ou par une clôture électrifiée d’environ 5 mètres de hauteur, accompagnée sur toute sa longueur d’une zone de sécurité de 30 à 100 mètres de largeur, comprenant fils barbelés, fossés anti-véhicules, caméras de sécurité, miradors, bande permettant les patrouilles militaires, etc.

En décembre 2022, le mur s’étendait sur 713 kilomètres de long. 64 % de sa construction était achevée et 36 % était planifiée.

A partir de juin 2022, les autorités israéliennes ont commencé à réparer et à renforcer un tronçon de plus de 45 km dans le nord de la Cisjordanie, afin d’empêcher les Palestiniens d’entrer en Israël par des ouvertures non réglementées.

Le tracé du mur ne respecte pas la Ligne verte, qui correspond à la ligne d’armistice de 1949. Environ 85 % du mur se trouve en Cisjordanie.occupée. Le mur s’enfonce parfois jusqu’à 22 kilomètres à l’intérieur du territoire palestinien et ce dans le but d’englober les colonies israéliennes telles que celle d’Ariel.

Les colonies représentent environ 10 % du territoire de la Cisjordanie, avec environ 290 colonies, toutes illégales selon le droit international, pour plus de 710 000 colons. Ces chiffres intègrent les colonies et les colons de Jérusalem-Est qui fait partie de la Cisjordanie

Les conséquences sur la population palestinienne

Le mur a des impacts significatifs sur la vie quotidienne des Palestiniens.

  • Restriction de la liberté de mouvement :

Le mur est assorti de tout un système de restriction de mouvement en Cisjordanie, qui se traduit par la délivrance de permis (santé, visite familiale, travail, etc) et l’existence de points de passage et de checkpoints (en 2023, 237 checkpoints). On retrouvait au total, en 2022, plus de 645 obstacles physiques aux déplacements en Cisjordanie, rendant difficile le déplacement des Palestiniens dans la région, et encore plus difficile les déplacements en dehors de la Cisjordanie. En effet, plus de la moitié des obstacles (339 sur 645) ont été évalués par l’OCHA comme ayant un impact sévère sur les Palestiniens en empêchant ou en réduisant drastiquement leur liberté de mouvement. Cette matrice de contrôle participe à accroître le refoulement ainsi que l’enfermement dans des enclaves séparées les unes des autres et à affaiblir l’économie, l’agriculture et le tourisme.

En 2022 selon l’OCHA, 15 % des demandes de permis relatifs à la santé afin d’accéder à des soins en Israël ou à Jérusalem-Est n’ont pas été approuvées à temps, de même que 20 % des demandes de permis pour leurs accompagnateurs. De plus, toujours en 2022, 93 % des transferts d’ambulance vers Jérusalem-Est ont subi des retards en raison de la procédure du « back-to-back », qui force à transférer des patients d’une ambulance palestinienne et à une ambulance israélienne.

  • Impact sur l’économie et plus particulièrement sur l’agriculture

De nombreuses terres agricoles palestiniennes se retrouvent du côté israélien du mur, ce qui empêche les agriculteurs palestiniens d’accéder facilement à leurs champs. Cette situation a entraîné une baisse significative de la production agricole et des revenus pour ces agriculteurs.

L’accès des Palestiniens aux limites municipales des colonies israéliennes (soit 10 % de la Cisjordanie) est interdit par un ordre militaire. De fait, de nombreux agriculteurs ne peuvent atteindre leurs terres privées à l’intérieur ou autour des colonies qu’au maximum deux fois par an, sous réserve d’approbation des autorités israéliennes. La plupart des agriculteurs palestiniens dont les terres sont de l’autre côté du mur peuvent donc uniquement accéder à leurs vergers et champs par le biais de portes spéciales (environ 69). Cependant, la plupart du temps, les autorités israéliennes maintiennent ces portes fermées.

  • Fragmentation spatiale et sociale

Le mur et les cheekpoints divisent des communautés et des familles, créant une séparation physique qui complique les relations sociales, commerciales et familiales. Par exemple, des membres d’une même famille peuvent se retrouver de part et d’autre du mur, ce qui rend les visites et les réunions familiales extrêmement difficiles.

Le village d’al-Walaja est l’exemple même de cette fragmentation sociale, de cette ghettoïsation causée par le mur. Ce village palestinien est situé au sud-ouest de Jérusalem et compte environ 3 000 habitants. Il est géographiquement enclavé par les colonies israéliennes et le mur.

En 1967, après l’occupation de la Cisjordanie, Israël a annexé environ un tiers de cette zone aux limites municipales de Jérusalem. Toutefois, la municipalité de Jérusalem n’accepte pas les Palestiniens d’al-Walaja qui sont pourtant techniquement situés à l’intérieur de ses frontières administratives. Cela signifie que les habitants d’al-Walaja sont dans une situation où ils ne peuvent ni construire légalement ni accéder aux services publics de manière adéquate, que ce soit du côté israélien ou palestinien du mur.

Cette réalité complexe a posé des difficultés aux habitants d’al-Walaja, limitant leur capacité à mener une vie normale et à accéder aux droits fondamentaux tels que le logement, l’éducation et les soins de santé. Une réalité qui, depuis le 7 octobre 2023, s’est énormément aggravée.

Médecins du Monde - organisation membre de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine - a publié en 2024 une étude de cas intitulée « La santé emmurée : comment les barrières de l’armée israélienne bloquent l’accès à la santé des villages palestiniens ? ». Ce rapport met en lumière les difficultés croissantes rencontrées par les Palestiniens pour accéder aux services de santé en Cisjordanie occupée. Cette étude se concentre principalement sur le village d’al-Walaja, situé en Cisjordanie, village qui est complètement coupé du reste de la région par le Mur de séparation israélien et les blocages militaires. Depuis le 7 octobre 2023, la situation s’est encore aggravée avec une augmentation drastique des restrictions imposées par les forces israéliennes sur la seule route reliant al-Walaja au monde extérieur. Les conséquences sont graves et ce notamment en matière d’éducation et de santé.

La ville de Qalqilya, située dans le nord-ouest de la Cisjordanie près de la Ligne Verte, a elle aussi subi des transformations majeures depuis la construction du mur. La ville, qui abrite plus de 40 000 Palestiniens, est complètement emmurée, avec un seul point de contrôle pour entrer et sortir de la ville. Ce cloisonnement a gravement restreint les mouvements des personnes et des marchandises, rendant l’accès à la ville difficile et soumis à des contrôles militaires stricts. Cette situation a entraîné la perte de plus de 600 commerces, ateliers, stations-service et autres entreprises, principalement dans la zone industrielle située à l’ouest de la ville. Cette zone, autrefois dynamique grâce à sa proximité avec les marchés israéliens, a vu son activité économique chuter drastiquement en raison des restrictions imposées et de la diminution du flux de clients et de fournisseurs.

Le droit international

La construction du mur de séparation approuvée par le gouvernement israélien le 23 juin 2002, a suscité de vives réactions sur la scène internationale en raison de ses implications juridiques et humanitaires. Un tournant clé s’est produit lorsque la Cour internationale de Justice (CIJ) a rendu un avis consultatif le 9 juillet 2004, concluant que le mur était illégal au regard du droit international. La Cour a spécifiquement noté que le tracé du mur en Cisjordanie occupée, y compris les zones où il coupe profondément le territoire palestinien, constitue une violation du droit international humanitaire et des droits de l’homme.

Cette décision de la CIJ a été soutenue par une résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies en juillet 2004 (décision ES-10/15) appelant à la cessation immédiate et au démantèlement du mur en raison de ses impacts préjudiciables sur les droits des Palestiniens, notamment leur droit à la liberté de mouvement, à l’éducation, au travail et à un niveau de vie suffisant. La résolution « exige qu’Israël, puissance occupante, s’acquitte de ses obligations juridiques telles qu’elles sont énoncées dans l’avis consultatif ».

Malgré ces appels internationaux, la construction et l’expansion du mur se sont poursuivies, exacerbant la fragmentation territoriale et socio-économique de la Cisjordanie et compromettant les perspectives d’un respect du droit international et des droits humains universels.


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