Paris, le 24 juin 2016
Monsieur le Ministre des Affaires étrangères et du Développement international,
Hasan Ghassan Ghaleb Safadi, 24 ans, est journaliste et coordinateur média dans l’organisation de défense des droits de l’Homme et des prisonniers palestiniens Addameer. Il a été arrêté le 1er mai 2016 alors qu’il traversait le pont Al Karameh pour rentrer chez lui, puis il a été transféré au centre d’interrogatoire d’Al Moskobiyyeh à Jérusalem.
Hasan a été interrogé pendant 40 jours, les mains liées, sous la menace et a été privé de sommeil. Son droit d’accès à un avocat a été restreint et il n’a pu voir sa famille qu’un mois et six jours après son arrestation.
Le 10 juin 2016, une cour de Jérusalem a décidé de libérer Hasan, contre une caution de 2500 shekels qui a été payée, mais le même jour, le ministre israélien de la Défense Avigdor Lieberman a signé un ordre de détention administrative de 6 mois à l’encontre d’Hasan. Sans preuves, le procureur a affirmé l’affiliation de Hasan Safadi à une organisation illégale, des visites récurrentes dans un « état ennemi » (le Liban), des « activités illégales » (sans les préciser) ainsi que des liens avec des détenus (sans les identifier).
La détention administrative, prise dans ce cas précis en application de la Loi sur les pouvoirs d’urgence applicable aux résidents de Jérusalem, permet de détenir une personne indéfiniment, sur la base de preuves secrètes et sans inculpation ni jugement. Comme il est d’usage dans ce contexte, ni Hasan Safadi ni son avocat n’ont été informés des raisons de sa détention.
Cette pratique constitue une violation grave du droit international humanitaire, en particulier des articles 78 et 72 de la Quatrième Convention de Genève qui garantissent un droit de défense et d’appel à tout prévenu. La détention administrative doit demeurer une mesure exceptionnelle, « absolument nécessaire » et justifiée par « d’impérieuses raisons de sécurité » (articles 42 et 78). Elle viole également l’article 66 de cette même convention qui garantit le droit à un procès équitable.
Actuellement, 700 Palestiniens sont placés en détention administrative et 21 journalistes sont détenus par Israël ; cette arrestation intervient dans un dangereux contexte d’arrestations et de menaces à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme palestiniens et israéliens. Nous vous avions déjà interpellé à ce sujet à travers un courrier du 18 avril 2016 envoyé à Madame Federica Mogherini. Nous demandons ainsi au gouvernement français :
– d’interpeller les autorités israéliennes sur le cas spécifique d’Hasan Safadi, et de les rappeler à leurs obligations internationales en matière de détention administrative ;
– de faire pression sur les autorités israéliennes afin que ces intimidations et mesures attentatoires aux libertés et droits fondamentaux cessent. Israël a l’obligation de protéger les défenseurs des droits de l’Homme en Israël et en Palestine occupée afin qu’ils puissent librement exercer leur mission ;
– de replacer la question des prisonniers palestiniens au cœur des discussions bilatérales avec Israël – France-Israël et UE-Israël – et des conférences internationales à venir sur le dossier Israël-Palestine.
Dans l’attente de la suite que vous donnerez à notre requête, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre haute considération.
Claude Léostic, Présidente de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine
Sur le même sujet, lire aussi le courrier envoyé aux Rapporteurs spéciaux des Nations unies et à la Haute Représentante de l’UE pour les Affaires étrangères.
Lire la réponse du Haut Commissariat aux Droits de l’Homme.
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