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Sortir de Gaza par l’Egypte reste un calvaire - L’Express

13 septembre 2011

Le 28 mai dernier, le Caire annonçait l’ouverture du point de passage de Rafah à la frontière sud de la bande de Gaza. Le quotidien des Palestiniens du territoire soumis à un blocus israélien depuis 2006 a-t-il changé pour autant ? Deux Gazaouis rencontrés par LEXPRESS.fr témoignent.

« Bloqués ». Voilà une situation quasi familière pour les Gazaouis. L’embargo israélien sur la bande de Gaza a été décrété par le gouvernement israélien au cours de l’été 2006. Depuis le début, l’Egypte d’Hosni Moubarak a participé à ce blocus en fermant le point de passage de Rafah, une des portes d’entrées vers le territoire palestinien, côté égyptien. Mais une fois Moubarak déchu, la position égyptienne a semblé évoluer, avec l’annonce, le 28 mai, de l’ouverture de la frontière de Rafah « de façon permanente ». Le quotidien des 1,6 millions d’habitants de la bande de Gaza a-t-il réellement changé depuis lors ?

J’ai cru à un changement le jour du départ d’Hosni Moubarak

« J’ai cru à un changement le jour du départ d’Hosni Moubarak, le 11 février », se souvient Ahmed, un Gazaoui d’une trentaine d’année, étudiant en France. « J’ai grandi avec l’image omniprésente de ce pharaon, si bien que la perspective de la paix avec Israël me paraissait moins improbable qu’un départ du raïs égyptien », commente Ahmed. Fin mai, quand l’Egypte a renoué avec Gaza, et annoncé qu’elle allait ouvrir sa frontière, des milliers de Palestiniens se sont rués vers le point de passage, avec l’espoir que s’ouvrent les portes de Rafah.

Mais les annonces n’étaient pas très claires : « J’ai d’abord cru que la frontière serait ouverte toute la journée, mais très vite les autorités ont indiqué que le point de passage ne serait ouvert qu’entre 9h et 17h. Et seuls les hommes de plus de 40 ans et les étudiants pouvaient entrer et sortir sans visa », confie Ahmed. Seulement 500 personnes sont autorisées à passer chaque jour par Rafah, et la liste d’attente est sans fin. « Si tu arrives au point de passage en juin, tu n’es pas sorti avant le mois de septembre », ironise Ahmed.

Avant : un calvaire

C’est avec le sourire qu’Ahmed nous conte son histoire du blocus, une histoire tragique pour lui et sa famille, en particulier en 2007. En raison du bouclage de Gaza, sa mère malade n’a pas pu rejoindre l’Egypte, où elle voulait se faire soigner, malgré deux mois et demi d’attente. A ce moment-là, Ahmed poursuivait ses études en France. « De Paris, je voulais aller retrouver ma mère en Egypte. Mais il m’a fallu 33 jours pour obtenir un visa pour l’Egypte, et c’est au lendemain de son décès que je l’ai obtenu ». Après son arrivée au Caire, le plus dur restait à faire : rejoindre sa famille à Gaza. « Je me suis rendu dans la ville d’ El-Arish, à quelques kilomètre du poste-frontière. Après une semaine d’attente dans un hôtel, j’ai entendu dire que la frontière serait ouverte le lendemain. En effet, le point de passage est parfois fermé plusieurs jours de suite, sans que l’on sache très bien pourquoi. A l’aube, j’ai réussi à rentrer à Gaza, mais c’était plus d’une semaine après la mort de ma mère ».
Nous étions nombreux au poste-frontière, mais j’ai pu sortir grâce à une connaissance

Après cinq jours de deuil, Ahmed décide de repartir de Gaza pour retourner en France. « J’ai entendu dire que la frontière allait ouvrir le lendemain. Je me suis dit que c’était ce jour-là ou dans trois mois ». Comme Ahmed, nombre de Gazaouis guettent les messages télévisées et radiophoniques annonçant l’ouverture du poste-frontière de Rafah. « Nous étions nombreux au poste-frontière, mais j’ai pu sortir grâce à une connaissance », confie-t-il. A la sortie, ce sont les autorités égyptiennes qui attendent les Gazaouis et les escortent jusqu’à l’aéroport. Car être voyageur palestinien implique un traitement particulier de la part de L’Egypte. Ahmed évoque l’existence d’une salle, non loin du tarmac, où les Palestiniens attendent l’ouverture de Rafah de longues heures, voire de longues semaines. « On nous met à part dans une pièce destinée seulement aux Palestiniens », ajoute-t-il. Ahmed gardera à jamais le souvenir de ce triste voyage.

Après : « Elle est où la révolution égyptienne ? »

Sami, un ami d’Ahmed, a passé le poste-frontière de Rafah cet été, après l’annonce de l’ouverture de la frontière par l’Egypte post-Moubarak, en mai. Mais le voyage reste un calvaire. « Moi, je préférais la situation antérieure à celle de maintenant. Elle est où la révolution égyptienne ? », lance-t-il agacé. Très vite, il en rit. Sami travaille depuis longtemps avec des archéologues français à Gaza. A l’âge de 14 ans, pelle à la main, il dégageait déjà les trésors archéologiques de la cité. Des fouilles d’ailleurs rendues plus difficiles avec le blocus.

Les tunnels de Gaza

L’armée égyptienne a lancé une campagne pour fermer les tunnels de contrebande vers la bande de Gaza. Israël a évoqué à maintes reprises des projets d’attaques contre l’Etat hébreu à partir du territoire égyptien. L’armée utilise des engins pour boucher les entrées des tunnels avec des rochers et du sable. Des produits de la vie courante mais aussi des voitures, du bétails et des armes passeraient par ces tunnels.

Sami avait prévu de quitter Gaza cet été pour suivre un stage d’archéologie à l’étranger. Tous les jours, pendant un mois, il s’est rendu dans une administration pour essayer d’obtenir une autorisation de sortie. « Chaque semaine, on me disait de revenir la semaine suivante », confie le jeune homme. Mais fatigué de ce dédale de procédures, il a décidé de se rendre directement au poste frontière de Rafah et d’y tenter sa chance. « Tous les jours, on me laissait croire que j’allais pouvoir sortir le lendemain. Finalement, au bout d’une semaine, un agent de la police des frontières m’a indiqué qu’il avait une place dans le prochain bus en partance pour l’aéroport du Caire, et c’est ainsi que j’ai pu sortir. »

Tous les jours, j’avais l’impression que j’allais pouvoir sortir le lendemain

On est bien loin de l’enthousiasme suscité par l’annonce de l’ouverture de Rafah en mai dernier. D’autant qu’une fois le poste frontière franchi, ce n’était pas terminé. Arrivé au Caire, la femme qui enregistrait son bagage à l’aéroport a scruté son passeport de long en large et l’a fait patienter, le temps d’appeler un agent français. L’agent a assailli Sami de questions. « Je ne comprenais pas ce qui m’arrivait. L’agent français m’a confisqué mon passeport pendant 20 minutes et a voulu me faire peur, en me disant que je serais renvoyé de France par le même avion si un problème venait à arriver à Paris », raconte Sami, toujours pas remis de ce voyage ubuesque.

« Mon rêve, c’est de voyager librement dans toute l’Europe avec un appareil photo », nous confie Sami, en mimant les gestes d’un photographe voyageant à travers le monde. Il en perd presque l’équilibre.

A l’unisson, Ahmed et Sami avouent souvent s’interroger sur l’attitude de l’Egypte à l’égard des Palestiniens. Le souffle de la place Tahrir, Sami ne l’a pas senti lors de son voyage. Le peuple égyptien s’est pourtant massivement mobilisé après la riposte d’Israël à l’attentat d’Eilat le 18 août dernier, qui a tué cinq policiers égyptiens. Sans la mobilisation des Egyptiens, la réaction israélienne contre la bande de Gaza aurait été plus dure. Ahmed en est convaincu. L’attaque de l’ambassade israélienne ce vendredi 9 septembre révèle par ailleurs le ras-le bol d’une partie des Egyptiens, en attente d’une véritable rupture avec le régime passé, notamment dans ses relations diplomatiques avec le voisin israélien.


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