Le 20 février 2019, Emmanuel Macron déclare au dîner du Crif (Conseil Représentatif des Institutions Juives de France) que la France va mettre en oeuvre la dite « définition de l’antisémitisme de l’IHRA », un outil utilisé pour diffamer les organisations ou personnes défendant les droits des Palestiniens.
L’IHRA (Alliance Internationale pour le Souvenir de l’Holocauste) est une organisation internationale visant à promouvoir la mémoire de l’Holocauste. Le 26 mai 2016, elle a adopté en plénière (cela ne signifie pas que les 31 membres de l’IHRA ont adopté la définition) une « définition de travail de l’antisémitisme » non contraignante : « l’antisémitisme est une certaine perception des juifs qui pourrait s’exprimer à travers la haine envers les juifs. Les manifestations verbales et physiques d’antisémitisme peuvent être dirigées à l’encontre de juifs ou de non-juifs ainsi qu’envers leurs biens, envers des institutions de la communauté juive ou des bâtiments religieux ».
Cette définition est citée dans le communiqué de presse de l’IHRA dans un encadré et en gras au moment de son adoption. Le communiqué mentionne également des exemples de manifestations de l’antisémitisme qui « peuvent inclure le ciblage de l’Etat d’Israël, conçu comme une communauté juive ». Ces exemples ont été proposés et rédigés à l’origine par des lobbies pro-israéliens (comme l’American Jewish Committee), pour guider l’IHRA dans son travail. Or ils posent de graves problèmes pour la liberté d’expression sur la question israélo-palestinienne.
Dès 2013, l’Agence européenne des droits fondamentaux retire la définition de son site Internet à cause de sa nature problématique. L’IHRA précise, elle, en 2017 que la définition est circonscrite au paragraphe encadré et ne comprend pas les exemples qui, eux, n’ont jamais été votés. Malgré cela, des groupes de pression pro-israéliens manipulent ces exemples pour les intégrer dans la définition et poussent les Etats et institutions publiques ou privées à adopter cette définition « élargie » dans le but de criminaliser et/ou entraver les personnes et organisations défendant les droits des Palestiniens et critiques des politiques israéliennes.
Au Royaume-Uni et en Allemagne, Etats ayant adopté la définition « élargie », des dizaines d’évènements de solidarité avec la Palestine ont été annulés sur le seul fondement de cette définition qui n’est pourtant pas contraignante juridiquement.
Plusieurs juristes ont averti des risques pour la liberté d’expression d’adopter la définition avec ses exemples. La Commission nationale consultative sur les droits de l’Homme (CNCDH) a recommandé, dans son rapport sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie 2017, de ne pas adopter la définition incluant les exemples pour plusieurs raisons. 40 organisations juives ont publié un appel demandant aux gouvernements de ne pas l’adopter, son but étant de « faire l’amalgame entre la critique légitime de l’Etat d’Israël ou la défense des droits des Palestiniens et l’antisémitisme, et ainsi supprimer ces derniers ».
A ce jour 10 autres Etats européens l’ont adoptée : la Hongrie, la Roumanie, l’Autriche, l’Allemagne, la Bulgarie, la Slovaquie, le Royaume-Uni, la Slovénie, la République Tchèque et la Macédoine hors zone-UE. Les Etats-Unis l’ont également adoptée.
Au niveau des institutions européennes , la Commission européenne promeut la définition sur son site et le Parlement européen a adopté une résolution (non contraignante), en juin 2017, appelant les Etats membres à adopter « la définition de l’IHRA ». Enfin, le Conseil « Justice et affaires intérieures » de l’UE approuve définitivement un projet de déclaration, rédigé par le gouvernement d’extrême-droite autrichien et le Congrès juif mondial, le 6 décembre 2018. Le texte invite les Etats membres à adopter la définition IHRA et est approuvé formellement par le Conseil de l’UE le 14 décembre 2018.
De nombreux partis politiques, universités et autorités locales ont également adopté la définition dite « IHRA ».
Depuis plusieurs mois le Crif exigeait sa transposition en droit français. Pourtant, un arsenal législatif et juridique existe déjà bel et bien dans notre pays pour prévenir et réprimer l’antisémitisme (la loi Gayssot de 1990, la loi de 1972 sur la lutte contre tous les racismes, la loi sur la liberté de la presse de 1881 et le Code pénal). Cela révèle bien la volonté de manipuler l’antisémitisme pour criminaliser les défenseurs des droits des Palestiniens.
En savoir + :
• Six Reasons why no one should adopt the so-called “EUMC” or IHRA Working Definition of Antisemitism
Visuel : Brigitte et Emmanuel Macron, crédits https://www.president.gov.ua/
Campagne en cours