Le ministre espagnol des Affaires étrangères annonçait fin septembre son intention de consulter ses partenaires européens pour aboutir à une position commune européenne sur la reconnaissance de la Palestine. Si cette démarche échouait, l’Espagne pourrait reconnaître la Palestine. Dans le même temps, son homologue irlandais exprimait une position similaire en indiquant que si les négociations de paix israélo-palestiniennes demeuraient dans l’impasse, l’Irlande reconnaîtrait l’Etat de Palestine.
A ce jour 139 pays reconnaissent l’Etat de Palestine sur les 197 Etats actuellement reconnus par l’O.N.U. soit plus des deux tiers d’entre eux. Parmi eux, 9 pays européens : la Suède depuis 2014, Chypre et Malte depuis 1988, et également la Hongrie, la Pologne, la République Tchèque, la Slovaquie, la Bulgarie et la Roumanie depuis l’époque soviétique, avant leur entrée dans l’Union européenne.
La France a reconnu l’Etat d’Israël le 20 mai 1949 mais ne reconnait pas à ce jour l’Etat de Palestine.
Pourtant, le 2 décembre 2014, l’Assemblée Nationale a adopté une résolution demandant au Gouvernement français de reconnaitre l’Etat de Palestine par 339 voix contre 151. Et le 11 décembre 2014, le Sénat a adopté une résolution similaire par 153 voix contre 146. Mais cette prérogative est en France un pouvoir de l’exécutif, qui a choisi de ne pas y donner suite.
François Hollande justifiait sa position en ces termes : « une reconnaissance unilatérale de l’Etat palestinien n’aurait aujourd’hui pas l’effet d’entrainement souhaité sur nos partenaires. » Son ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius avait engagé une reconnaissance si les tentatives de négociations, et notamment la Conférence de Paris de janvier 2017, échouaient. Sans suite non plus.
Quant à Emmanuel Macron, recevant le Président de l’Autorité Palestinienne le 22 décembre 2017, il a estimé que décider de reconnaitre unilatéralement l’Etat de Palestine « ne serait pas efficace. » A l’Assemblée générale de l’ONU en septembre 2018, il répétait : « qu’est-ce qui permettra de régler le conflit entre Israël et la Palestine ? Pas des actions unilatérales ».
Cette absence de reconnaissance est une mesure pénalisante pour la Palestine, mais également contradictoire.
• La France a voté en faveur du statut d’Etat non membre observateur auprès de l’ONU pour la Palestine en 2012 et a même été à l’initiative de vote au sein de l’Assemblée générale. Elle a également voté en faveur de l’adhésion de la Palestine, en tant que membre à part entière, à l’Unesco en 2011.
• La France traite avec la Palestine comme avec tout autre Etat. Elle prend soin d’équilibrer, lors de ses contacts officiels, les rencontres avec Israël et celles avec la Palestine. Elle entretient à Jérusalem-Est un Consulat Général qui a, en large partie, les attributions d’une Ambassade et accueille à Paris une Mission de Palestine qui, elle aussi, exerce pour la plupart des attributions d’une Ambassade.
• L’Etat français est un fervent défenseur de la « solution à deux Etats » : Israël et Palestine vivant côte-à-côte dans des frontières sûres et internationalement reconnues. Ne reconnaitre dans cette situation qu’un seul des deux Etats concernés est en contradiction flagrante avec la position officielle et publique et revient à maintenir un déséquilibre manifeste entre les parties, puisque, dans le cadre de discussions qui pourraient être relancées pour arriver à un accord de paix, l’Etat non reconnu (Palestine) devra en priorité se battre pour sa reconnaissance, alors que l’Etat déjà reconnu (Israël) cherchera à faire prévaloir ses conquêtes territoriales, obtenues par colonisation, progressive et constante, illégale au regard du droit international au détriment de l’autre partie. Aucun accord de paix juste ne peut advenir entre des parties de forces dissymétriques, comme un occupant et un occupé. En ce sens, la reconnaissance rapide de l’Etat de Palestine serait efficace puisqu’elle placerait les deux pays dans une situation de négociation plus symétrique, ouvrant ainsi la voie à une négociation de paix juste. Elle serait également une source d’espoir pour le peuple palestinien.
• « L’effet d’entrainement » : plusieurs pays européens comme l’Espagne et l’Irlande ont déjà exprimé une position favorable à la reconnaissance de l’Etat palestinien mais la France est attendue comme leader sur la question. Jean Asselborn, Premier ministre luxembourgeois, déclarait en janvier 2018 : « si la France reconnaissait la Palestine, d’autres États la suivraient, y compris le Luxembourg ». Le même positionnement a été observé en Belgique ou en Slovénie, et d’autres pays européens pourraient suivre cette démarche si la reconnaissance française était actée.
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