Plateforme des ONG Françaises pour la Palestine

Processus d’importation - du producteur au consommateur

21 mai 2013

Quand deux camions, un israélien et un palestinien, partent respectivement depuis Beit Shehan et depuis Jenin pour exporter de la marchandise par le port de Haïfa (respectivement 70 km et 30 km) vers l’Europe, le coût et le temps nécessaires varient du tout au tout.

Pour le camion israélien, rien de spécial n’est à souligner. Le livreur part de Beit Shehan (à 70km de Haïfa) avec sa marchandise et rejoint directement, en moins d’une heure et demie, le port d’Haïfa où la marchandise sera contrôlée par les douanes israéliennes et partira sans délai vers l’Europe.

Pour le camion palestinien de nombreux obstacles rendront son trajet beaucoup plus long et bien plus coûteux, alors qu’il est, « à vol d’oiseau », bien moindre (30 km) :

CISJORDANIE

A. Conditions d’exportation depuis la Cisjordanie vers Israël

Tous les produits palestiniens destinés à l’exportation doivent, pour sortir de Cisjordanie, passer par des points de contrôles israéliens : Tarqumia, Betunia, Sha’ar Ephraim, Al Jalameh et Bisan pour passer en Israël, ou le pont d’Allenby (Pont King Hussein – PKH) pour passer en Jordanie. La grande majorité des produits palestiniens exportés vers l’Europe passent par Israël.

Pour toutes les marchandises exportées, les exportateurs doivent fournir des bons de livraison et des documents spécifiques selon le type de produit.

Pour les produits alimentaires transformés (nourriture industrielle, produit à base de viande) il est demandé des certificats vétérinaires et de qualité prouvant que la compagnie respecte les standards sanitaires et phytosanitaires israéliens.

Pour les produits agricoles, les compagnies palestiniennes doivent obtenir une permission du COGAT (Coordinator of Government Activities in the Territories – unité du ministère de la Défense israélien dans les Territoires occupés). Les procédures d’exportation de produits agricoles sont comme suit :

  • Le fermier fait sa demande au COGAT via un inspecteur agricole ;
  • L’inspecteur relève un échantillon de terre, d’eau et de la plante pour inspection ;
  • Si approbation :
    - L’inspecteur autorise l’impression d’un autocollant avec le nom du fermier et la date d’expiration ;
    - L’inspecteur décide de la quantité autorisée à l’exportation
    Pour pouvoir passer des produits pharmaceutiques en Israël, les sociétés palestiniennes doivent s’enregistrer auprès du ministère israélien de la Santé.

Aucune entreprise palestinienne n’est allée jusqu’au bout du processus d’enregistrement, soit à cause de la lenteur et de la difficulté de la procédure, soit parce qu’elle croit que le faire serait une violation du Protocole de Paris.

Quelques sociétés indiquent que même si elles suivent la procédure, le ministère israélien de la Santé exige une inspection de l’usine, ce qui serait impossible puisqu’un inspecteur israélien ne sera jamais envoyé en Cisjordanie. Tout ceci rend les sociétés pharmaceutiques palestiniennes réticentes à initier une procédure d’enregistrement auprès du ministère israélien de la Santé.

Une autre raison est la possibilité que leur inscription soit rejetée parce qu’elles ne sont pas conformes aux normes internationales en ce qui concerne les brevets, à savoir la production de versions de médicaments génériques dont les brevets sont encore détenus par des entreprises de pays membres de l’OMC. Et même si la Cisjordanie, en tant que non-membre, n’est pas tenue de se conformer aux normes internationales appliquées aux secteurs industriels par l’OMC, Israël, cependant, en tant que membre de l’OMC a la responsabilité d’interdire l’importation ou la vente de ces médicaments au sein de ses frontières.

B. Procédures aux points de passage entre la Cisjordanie et Israël

1. A l’arrivée au point de passage, le chauffeur du véhicule palestinien doit enregistrer son nom à l’entrée ou doit attendre la permission d’entrer du soldat israélien et doit ensuite attendre qu’un chauffeur israélien soit disponible de l’autre côté (la notification de la présence du chauffeur palestinien dépend totalement de l’information donnée par le chauffeur israélien aux Autorités Israéliennes des Frontières)

2. Le chauffeur est soumis à un contrôle de sécurité qui dure environ 15 minutes, qui peut inclure une fouille corporelle. Ensuite le chauffeur doit ouvrir toutes les portes du véhicule et replier la bâche couvrante et éteindre le moteur du véhicule.

3. Le véhicule passe ensuite sous le scanner ou va en zone d’inspection et les palettes sont déchargées. La procédure d’inspection – discriminatoire - dépend du « type » de véhicule :

  • Véhicule israélien : toutes les marchandises israéliennes doivent passer par la “Sinoun Room” où le véhicule est inspecté. Une fois l’inspection terminée, le véhicule peut continuer son trajet en Israël.
  • Véhicule palestinien (‘’back-to-back’’) : toutes les marchandises palestiniennes sont sujettes à une inspection manuelle effectuée par des soldats et, dans certains cas, des chiens.

4. En plus du processus de scanner, la marchandise peut être sujette à une deuxième phase d’inspection manuelle. En fonction du lieu de passage et du type de marchandise entre 15 et 60% des chargements sont inspectés manuellement. Quand les chargements comprennent des matériaux divers (par exemple : des vêtements suspendus sur des cintres en plastique), les inspections manuelles sont généralement obligatoires.

5. Une fois l’inspection terminée, le chargement est transféré sur le véhicule israélien et autorisé à entrer Israël.

Les autorités israéliennes en charge de ces points de passages sont :
Le service des douanes, le DCO (District Coordination Office – ministère de l’Intérieur israélien), la police, le bureau de l’agriculture, le bureau de la protection de l’environnement, les gardes-frontière, des maîtres-chiens, des porteurs.

C. Exportation vers le marché international (depuis les points passages Cisjordanie/Israël jusqu’aux frontières internationales)

Pour sortir de Cisjordanie par la Jordanie, les procédures sont aussi complexes :

Procédure au Pont King Hussein (PKH)

1. Avant l’arrivée des marchandises au PKH (au moins 1 jour), les documents d’expédition doivent être remis par le commissionnaire en douanes aux autorités douanières israéliennes
2. Mise sur palettes des marchandises dans l’entrepôt de l’entreprise, chargées dans un véhicule palestinien
3. A l’arrivée du véhicule à l’entrée principale, le chauffeur doit passer par le premier et le deuxième point de contrôle
N.B. : les chauffeurs travaillant quotidiennement au PKH obtiennent un laisser-passer spécial par les autorités aéroportuaires israéliennes. Les chauffeurs individuels doivent obtenir une permission le jour avant leur passage.
4. A l’arrivée du véhicule dans la zone d’attente du terminal de fret les palettes seront déchargées et sujettes aux inspections douanières. Les douanes vérifieront aussi tous les documents.
5. A l’issue de toutes les inspections douanières, les palettes sont chargées sur le véhicule jordanien et remis à la partie jordanienne du PKH.
6. Le dédouanement prend fin et l’autorisation de sortie est tamponnée.
7. Le véhicule termine son trajet en Jordanie, vers sa destination finale.

Remarques :

  • Une société privée israélienne est en charge du chargement/déchargement des palettes
  • Le point de contrôle des marchandises est à Jéricho : “Mousa Al’alami”
  • Les agents en douane sont au nombre de huit au Pont King Hussein, et à l’heure actuelle il n’y a pas d’agent palestinien agréé. Par conséquent, le négociant palestinien doit soit traiter directement avec ces agents (israéliens ou jordaniens), soit via un agent palestinien qui représente l’un de ces bureaux.

2. Procédure à l’aéroport Ben Gourion (Tel-Aviv)

Le terminal d’exportation s’étend sur plus 12 000 m2, et comprend une grande variété d’installations de stockage mises à disposition des clients jusqu’au chargement de sa marchandise dans l’avion (chambres froides à différentes températures, chambre froide pour produits pharmaceutiques, installations spécialisées pour stocker du matériel radioactif ou précieux).

3. Procédures d’exportation par les ports de mer d’Ashdod et d’Haïfa

  • Marquage et étiquetage
    Les marchandises doivent être étiquetées et marquées. Des règles concernant le marquage et l’étiquetage du chargement peuvent varier en fonction du pays de destination. Normalement un règlement détaillé est requis pour les denrées alimentaires, les produits pharmaceutiques et les cosmétiques, les vêtements et les textiles. L’importateur doit détailler l’étiquetage en fonction des conditions du Mesures de sécurité pour les exportations palestiniennes.
    Les marchandises palestiniennes doivent atteindre le port 72 heures avant le départ pour des raisons de sécurité. Pendant cette durée, des contrôles de sécurité peuvent avoir lieu. Actuellement, les contrôles sur les exportations ne sont pas aussi stricts que ceux conduits sur les importations palestiniennes.
  • Au port d’embarquement
    Les marchandises passent de nouveau des contrôles de sécurité et le dédouanement.
  • Depuis le port israélien jusqu’à la France
    Il faudra environ une semaine pour que le produit arrive au port de Marseille.
    Arrivée à Marseille, la marchandise devra être dédouanée et l’importateur devra payer la TVA française, puis il ira chercher lui-même sa marchandise ou se fera livrer depuis le port.

GAZA

En ce qui concerne l’exportation depuis Gaza, cela est encore plus compliqué. Les exportations sont quasi toutes rendues impossibles par le blocus imposé depuis 2007 par Israël sur Gaza (cf. partie 1).

Quand, pour des raisons exceptionnelles, les Palestiniens sont autorisés à exporter, la procédure est la suivante : le camion part de l’entreprise jusqu’au point de passage de Kerem Shalom où il peut être bloqué pendant des heures, voire des jours. L’attente, sans zone de réfrigération, peut avoir pour conséquence la dégradation voire la destruction de la marchandise. Une fois l’attente finie, la marchandise, le camion ainsi que le chauffeur sont contrôlés. Si la marchandise est autorisée à sortir c’est par un système de « back-to-back », en aucun cas le chauffeur et le camion ne peuvent sortir, seule la marchandise y est autorisée. Elle est alors placée dans un camion israélien qui finit le trajet jusqu’au lieu d’exportation.

Voici l’exemple (1) d’un projet d’exportation depuis Gaza :
En février 2012, Israël a autorisé une petite quantité de tomates de Gaza à être exportée en Arabie Saoudite. Le commerçant palestinien, Abed Al Rauf Abu Safar, a dû passer par un processus onéreux et compliqué pour faire sortir le contenu de deux camions par le point de passage de Kerem Shalom :

  • Abu Safar a donc envoyé deux camions de tomates jusqu’au point de passage où ils ont dû être déchargés
  • Le chargement a dû ensuite être transporté dans une zone « stérile »
  • Puis, une demande inopinée a été faite d’arranger les cagettes de tomates sur un seul niveau plutôt qu’en piles
  • Le chargement ne rentrant plus dans les 2 camions israéliens qu’Abu Safar avait commandé, il a dû commander un camion supplémentaire,
  • Le chargement est pendant tout ce temps resté en plein soleil
  • Une fois le point de passage israélien traversé, le chargement est parti en direction du Pont Allenby, à la frontière avec la Jordanie
  • Là, le chargement a été une nouvelle fois déchargé et réarrangé pour pouvoir rentrer dans les deux camions jordaniens qui transporteront les tomates jusqu’en Arabie Saoudite

Le transport par camion palestinien a coûté 500 shekels, plus 4500 pour le camion israélien, auxquels s’ajoutent 6000 shekels pour les camions israéliens qui ont dû attendre toute la journée, et enfin 4200 shekel pour le camion jordanien. Au total, le transport a coûté 28.900 shekels (près de 5 900 euros).

Abu Safar a perdu de l’argent à exporter sa marchandise …

(1) Gisha, www.gisha.org



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