Le 6 juin dernier, alors qu’un mouvement de grève de la faim mobilisait plus de 230 prisonniers palestiniens protestant contre l’usage abusif de la détention administrative, la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine adressait une lettre ouverte à Laurent Fabius (voir ci-dessous). Ce dernier nous répond le 15 juillet (voir pièce jointe en bas de page), rappelant sa préoccupation pour le sort des prisonniers en grève de la faim et pour le respect du droit international en la matière.
Paris, le 6 juin 2014
Monsieur le Ministre,
Le 24 avril dernier, 90 prisonniers palestiniens en détention administrative ont lancé un mouvement de grève de la faim qui s’est étendu à plusieurs prisons israéliennes mobilisant maintenant plus de 230 prisonniers dont plus de 125 « détenus administratifs ». Sur les douze membres du Conseil législatif palestinien emprisonnés actuellement (dont le Secrétaire général du Conseil législatif), neuf sont en détention administrative depuis des années et participent également à la grève de la faim. Après plus de 40 jours de grève de la faim, 80 de ces grévistes sont hospitalisés et certains d’entre eux se trouvent dans un état critique.
Le principal objectif de ce mouvement non violent de protestation est de dénoncer le recours récurrent et abusif par les autorités israéliennes au régime de la détention administrative. Les ordres de détention administrative sont émis par le Commandant militaire israélien en Cisjordanie à partir d’informations tenues secrètes auxquelles ni les détenus, ni leur avocat, n’ont accès. Les détenus peuvent ainsi demeurer emprisonnés sans inculpation ni jugement et sans réelle possibilité de contester leur détention, et ce pour une période de six mois pouvant être renouvelée indéfiniment. Certains détenus administratifs le sont depuis plus de huit ans.
Le régime de la détention administrative, tel qu’il est prévu par le droit israélien et tel qu’il est largement mis en œuvre comme moyen de contrôle de la population palestinienne, viole le droit international des droits de l’Homme ainsi que la quatrième Convention de Genève qui s’applique dans le Territoire palestinien occupé. En effet, les articles 42 et 78 de la Convention exigent que le placement en détention soit une mesure « absolument nécessaire » justifiée par d’« impérieuses raisons de sécurité ». Or en pratique, les autorités israéliennes l’utilisent comme un outil punitif ciblant essentiellement des Palestiniens qui militent contre l’occupation et ne représentent pas une menace impérieuse pour la sécurité d’Israël .
Depuis le début de ce mouvement de grève de la faim, l’administration pénitentiaire israélienne a pris des mesures punitives à plusieurs reprises, en envoyant 40 grévistes à l’isolement et en les transférant plus d’une centaine dans d’autres prisons. Les grévistes de la faim ont également subi des fouilles corporelles et des perquisitions de leurs cellules, certains ont même été battus et brutalisés.
Un mouvement de grève de la faim massif, fort de plus de 1500 prisonniers, avait déjà mobilisé les prisonniers palestiniens au printemps 2012 - certains l’ayant suivie pendant plusieurs mois au péril de leur vie. Dans un accord conclu le 14 mai 2012, l’administration carcérale israélienne s’engageait à ne recourir à la détention administrative qu’en cas de « circonstances exceptionnelles » comme l’exige le droit international, à ne pas renouveler les ordres de détention des prisonniers administratifs déjà emprisonnés, à améliorer les conditions de détention et à mettre un terme à l’usage abusif de l’isolement. Mais Israël n’a respecté aucun de ces engagements et continue notamment de recourir à la détention administrative de manière abusive, d’où ce nouveau mouvement de grève de la faim.
Nous, associations de défense des droits de l’Homme, demandons au gouvernement français :
– d’appeler Israël, en tant que puissance occupante, au respect de ses obligations vis-à-vis des détenus palestiniens au regard du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’Homme ;
– de rappeler aux autorités israéliennes qu’elles se doivent de respecter l’accord du 14 mai 2012 ;
– de faire pression sur les autorités israéliennes pour qu’elles mettent fin à la pratique de la détention administrative.
En vous remerciant de l’attention que vous voudrez bien porter à notre démarche nous vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre haute considération. Nous vous informons par ailleurs que nous rendrons cette lettre publique et que nous envoyons une copie à Madame Sparacino-Thiellay, ambassadrice pour les droits de l’Homme.
Signataires :
Campagne en cours