Plateforme des ONG Françaises pour la Palestine

Les trois adolescents israéliens et les trois mineurs palestiniens

2 juillet 2014 - Arrêt sur images, Daniel Schneidermann dans Rue 89 mercredi 2 juillet 2014

Trois adolescents israéliens, enlevés le 12 juin près de Hebron, dans les territoires palestiniens, sont retrouvés le 30 juin, assassinés par leurs ravisseurs. Les Israéliens soupçonnent deux militants du Hamas. L’affaire fait peu de bruit dans la presse internationale, jusqu’à ce que leurs corps soient retrouvés.

Les images des obsèques sont alors largement diffusées sur les chaînes de télé mondiales. Le Monde consacre à l’affaire toute sa page 2.

Dans un long article, les victimes sont désignées neuf fois, de différentes manières : par leur nom et leur âge (« Eyal Yifrach, Naftali Frenkel, Gilad Shaer, âgés de 16 à 19 ans »), par leur profession (« les trois étudiants en yeshiva, école religieuse »), ar leur qualité dans l’affaire (« les captifs »), ou encore par le hashtag de la campagne Twitter appelant à accélérer les recherches policières (« #bringbackourboys »).

Les « trois mineurs » palestiniens

Au cours des opérations de recherche, nous apprend le même article :

« 420 Palestiniens ont été emprisonnés [...] et 2 200 bâtiments ont été fouillés, au cours de cette opération durant laquelle l’armée israélienne a tué cinq Palestiniens, dont trois mineurs. »

Relisez bien : « dont trois mineurs ». Des « trois mineurs » palestiniens, qui ne sont mentionnés qu’une seule fois dans l’article, on ne nous dit rien, ni leurs identités, ni leur âge, ni leur état (étudiants ? Lycéens ? Autres ?), rien non plus de l’émotion éventuelle de leurs proches, de leurs parents, ni même si leurs morts ont été mentionnées sur Twitter. Leurs obsèques n’ont pas été retransmises sur les réseaux mondiaux.

D’un côté, des « adolescents », avec tout ce que le mot charrie de personnel et d’affectif (posters, baskets, frères, sœurs, bande de copains, premiers émois, acné, etc) ; de l’autre, des « mineurs », sans âge précis, sans visage, sans famille.

Vous me direz que les « trois mineurs palestiniens » ne sont pas le sujet de l’article, consacré à l’enlèvement des trois Israéliens. La mort des « trois mineurs » n’est qu’une conséquence, un dommage collatéral. Mais un journal est toujours libre de délimiter comme il le souhaite le sujet d’un article. Vous m’objecterez (peut-être) qu’on ne saurait taxer la presse française, dans son ensemble, d’être outrageusement pro-israélienne. C’est vrai. Il arrive qu’un biais journalistique (la prime aux « faibles ») vienne contrebalancer un autre biais (la prime à « ceux qui nous ressemblent », et les Israéliens ressemblent davantage aux journalistes et lecteurs occidentaux que les Palestiniens).

Tout est dans l’article de Haaretz

Vous m’objecterez peut-être enfin qu’il était difficile de recueillir des informations précises et personnalisées sur les familles des trois « mineurs » palestiniens. Là, je serai obligé de vous contredire. L’un d’entre eux s’appelait Mohammed Dudin, il était âgé de 15 ans. Il avait un père, une mère, des cousins, une maison en construction, et il se faisait de l’argent de poche en vendant des friandises.

Toutes choses parfaitement racontées, selon les meilleurs canons de la narration journalistique occidentale, dans cet article de Haaretz, qui est un journal israélien, et dont je vous recommande la lecture intégrale.

Daniel Schneidermann

Source : http://rue89.nouvelobs.com/2014/07/02/les-trois-adolescents-israeliens-les-trois-mineurs-palestiniens-253383?fb_action_ids=10152125805061927&fb_action_types=og.likes



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