La municipalité de Jérusalem souhaite installer une remontée mécanique visant à désencombrer les environs de la vieille ville.
Le dispositif fait polémique car il serait implanté à proximité de divers lieux saints et désenclaverait des colonies juives situées dans la partie arabe de la ville.
Observer des airs la vallée du Cédron qui sépare la vieille ville du mont des Oliviers pourrait devenir possible si Jérusalem, comme le souhaite la municipalité, se dote d’un téléphérique dernier cri.
Évoqué pour la première fois en 2013 par l’actuel maire Nir Barkat, le projet a été imaginé en 2006. Il prévoyait de relier par câbles l’ancienne gare ottomane (au sud-ouest de la vieille ville) à la porte des Maghrébins (qui donne accès au mur des Lamentations).
Ce vieux rêve se précise aujourd’hui, alors qu’une filiale de Suez environnement, Safege, étudie sa faisabilité. Validé par la municipalité de Jérusalem et le ministère des Transports, le tracé ajoute aux deux stations évoquées en 2006 celle de l’hôtel Seven Arches, en haut du mont des Oliviers, ainsi qu’une extension possible jusqu’à Gethsémani, en contrebas. L’investissement s’élèverait à 125 millions de shekels (29 millions d’euros).
À l’origine, un constat : la vieille ville de Jérusalem, centre névralgique du tourisme en Terre sainte, souffre d’un encombrement chronique. Transporter 6 000 personnes par heure dans des cabines suspendues à un câble permettrait de réduire de moitié la circulation des bus et d’abaisser la pollution de l’air. Sans compter qu’en offrant une vue imprenable sur la ville, le dispositif aérien pourrait devenir une attraction touristique.
Mais la cité millénaire n’est pas comme les autres. « La municipalité croit-elle vraiment que les fidèles vont rester sans réagir si ces nacelles survolent le cimetière juif du mont des Oliviers et la mosquée Al-Aqsa ? », s’indigne l’avocat Daniel Seidmann, qui dénonce un « crime contre Jérusalem ». Il en est sûr, le projet va mobiliser de nombreux opposants, israéliens et palestiniens, juifs, musulmans et chrétiens.
Ces derniers ne sont pas en reste, puisqu’un pylône pourrait être planté dans le jardin de Saint-Pierre en Gallicante, sanctuaire qui commémore le reniement de Saint Pierre – « galli cantus » signifie « chant du coq » en latin.
« En décembre, des employés du ministère de l’Écologie sont venus sans autorisation marquer nos arbres d’une étiquette rouge, peut-être pour les abattre », raconte le Père supérieur de cette communauté d’assomptionnistes (congrégation propriétaire du groupe Bayard). « Même si le dispositif est silencieux, nous verrons passer des cabines toute la journée au-dessus de nos têtes ! Vous imaginez l’impact paysager, en un lieu pareil ? »
Plus qu’un projet d’aménagement urbain, ce téléphérique renferme, selon de nombreux observateurs, une intention politique. En créant une continuité entre la partie ouest de Jérusalem et les colonies juives situées à l’est, il rendrait plus difficile la partition de la ville en cas d’accord de paix entre Israéliens et Palestiniens.
Cette hypothèse est renforcée par l’implication dans le projet, selon le quotidien Haaretz, de l’organisation sioniste de droite Elad, qui joue un rôle clé dans la colonisation du quartier arabe de Silwan (ancienne Siloé).
Unifier Jérusalem par les transports publics n’est pas sans rappeler le tramway qui circule depuis 2011 et dessert des quartiers de colons juifs situés à l’est de la Ligne verte – établie lors de l’armistice de 1949.
Ces deux projets controversés ont un autre point commun : l’intérêt que leur portent des constructeurs français. Après Alstom, Véolia et Egis Rail pour le tramway, c’est en effet Poma, spécialiste du transport par câbles, qui pourrait se charger d’installer le téléphérique.
« Nous sommes parfaitement conscients des difficultés d’un tel projet, assure Christian Bouvier, vice-président de Poma, joint par téléphone. Mais si toutes les contraintes sont levées à l’issue de l’étude de Safege, nous serons heureux de nous porter candidat pour le chantier. »
Participer à des constructions israéliennes en territoires occupés peut faire encourir à ces sociétés des risques de poursuites judiciaires. Dans le cas du tramway, les plaintes n’ont cependant jamais abouti.
Jérusalem-Est, un territoire disputé
Les Israéliens voient en Jérusalem leur capitale« une et indivisible ». Après avoir conquis en 1967 la partie orientale de la ville, jusque là contrôlée par les Jordaniens, l’État hébreu a l’annexé. Pour la communauté internationale, cette annexion est illégale.
De leur côté, les Palestiniens veulent faire de Jérusalem-Est la capitale de leur futur État. Or la « judaïsation » de ces quartiers crée un état de fait qui compliquerait le partage de la ville en cas d’accord de paix.
Près de 200 000 Israéliens vivent aujourd’hui à Jérusalem-Est, pour 300 000 Palestiniens.
Mélinée Le Priol, à Jérusalem
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