Plateforme des ONG Françaises pour la Palestine

La France doit sauver l’Etat palestinien

13 novembre 2013 - Collectif d’anciens diplomates - Le Monde

Au mois de juillet, le président Hollande a bien voulu nous faire connaître qu’il approuvait nos objectifs, estimant cependant que ceux-ci ne pouvaient être atteints que par des négociations sans conditions préalables, mais sur des bases crédibles, et il a soutenu dans cet esprit l’initiative américaine.

Or, faute de ces bases, vingt ans après les accords d’Oslo qui avaient soulevé un immense espoir, les négociations sont toujours dans l’impasse. L’engagement américain est insuffisant pour faire bouger le gouvernement israélien dont l’intransigeance n’a jamais été aussi affirmée.

PROLONGEANT L’OCCUPATION

Dans la perspective d’un règlement durable, c’est-à-dire juste et équilibré, le statu quo apparaît chaque jour plus intenable, prolongeant l’occupation, avec son cortège d’humiliations, de brutalités et de multiples détentions.

Le « mur » délimitant une frontière arbitraire et condamné par la Cour internationale de justice, l’expansion constante des colonies en Cisjordanie, l’annexion de Jérusalem-Est (avec ses lieux saints) consacrent un état de fait sur le terrain et rendent de plus en plus problématique la création d’un Etat palestinien de plein exercice.

Cet Etat, dont l’éventualité est reconnue malheureusement du seul bout des lèvres par le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, ne représenterait au mieux qu’une succession d’enclaves dont la superficie serait celle de la moitié d’un département français.

Cette stagnation aggrave une conjoncture régionale dangereuse. La menace nucléaire iranienne, invoquée par M. Nétanyahou, lui permet d’occulter la question palestinienne. Or, Israël détient déjà un puissant armement nucléaire, sans avoir signé le traité de non-prolifération (TNP) ni ratifié la convention sur les armes chimiques.

Il est sans doute illusoire de prévoir un apaisement sécuritaire dans la région sans la création d’une zone exempte d’armes de destruction massive, dont les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies ont déjà rappelé la nécessité. De même, les affrontements ethniques et religieux en cours (Syrie, Liban, Irak) ne doivent pas détourner la volonté de faire respecter les droits du peuple palestinien.

L’ETAT UNIQUE EST UTOPIQUE

De fait, il n’y a pas d’alternative à la solution de deux Etats avec les garanties de sécurité indispensables. L’Etat unique, réunissant Israéliens et Palestiniens, est utopique pour les deux parties. L’affirmation a priori d’un « Etat du peuple juif » lui retire toute signification. De plus, la démographie favorable aux Palestiniens et la difficulté de définir des droits civiques et politiques communs rendent impossible une coexistence fondée sur l’égalité des droits de tous ses ressortissants.

Que faire ? Nous demandons au président de la République, François Hollande, de parler un langage de vérité et de dénoncer une certaine vision nationaliste israélienne, fondée sur un messianisme religieux ainsi que sur les illusions trompeuses de la supériorité militaire et technologique. A terme, l’existence d’Israël ne peut être garantie que par son insertion dans son environnement régional.

A cet égard, la proposition de l’Arabie saoudite, en 2002, relayée par la Ligue arabe, a offert une chance qui ne peut être négligée (reconnaissance d’Israël en échange de la création d’un Etat palestinien sur la base des frontières de 1967).

Au surplus, l’évolution des opinions publiques, en Europe et dans le monde, est progressivement défavorable à Israël en raison de son comportement, même si son existence est toujours défendue sans réserve. En Europe, d’éminentes personnalités, dont, en France, les anciens premiers ministres Michel Rocard et Lionel Jospin, ainsi que l’ancien ministre des affaires étrangères Hubert Védrine, ont appelé, en avril, à un engagement au service de la paix.

APPELER AUX DÉCISIONS LUCIDES ET COURAGEUSES

L’Union européenne a ainsi refusé d’appliquer aux colonies les dispositions du traité d’association avec Israël. D’autres décisions du même ordre suivront immanquablement. Israël s’expose ainsi à des mesures dont les conséquences peuvent être graves pour ses intérêts.

Ainsi que l’a déclaré le président américain, Barack Obama, à la remise de son prix Nobel en 2009 : « Ceux qui se disent respectueux du droit international ne peuvent pas détourner leur regard lorsque ce droit est bafoué. » La France, dont le rôle a toujours été moteur dans la question palestinienne, se doit d’appeler aux décisions lucides et courageuses qui ouvriront la voie à une paix juste pouvant conduire à la réconciliation entre juifs et arabes.

Cette paix, établissant les droits du peuple palestinien, affirmera le principe de la libre détermination des peuples dont la France a fait une valeur fondamentale dans la vie internationale. Elle sera la vraie garantie de la pérennité légitime d’Israël au Proche-Orient.

Le président de la République française, par les positions qu’il exprimera, est ainsi mis au défi de l’Histoire.

Signataires :

Cette tribune est signée par un groupe d’anciens ambassadeurs qui ont traité des dossiers relatifs au Moyen-Orient : René Ala, Jacques Andréani, Yves Aubin de la Messuzière, Denis Bauchard, Pierre-Louis Blanc, Alain Dejammet, Bernard Dorin, Bertrand Dufourcq, Christian Graeff, Pierre Hunt, Stanislas de Laboulaye, Pierre Lafrance, Patrick Leclercq, Jean-Louis Lucet, Gabriel Robin, André Ross, Jacques-Alain de Sedouy, Alfred Sieffer-Gaillardin.


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