Déploiement de véhicules blindés de transport de troupes israéliens aux abords de la bande de Gaza, dimanche 6 juillet. | AFP/MENAHEM KAHANA
Ofer Zalzberg, spécialiste du Proche-Orient au sein de l’International Crisis Group (ICG), analyse les facteurs qui ont mené à une escalade dans l’offensive militaire israélienne.
Comment expliquez-vous que le premier ministre Benyamin Nétanyahou ait pris la décision d’une opération de grande ampleur contre le Hamas dans la bande de Gaza, alors qu’il s’opposait jusqu’à présent aux faucons de son gouvernement qui la réclamait ?
Ofer Zalzberg : Benyamin Nétanyahou n’était pas contre une opération d’ampleur limitée, mais il ne voulait pas d’une campagne militaire totale pour déraciner le Hamas, ce que ses ministres Avigdor Lieberman et Naftali Bennett réclamaient. Eux veulent une opération terrestre qui permette de fermer les associations du Hamas, collecter ses armes et arrêter ses responsables.
Benyamin Nétanyahou continue à penser qu’une telle opération aura des coûts trop élevés. Stratégiquement, il est prêt à réinstaurer le calme et veut le faire au moindre coût. Il use de la dissuasion contre le Hamas, en montrant que les Israéliens sont prêts à l’affronter et que cela peut être une menace réelle pour le mouvement, afin que ce dernier cesse ses tirs de roquette sur Israël. S’il réalise que cette formule du « calme contre le calme » échoue, il ordonnera une opération terrestre. Nétanyahou s’adapte à une nouvelle réalité.
Le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, dimanche 6 juillet dans son bureau de Jerusalem. | AFP/GALI TIBBON
Quelle est cette nouvelle réalité ?
En position de faiblesse, le Hamas a accepté l’accord de réconciliation interpalestinien le 23 avril. Le Hamas estime qu’il ne gouverne plus la bande de Gaza, donc ce n’est plus à lui d’imposer un cessez-le-feu. Par cet accord, l’Autorité palestinienne (AP) doit payer les salaires des fonctionnaires, ce qu’il n’a pas fait. Le Hamas estime donc qu’il faut un gouvernement dans la bande de Gaza. Lors des négociations pour un cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, sous médiation égyptienne, le Hamas a posé plusieurs conditions : gérer ce gouvernement en disposant des moyens financiers pour payer les salaires, obtenir l’ouverture du passage de Rafah à la frontière égyptienne, revenir aux termes du cessez-le-feu de 2012 et libérer les prisonniers qui avaient été libérés lors de l’accord Shalit en 2011.
Ces conditions dessinent une nouvelle réalité, où la demande n’est plus seulement qu’Israël stoppe ses raids et ses attaques sur les territoires palestiniens mais qu’elle autorise l’AP à transfèrer de l’argent au Hamas. Israël et l’AP sont opposés à cela. Benyamin Nétanyahou fait face à un dilemme : accepter un gouvernement Hamas au prix de concessions ou refuser, au risque de laisser le champ libre aux groupes radicaux.
Y a-t-il des facteurs internes, au sein de la classe politique et de l’opinion israéliennes, qui ont pu influencer la décision de Benyamin Nétanyahou d’accroître l’opération militaire sur Gaza ?
L’opinion publique exerce une pression sur Benyamin Nétanyahou dans deux sens contradictoires. Elle est en train d’évoluer du centre vers les extrêmes : du parti centriste Yesh Atid de Yaïr Lapid vers le parti travailliste et le Meretz, et de l’alliance Likoud-Beitenou de Nétanyahou et Avigdor Lieberman vers le Foyer juif de Naftali Bennett. Ce gouvernement, qui donnait au dossier palestinien une priorité moindre, est aujourd’hui face à une opinion publique qui en fait une priorité et veut qu’une décision claire soit prise, soit diplomatique soit militaire.
Benyamin Nétanyahou doit, en prenant ses décisions, réussir à conserver aussi bien le soutien de Yaïr Lapid que d’Avigdor Lieberman. Ce qui serait compliqué si il décidait de renforcer le gouvernement Hamas, d’autant plus que cette décision serait mal perçue par les puissances régionales comme l’Egypte qui sont en guerre contre les Frères musulmans, auxquels le Hamas est lié. Electoralement, son plus grand atout a été d’offrir à Israël la sécurité au cours des dernières années.
Le ministre des affaires étrangères israélien Avigdor Lieberman, lundi 7 juillet à la Knesset. | REUTERS/RONEN ZVULUN
La décision d’Avigdor Lieberman de mettre fin à l’alliance politique entre son parti Israel Beitenou et le Likoud de Nétanyahou lundi a-t-elle pu influencer le choix de Nétanyahou dans une offensive de plus grande ampleur ?
Ce n’est pas la décision de Lieberman qui a joué le plus dans cette décision, mais le fait que des milliers d’Israéliens se retrouvent aux abris du fait des tirs de roquettes. Avigdor Lieberman est aujourd’hui en position de renverser le gouvernement et de provoquer de nouvelles élections. Il pense à l’avenir et à l’éventualité de devenir premier ministre. La popularité de Nétanyahou est limitée car il n’a su résoudre ni la crise iranienne, ni la crise du logement. Lieberman est un politicien expérimenté. Il sait que si l’opération est vu comme un échec au centre et au centre-droit, de nouvelles élections seront demandées et que Nétanyahou sera critiqué pour avoir manqué de poigne.
Que peut faire le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas ?
Pas grand chose. La question est : qu’est-il prêt à faire concernant l’accord de réconciliation interpalestinien ? Cet accord fait partie de la solution. Il peut envoyer de l’argent au Hamas pour payer les salaires et envoyer les 300 gardes républicains promis dans le cadre de l’accord au point de passage de Rafah. Il a refusé avant cette opération. Il est aujourd’hui plus faible encore qu’il ne l’était. En Cisjordanie, les manifestants le critiquent pour sa faiblesse face à Israël. Sa crainte est que les manifestations se cristallisent contre sa personne. De plus en plus de gens le jugent illégitime.
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