Lorsque l’entrepreneure palestinienne Majd Mashharawi a quitté Gaza pour la première fois en 2017, elle faisait partie de la petite minorité qui a la possibilité de s’éloigner d’un lieu décrit par ses habitants comme la plus grande prison à ciel ouvert du monde.
Au cours de son voyage au Japon, ce qui a le plus retenu son regard, ce fut l’éclairage des rues. L’enclave palestinienne d’où elle vient est connue pour ses coupures d’électricité. Mashharawi, 25 ans, a décidé de faire quelque chose pour s’attaquer au problème lorsqu’elle rentrerait à Gaza.
Sa solution s’appelle SunBox (boîte solaire), du nom de sa société créée pour donner accès à l’énergie en fournissant, entre autres, des kits solaires hors réseau à des familles.
Pour un coût de 350 $ (321 €), le kit solaire est souvent partagé par deux familles et il génère de l’électricité pour une série d’appareils tels que des lampes, des téléphones, des télés, et même de petits réfrigérateurs, sans oublier les connexions internet.
« J’ai passé toute ma scolarité au collège assise à côté d’une bougie », se souvient Mashharawi. « Les hôpitaux ont la priorité, ils ont huit à dix heures d’électricité – les gens en ont de trois à quatre heures ».
Lorsque les coupures de courant ont commencé, Mashharawi avait 12 ans. « C’est devenu une partie de ma vie. C’est ennuyeux… mais vous ne savez pas ce que c’est jusqu’à ce que vous le voyiez dans la vraie vie », explique-t-elle. « Lorsque j’étais à Gaza, j’acceptais cela mais quand je suis allée au Japon et que j’ai vu toutes ces lumières qu’ils ont dans les rues, comme c’est facile… on va simplement à la salle de bains, on prend (une) douche chaude, c’est tellement facile ».
L’électricité de Gaza vient de sa centrale électrique au diesel, ainsi que d’Israël et d’Égypte, mais elle reçoit moins de la moitié de ses besoins pour une fourniture de 24 heures. La capacité de la centrale électrique à générer de l’électricité a été affectée par les bombardements israéliens et l’accès au fuel reste limité.
L’électricité, dit Mashharawi, est essentielle, notamment pour les malades. « Pour les gens qui ont besoin d’électricité pour leurs équipements médicaux, c’est vital. Certaines personnes passent des heures à l’hôpital parce qu’elles ont besoin de certains équipements qui ne peuvent fonctionner qu’avec de petites batteries et qu’elles n’ont pas d’argent pour acheter un générateur. »
Mashharawi, diplômée en ingénierie civile, s’est déjà fait un nom comme entrepreneure après avoir mis au point une brique alternative pour réparer des maisons endommagées par les frappes aériennes israéliennes sur Gaza. Ouverte en 2016, sa société GreenCake fabrique des blocs de béton faits en grande partie de débris de maisons mélangés à de la cendre et à une petite quantité de ciment importé.
Les kits SunBox consistent en un ou deux panneaux, un capteur solaire et une batterie ; les composants viennent de Chine, du Canada, des États Unis et même d’Israël. Le kit de base peut être amélioré. Il existe un système de répartition du coût sur une année.
Lancé l’an dernier, SunBox est déjà un succès. Majd Mashharawi a d’autres projets, dont celui d’installer un système de 250 Kw pour une usine de dessalement d’eau de mer. Elle emploie 10 personnes pour un chiffre d’affaires de 500 000 dollars (458 000 €) en juillet dernier.
Le but de Mashharawi est de faire plus que de fournir de l’électricité. « En Cisjordanie, ils ont de l’électricité, mais le problème, c’est la dépendance. Ils sont très dépendants d’Israël. Une de nos missions est de donner de l’indépendance aux Palestiniens. Si nous voulons créer un pays, nous devons être indépendants. »
En tant que jeune femme, Mashharawi a défié le destin. Enfant, elle dit qu’elle ressentait que « Gaza était trop petit pour moi ». Elle a obtenu une bourse Erasmus pour étudier en Allemagne mais n’a pas pu participer au programme parce qu’il lui a fallu huit ans pour arriver à quitter Gaza. Elle a alors choisi de faire un séjour touristique au Japon où est née l’idée de SunBox.
Récemment invitée à l’Expo Palestine à Londres, une rencontre destinée à mettre en valeur les arts et la culture palestiniens, elle a dû passer par un processus interminable pour avoir la permission de voyager.
« Les Israéliens m’ont interdit de quitter le pays pendant un an pour raisons de sécurité. Ils disaient que c’était impossible mais dans mon dictionnaire, il n’y a pas le mot impossible. » Une intervention de l’ambassade de Suisse, qui lui a envoyé une voiture diplomatique, l’emmena de la frontière Gaza/Israël en Jordanie.
« C’est très dur. Au début, c’était vraiment impossible, tout était contre nous, la communauté, la famille, les parents, les amis ... Mais si l’on croit à quelque chose, tout le monde va y croire, même l’ennemi », dit-elle.
Malgré son succès et ses nombreux voyages à l’étranger, Mashharawi dit qu’elle ne veut vivre nulle part ailleurs qu’à Gaza.
« À Gaza, il y a une fin à tout. Regardez la mer, il y a des bateaux d’Israël, regardez la terre, il y a un mur ou une barrière, conduisez 40 minutes, c’est le bout. On ne peut pas aller plus loin », décrit-elle.
Je conduis tous les weekends simplement vers le nord de Gaza pour voir le bout, pour me convaincre que cela doit prendre fin. Le blocus ne nous a pas bloqués seulement physiquement, il a aussi bloqué nos esprits.
Traduit de l’anglais par l’AURDIP
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