Plateforme des ONG Françaises pour la Palestine

Introduction à l’Assemblée générale, juin 2016

17 juin 2016

Je voudrais commencer par exprimer ma satisfaction devant le travail accompli par nos équipes, que ce soit les salariées ou les membres des GT, appuyés par le CA, qui ont produit des outils et une réflexion précis et pertinents. Elles et ils ont permis que nous renforcions notre influence et notre visibilité et que notre expertise soit reconnue plus largement, notamment au niveau des médias. Nous avons d’ailleurs attiré de nouveaux membres et intégré d’autres réseaux.

Néanmoins d’énormes difficultés demeurent qui ne tiennent pas à nous mais au contexte particulièrement difficile au Proche-Orient et en France. L’occupation israélienne s’installe jusque dans les esprits en Israël, elle s’immisce dans tous les aspects de la vie des Palestiniens, qu’ils soient en Palestine occupée, dans les prisons de l’occupant ou réfugiés, tandis qu’en France la solidarité est criminalisée dans un contexte répressif global.
Sur le terrain, peu de changements et je ne vais pas m’y étendre : colonisation galopante et violence des colons en Cisjordanie, attaques spécifiques contre l’identité palestinienne de Jérusalem, blocus de la bande de Gaza, régulièrement attaquée dans ses forces vives, renforcement de la répression contre les actes de résistance et accroissement des arrestations (7000 prisonniers dont les droits sont toujours bafoués, ciblage des enfants et des journalistes) et toujours la question des réfugiés dans leurs camps de misère.
Je voudrais m’attarder sur 3 points : la situation politique en Israël, l’impasse politique en Palestine et l’environnement international. Et pour conclure, comment nous nous situons dans ce contexte, en France particulièrement.

En Israël, la droitisation extrême, voire la fascisation du personnel politique, s’impose comme modèle politique et sociétal. Lieberman, Bennet et d’autres ministres à des postes importants répandent la haine et l’invective contre « l’ennemi derrière le mur » mais aussi celui « de l’intérieur » y compris juif. Les attaques contre les Palestiniens s’accompagnent de répression contre les –très rares-juifs israéliens anticolonialistes. J’en veux pour preuve la campagne contre Breaking the Silence ou les nouvelles mesures qui empêchent le rapprochement familial. En dépit de scandales financiers qui devraient l’affaiblir, l’arrogance de Netanyahou n’a pas de limites, comme on le voit à l’encontre d’Obama ou même de nos dirigeants qui pourtant accumulent les signes de complaisance avec Israël. Refus de conférence internationale afin de maintenir le statu quo inégal entre occupant et occupé, refus du plan arabe de 2002, de l’Etat palestinien, menaces contre les dirigeants palestiniens en Israël (Hanan Zoabi, Basel Khattaz) vont de pair avec l’influence croissante des religieux et des colons extrémistes à tous les échelons de la société y compris l’armée. Ironiquement c’est des militaires et du renseignement que viennent des critiques de cette politique criminelle perçue comme suicidaire par certains. De hauts gradés déplorent l’écroulement moral de leurs soldats qui n’hésitent pas à achever des hommes à terre, et l’engrenage dangereux du toujours plus répressif. D’autres vont jusqu’à dire que c’est l’occupation qui est la source de tous les maux (le maire de TA par exemple, ancien pilote, ou encore Barak, ancien militaire et Premier ministre, sur l’Etat en voie de fascisation). Mais cette position est extrêmement minoritaire et la société israélienne dans son ensemble reste bien groupée derrière le drapeau et les dirigeants qu’elle a élus, appuyés par la plupart des médias israéliens. On a même vu à Tel Aviv de virulentes manifestations de soutien au soldat coupable du crime susmentionné qui a aussi reçu l’appui du cabinet israélien. Pourtant les dirigeants israéliens craignent la détérioration de leur image. D’où leur lutte acharnée contre BDS et les évocations d’apartheid. Mais ils semblent assurés de l’impunite.

Côté palestinien, l’impasse est totale. La direction du Hamas à Gaza peine à recueillir l’adhésion de la population écrasée par le blocus, pas convaincue par son discours et ses actes, et qui est concentrée sur la survie : la question de l’eau, la reconstruction qui avance trop lentement, l’économie dévastée. En Cisjordanie, l’AP semble de plus en plus décrédibilisée. M. Abbas et son équipe sont en décalage réel avec les exigences sociales, économiques et politiques de la population. Sans moyens réels et sans alliés solides, affaiblis par les divisions internes et leur incompétence avérée, ils dépendent des donateurs qui imposent leurs agendas et leurs choix pour les Palestiniens. En découle la décision d’Abbas de maintenir la coopération sécuritaire « sacrée » avec Israël, malgré la décision contraire de l’OLP. Ils répondent alors aux manifestations par la répression, prétendant ainsi protéger les jeunes qui vont lancer des pierres, ou ils s’en prennent aux enseignants en grève et ils se désintéressent des réfugiés. Pas surprenant que dans ce contexte, où les autres forces politiques sont quasi inexistantes, des jeunes se lancent dans des actes violents individuels, au risque assumé de leur vie.

Les discussions sporadiques entre Hamas et Fatah bloquent toujours sur des stratégies et des intérêts sociaux et personnels contradictoires, des alliances régionales antagonistes, au détriment de l’unité nationale indispensable à l’achèvement de la lutte de libération.

Seule nouveauté qui ouvre des perspectives, la nomination de Marwan Barghouthi pour le prix Nobel de la Paix. Alors que courent des rumeurs sur un coup d’Etat préparé par Dahlan et ses alliés du Golfe pour remplacer M. Abbas perçu comme défaillant au mieux, Marwan Barghouthi reste la personnalité qui obtient l’adhésion de la majorité des Palestiniens, citoyens et partis. Symbole de la résistance palestinienne et a contrario de l’insupportable oppression israélienne, parlementaire détenu illégalement depuis 14 ans, il est parrainé par des personnalités prestigieuses telles que A. Esquivel ou D. Tutu. Une belle opportunité de mettre en avant la question de Palestine, particulièrement celle des prisonniers mais aussi de relancer la dynamique d’unité nationale et de favoriser l’émergence d’une nouvelle direction, fût-elle en prison.

J’ai mentionné des jeux d’alliance. Il semble que l’axe USA/Israël soit affaibli par les camouflets infligés par Netanyhou à Obama, qui ne cache pas son aversion personnelle pour Netanyahou et qui refuse d’augmenter l’aide militaire US à Israël dans le prochain budget (pour mémoire, les USA donnent 3 milliards de dollars à Israël chaque année). Mais les perspectives sont inquiétantes au vu de la prochaine élection aux Etats-Unis, entre la peste Clinton et le choléra Trump (ou inversement !). Pour les Palestiniens, pas d’espoir de ce côté de l’Atlantique. Ni d’Asie, l’Inde notamment venant de se rapprocher d’Israël, aux niveaux politique et économique au moins. La Russie de Poutine, revenue dans l’arène moyen-orientale, se focalise sur la défense de son allié syrien au détriment des populations civiles.
Quant aux Arabes, ils sont englués dans leurs luttes de pouvoir politique et religieux, par Daech interposé pour les monarchies du Golfe et l’Iran, Daech dont des dizaines de combattants sont par ailleurs soignés en Israël avant de repartir au combat. Si la Ligue arabe vient d’actualiser sa proposition de 2002, immédiatement refusée par Netanyahou, seule une véritable menace directe contre Jérusalem, déjà soumise à de nombreuses attaques et provocations, pourrait mobiliser les directions arabes en faveur de la Palestine (comme la Jordanie).

Et le monde occidental vit dans la peur et l’obsession du terrorisme dans des amalgames savamment instrumentalisés par Israël et ses alliés. Cette peur se manifeste –légitimement- en France, frappée par des attaques dont les causes sont sans doute plus complexes que l’allégeance à Daech mise en avant par dirigeants et médias.

Les Palestiniens sont bien seuls pour faire face à l’occupation brutale de leur terre, au vol de leurs ressources, aux attaques contre leur société et leurs droits. La solidarité internationale est leur seule alliée.

Et donc c’est dans ce contexte, auquel nous aussi devons faire face, que l’exécutif français déploie son arsenal répressif, d’abord au niveau de la société, et particulièrement contre la solidarité avec les Palestiniens. Surtout autour de la question de BDS, qui gagne du terrain en France et ailleurs et, nous l’avons vu, inquiète beaucoup les amis de notre exécutif au pouvoir à Tel Aviv.

Parallèlement le positionnement politique français, déjà très mou sous la pression des officines qui défendent la politique coloniale d’Israël, connait une régression grave, avec le recul sur la reconnaissance de l’Etat, annoncée par L. Fabius et enterrée par JM. Ayrault. L’organisation d’une conférence internationale à Paris, piètre tentative pour revenir dans le jeu diplomatique, a accouché d’un échec annoncé. Dès le départ Netanyahou en avait refusé la dynamique, tandis que de nombreux Palestiniens, contrairement à l’AP qui s’y est accrochée comme à une bouée, y voyaient un danger réel pour le droit au retour des réfugiés. Le lamentable épisode du vote sur Jérusalem à l’Unesco a révélé une fois de plus le tropisme israélien de l’exécutif français et sa soumission aux lobbies sionistes. Enfin, la criminalisation de toute critique d’Israël, assimilée à de l’antisémitisme, est -outre qu’elle fait preuve d’une malhonnêteté politique et intellectuelle consternante- très dangereuse. Elle risque d’intensifier les fractures déjà ressenties dans le tissu social et de remettre en cause la légitimité de la France comme « patrie des Droits de l’Homme ».

Pourtant, je dirai pour conclure que dans ce paysage morose, des lueurs d’optimisme subsistent. En Europe la Grèce vient d’annoncer la reconnaissance de l’Etat de Palestine. La Suède reste ferme sur ses positions solidaires. Des députés belges et irlandais soutiennent Barghouthi pour le Nobel tandis que les lauréats tunisiens de 2015 lui ont remis leur prix en solidarité. Des entreprises quittent le territoire palestinien occupé (Sodastream, G4S etc.). La solidarité internationale des peuples ne se dément pas et « on ne nous fera pas taire ». Une nouvelle flottille, menée par des femmes, va s’élancer vers Gaza à la fin de l’été.

Gaza où l’on fait du théâtre et de la poésie, comme à Jénine ou au camp d’Aïda. Car bien sûr les Palestiniens ne sont pas écrasés, de diverses manières ils continuent de résister dignement et résolument. Ce remarquable exemple qu’ils nous donnent est la meilleure incitation à ne pas relâcher nos efforts pour les soutenir. Ils peuvent compter sur la Plateforme.



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