Cette AG se tient quasiment 20 ans après la signature des accords d’Oslo le 13 septembre 1993. Accords secrets, puis officiels, tenus en Norvège, alliée des Etats-Unis et en fonction des demandes israéliennes, suivis d’Oslo II et de l’Accord de Paris en 95.
Oslo
Prévu par les accords, au bout d’une longue route, un Etat palestinien indépendant, l’évacuation de l’armée israélienne de Palestine (dès 94), le transfert des compétences civiles à l’Autorité nationale palestinienne née des accords.
Mais, parce que l’arbitrage international annoncé n’a pas vu le jour (selon la volonté des Israéliens), parce que les pays arabes n’ont pas soutenu l’OLP, fragilisée par le soutien à S. Hussein, Oslo a accouché d’un non-Etat, d’un découpage territorial défavorable aux Palestiniens, sans frontières fixées, d’une occupation militaire qui dure jusqu’à ce jour et d’une colonisation galopante (de 120 000 colons en 93 à 520 000 en 2013) qui n’en finit pas, même si elle est devenue contre productive pour les autorités israéliennes en termes d’image et d’alliances avec ses soutiens traditionnels, parce que la logique coloniale est inchangée : s’emparer de la terre sans le peuple qui y vit.
20 ans après Oslo, la Palestine vit sous blocus à Gaza depuis 2006 et sous occupation en Cisjordanie depuis 1967. Jérusalem est colonisée, le dé-développement économique s’installe et l’instabilité politique est chronique : 2 territoires et deux gouvernements. Avec l’occupation et les donateurs, cela fait 4 puissances dont nous dépendons, nous disent nos partenaires. La division politique et géographique qui dure depuis 2007 n’est pas résolue malgré les nombreuses tentatives de rapprochement, mises en échec par les agendas des deux parties et les fortes pressions israéliennes, relayées par les USA. Le comité de réconciliation (que nous avons rencontré à Gaza) espère des avancées sans cacher que, de même qu’il n’existe aucune confiance entre Israéliens et Palestiniens, la confiance entre Fatah et Hamas est maigre et qu’il faut se résoudre à la patience. Encore.
Alors que s’ouvrent d’autres fronts (Syrie, Iran), que l’administration Obama est sans volonté politique et renie ses engagements, la désillusion est grande et Oslo est vécu comme un leurre, voire un piège qui a bien fonctionné.
Le seul succès durant ces 20 ans aura été, 24 ans après la déclaration d’indépendance d’Alger, la démarche auprès des Nations unies. Après l’entrée à l’Unesco, la Palestine est devenue officiellement « Etat », non membre certes, mais la victoire symbolique et politique est importante. Pour que l’essai soit transformé il faut bien sûr que l’AP poursuive et demande son adhésion à tous les organes, notamment légaux, de l’ONU. Les pressions contre l’accès à la CIJ sont fortes, de la part d’Israël bien sûr mais aussi des USA et de la France.
Alors que sur le terrain la situation d’occupation coloniale qui perdure rend quasi impossible la solution à deux Etats prévue par le plan de partage de 47 et toujours recommandée par la communauté internationale, les plans de paix semblent bien caducs et les politiques impuissants ou discrédités.
La société civile dans ce contexte bloqué joue un rôle important. Organisée en une multitude d’ONG, elle se substitue à l’Etat inexistant sur le terrain, malgré les infrastructures et les pseudo-compétences étatiques. Ses relations avec les pouvoirs politiques de Ramallah et Gaza sont souvent difficiles, voire conflictuelles avec le Hamas à Gaza.
Depuis 20 ans (notre partenaire principal, le PNGO, est né comme nous en 93), elle structure et soutient la population palestinienne. Pour ce faire elle reçoit une aide considérable de divers donateurs internationaux, ce qui crée une évidente dépendance, voire des dérives. Rien à voir quand même avec la dépendance de l’AP envers les donateurs (Etats, institutionnels) qui conditionnent l’aide à des considérations sécuritaires, au seul bénéfice d’Israël.
La population, surtout à Gaza, vit sous perfusion de l’aide internationale, qui empêche la catastrophe humanitaire qui affleure et l’explosion sociale. C’est, comme le disent nos partenaires, « l’occupation la moins chère du monde » dont les acteurs israéliens n’assument aucune des contraintes et devoirs.
Ce qui a fait dire à Y. Beilin qu’Oslo qui devait être « un corridor, est en fait un vaste salon, le plus pratique qui soit pour continuer la colonisation et ne pas diviser la terre ».
La PFP et Oslo
En 93, 10 associations décident d’accompagner la création de l’Etat palestinien dessinée par les accords autour de 3 thèmes : l’auto-détermination du peuple palestinien, le développement et la solidarité. Il s’agit de mutualiser l’efficacité des acteurs autour de la charte qui soutient la reconnaissance mutuelle des Palestiniens et Israéliens sur la base des résolutions 242 et 238, avec une solution à la question des réfugiés basée sur le droit international.
A l’ordre du jour, la synergie avec la société civile palestinienne dont je viens de parler, à la recherche d’une société pluraliste et démocratique.
Avons-nous atteint notre objectif ? Pour partie.
Nous avons maintenant 40 membres, diversifiés, grandes et petites associations, généralistes ou « spécialistes », laïques ou confessionnelles, qui avons mutualisé nos ressources.
Nous avons joué un rôle grandissant auprès des décideurs, institutionnels, élus, médias, et de l’opinion publique.
Nous avons organisé des actions, campagnes et événements (PIA, Paix en Palestine, colloque…) et développé de nombreux outils très utiles, que nous vendons très insuffisamment et qui sont pourtant des ressources importantes pour le réseau : films, affiches, brochures, fiches et le site bien sûr qui est une source majeure d’information. Et maintenant le jeu.
Nous avons eu avec nos partenaires palestiniens (et israéliens anti-colonialistes) les liens souhaités, avec des échanges, des visites ici et là-bas. Nous avons bien soutenu leurs initiatives comme la campagne Mur ou prisonniers que nous avons affinée en faisant campagne contre la détention administrative. Nous avons organisé des lobby tours et des rencontres à haut niveau avec les décideurs politiques en France. Nous avons mené des missions en Palestine : Cisjordanie, particulièrement la Vallée du Jourdain, et la bande de Gaza, en 2005 et en juin 2013.
C’est donc un engagement globalement réussi en termes concrets.
Mais, au niveau politique, il me semble que nous avons parfois été en décalage avec l’urgence de la situation politique, en réaction et pas été assez offensifs.
Je crois aussi que nous avons involontairement subi le discours dominant, islamophobe, en prenant de prudentes distances avec tout ce qui est ou paraît Hamas. De même nous semblons avoir « peur » de BDS, pourtant demandé par une impressionnante coalition palestinienne, dont nos partenaires, et des Israéliens anticolonialistes de ‘Boycott from within’. Nous ne prenons pas à bras le corps la réflexion sur la question majeure de l’Etat (un ou deux etc.) qui pourrait déterminer de nouvelles stratégies. L’organisation d’un colloque sur la question semble pertinente. Enfin, nous avons en quelque sorte « intégré » la division, tout en la déplorant à juste titre, en nous dirigeant essentiellement vers des contacts avec l’AP et en ne martelant pas l’unicité de la Palestine.
Alors, maintenant ?
Dans cette nouvelle période qui s’ouvre après la parenthèse néfaste d’Oslo, où les désillusions l’emportent sur l’espoir politique, que pouvons/devons nous faire ? Faut-il repenser notre stratégie ?
Les fondamentaux demeurent : l’appui à la société civile, bien malmenée, et les objectifs de construction d’une société pluraliste et démocratique ; la solution de la question des réfugiés sur la base des résolutions et conventions internationales ; le soutien aux militants anticolonialistes israéliens.
Comme dans la période précédente, nous ne nous substituons pas aux Palestiniens et nous ne pouvons être simples spectateurs. Nous pouvons mener avec nos partenaires des réflexions sur la situation actuelle et les leçons à en tirer pour l’avenir. Notre champ d’action prioritaire reste la France, et également l’UE.
La société française est ouverte à la question palestinienne, aux droits des Palestiniens, même si les décideurs politiques ne le sont pas ou trop mollement.
Claude Léostic, 22 juin 2013
Campagne en cours