Plateforme des ONG Françaises pour la Palestine

Introduction à l’Assemblée Générale de la Plateforme, 10 juin 2017

23 juin 2017

Nous venons de vivre une année très dure en termes politiques et humanitaires, que ce soit au Moyen-Orient soumis à une violence insensée comme en Syrie, à la question des réfugiés/migrants, aux soubresauts autour des pays du Golfe. Parallèlement, les USA ont en 2016 connu une campagne électorale lamentable qui a accouché de l’élection de D. Trump, ce qui ouvre la porte à toutes les inquiétudes et incertitudes. Le seul point positif au niveau international semble être l’échec électoral des extrêmes-droites en Europe, comme encore cette semaine au R-U.

Quant à la Palestine, peu de changements. L’occupation, le blocus de Gaza, la colonisation de la Cisjordanie,-malgré la résolution des Nations unies de décembre 16-, les arrestations et les raids se sont poursuivis en toute impunité, les dirigeants israéliens étant assurés du soutien de Trump. Mais je laisse à notre invité, Dominique Vidal, la tâche de présenter son analyse de la situation. Je parlerai pour ma part des prisonniers et de la situation ici.

En France, le contexte nous est défavorable, surtout en terme de liberté d’expression, sur fond d’état d’urgence et de crainte de l’opinion concernant les attaques terroristes.
Mais surtout, dans cette période, ce qui a focalisé l’attention ce sont les campagnes électorales, des primaires à l’élection présidentielle. Campagnes qu’on pourrait trouver simplement effarantes si les enjeux n’avaient pas été aussi importants, et où l’international, notamment le Moyen-Orient, a été singulièrement absent. Pour preuve, à un niveau micro-politique, notre questionnaire aux candidats n’a reçu qu’une réponse et un courrier tout fait. Nous n’avons pu avoir aucune visibilité dans cette période.
Nos adversaires du Crif et autres officines de soutien à la politique coloniale israélienne, ont eux été entendus, au point qu’ils ont imposé leurs choix sur des candidats Macron aux législatives et que le président du Crif est déjà reçu par Collomb, ministre de l’Intérieur.

La criminalisation de la solidarité avec le peuple palestinien ne cède pas de terrain, alors même qu’il est clair que BDS n’est pas illégal. Mais même au MAE le discours officiel est que c’est une ligne rouge et que c’est...illégal. Inquiétant que l’idéologie l’emporte sur la réalité juridique chez les serviteurs de l’Etat.

Ces pressions se retrouvent en Palestine et en Israël, sur les ONG de défense du droit et les militants, tandis que le Qatar est sous le feu saoudien- étatsunien- égyptien- israélien etc, pour théoriquement aider « les terroristes du Hamas ». Quant à l’UE elle vient de voter une nouvelle définition de l’antisémitisme qui intègre -dans le flou certes- la critique de la politique d’Israël.

Et ces positions qui pourraient sembler ahurissantes si elles n’étaient pas l’expression politique de la puissance du lobby pro-israélien, n’attirent aucune indignation du public qui ne les voit d’ailleurs guère car le black-out médiatique est de rigueur.

Silence radio des médias, comme pour la grève de la faim des prisonniers palestiniens. Mais réveil surprenant quand elle est suspendue au bout de 40 jours. Pas arrêtée, suspendue. Peut-être grâce à l’appel de la Croix -Rouge qui avertissait de la mort imminente de prisonniers grévistes, à un moment où Trump se trouvait dans la région. Une explosion de colère en Palestine, s’il y avait eu des morts, était un risque politique pour l’extrême-droite au pouvoir à Tel-Aviv.

Je ne reprends pas dans le détail les revendications concrètes des grévistes : conditions de détention, d’arrestation et de transport, arrêt des mauvais traitements et droit de visite etc. Ni le déroulé, la répression sauvage, les sévices qu’ont subis les grévistes.
Il y avait une autre raison, politique, à cette grève : à l’attention d’Israël pour signifier que les autorités d’occupation ne pourraient pas faire taire la voix des prisonniers même en les condamnant au cachot et en les torturant ; et un message à l’Autorité Nationale Palestinienne, peu solidaire des prisonniers, afin qu’elle n’oublie pas que la question des prisonniers est primordiale et que, comme dans toute lutte de libération nationale ou d’indépendance, la libération des prisonniers ne peut découler d’une négociation mais qu’elle est la condition pour que toute négociation puisse se tenir.

La grève, la plus massive et la plus collective en terme de l’implication des partis et mouvements politiques depuis des dizaines d’années, a montré un point essentiel : l’unité des prisonniers dans les prisons et des forces politiques à l’extérieur. Et en ce sens c’est bien une victoire. Si le bilan n’est pas encore fait -hormis l’obtention d’environ 80 % des revendications, quoi qu’en disent les autorités d’occupation- ce qui ressort est à nouveau l’appel à l’unité nationale, et à un renouvellement de la classe politique, autour nommément de Marwan Barghouthi, ce que l’équipe de M . Abbas, dont le tropisme états-unien ne se dément pas, ne souhaite de toute évidence pas.

Ce mouvement de protestation non violente, légitime, arme ultime de prisonniers qui ne peuvent se faire entendre de leurs geôliers, n’a donc pas suscité l’intérêt des médias, englués dans notre lamentable campagne électorale française. Et quand ils en ont parlé, après la grève, cela a été pour en minimiser les enjeux et les acquis.

Dans ce contexte défavorable nos tâches sont lourdes et difficiles.

Bien évidemment nous ne céderons pas aux pressions et menaces, ni à la désinformation. Il faut absolument trouver une entrée auprès des médias, être plus visibles encore et être présents en permanence auprès des nouvelles équipes dirigeantes.

Les pressions inacceptables auxquelles nous sommes soumis nous fragilisent. Malgré ces difficultés, nous avons menés en 2016-17 un nombre considérable d’actions et de campagnes, de grande qualité, comme en témoigne le rapport d’activités.

Nous devrons faire encore mieux en 2018, « année d’Israël en France » où nous allons subir les attaques frontales de nos adversaires, le rouleau compresseur de l’idéologie sioniste reprise par nos dirigeants et nos « grands » médias. Il faut nous y préparer dès maintenant.

Pour nous, comme 2017 est l’année qui marque 100 ans de dépossession de la Palestine, 2018 sera l’année de la Nakba et de la solidarité réaffirmée avec le peuple palestinien pour l’obtention de ses droits inaliénables.

Claude Léostic, 10 juin 2017



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