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Gel des investissements : l’Europe mollit face à Israël

30 septembre 2013 - Aude MARCOVITCH - Libération

C’est une lettre de mécontentement qu’une quinzaine de personnalités européennes, dont des ex-Premiers ministres et ministres des Affaires étrangères - comme Hubert Védrine, Javier Solana, Benita Ferrero-Waldner ou John Burton - ont envoyé à Bruxelles. Leur objectif : faire pression pour que l’Union européenne maintienne à l’agenda la dénonciation de la colonisation israélienne dans les Territoires occupés.

En juillet, l’UE avait rendu publique une décision impliquant que « tous les accords entre l’Etat d’Israël et l’UE doivent sans équivoque et explicitement indiquer leur inapplicabilité aux Territoires occupés par Israël en 1967 ». Concrètement, cela signifie que tous les projets de coopération, de recherche et développement européens ne seront plus octroyés aux entités israéliennes qui mènent aussi des activités en Cisjordanie, à Jérusalem-Est, sur le plateau du Golan ou à Gaza. Ces nouvelles directives, applicables dès janvier 2014, avaient fait grand bruit au moment de leur publication. Mais depuis, Bruxelles serait en train de faire machine arrière. C’est du moins ce qu’estiment les personnalités responsables de la missive destinée aux ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne. « Nous avons relevé, avec une grande préoccupation, des appels à retarder, modifier ou même suspendre les directives de la Commission », estiment-ils. L’Europe doit « respecter son engagement à soutenir les directives et leur entière application par les institutions européennes », insistent les signataires.

Pot commun. La décision européenne avait pris les responsables israéliens par surprise. Elle avait été dénoncée comme un « diktat de l’extérieur sur nos frontières » par le Premier ministre, Benyamin Nétanyahou. Son ministre du Commerce, Naftali Bennett, a récemment proposé qu’Israël se retire tout bonnement du programme européen de coopération scientifique et technologique auquel il participe. Financés grâce à un pot commun où les pays versent leurs contributions pour une période de sept ans, les projets de recherche et développement sont redistribués à tous les Etats membres de ce programme. Seul pays hors du continent européen à en être membre, Israël a payé 600 millions d’euros pour la période de 2006 à 2013 et envisageait de hausser sa participation d’une centaine de millions d’euros l’an prochain. Avec l’ensemble des Etats contributeurs, l’UE prévoit un financement de 80 milliards d’euros pour ce nouveau cycle, baptisé « Horizon 2020 », qui démarre en 2014.

Mais depuis la publication des fameuses directives, la participation d’Israël à ce programme est rendue plus compliquée. « Cela risque d’empoisonner l’atmosphère de tous les investissements européens dans les secteurs technologiques et de recherche et développement », fait remarquer un fonctionnaire israélien qui souligne que, « par exemple, Teva et Intel possèdent des centres de recherche dans le parc industriel de Har Hotzvim, à Jérusalem. Or le parc s’étend sur un espace de part et d’autre de la ligne verte [qui sépare Israël des Territoires occupés, ndlr] ». L’application des nouvelles directives européennes « aurait pour conséquence qu’une entreprise aussi importante que Teva serait automatiquement exclue des futurs projets de coopération avec l’UE », relève-t-il. L’Union européenne est le premier partenaire commercial d’Israël et, donc, en tête de ses priorités économiques. De leur côté, les Vingt-Huit profitent de la formidable effervescence des activités en recherche et développement de l’Etat hébreu.

Sibylline. Pour tenter de trouver un terrain d’entente, des réunions entre de hauts responsables européens et israéliens se sont récemment tenues à Jérusalem et à Bruxelles. En ressort une impression diffuse que les exigences européennes se sont assouplies envers Israël. A l’image d’une phrase sibylline prononcée par la chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, qui a récemment déclaré que Bruxelles mettrait en œuvre les nouvelles directives « d’une manière sensible ». « Ce qui n’indique en rien que les directives soient changées sur le fond », tempère-t-on à la représentation de l’UE en Israël.

Les Américains ne seraient pas étrangers à l’inflexion de la position européenne. Dans le cadre de la relance des pourparlers de paix entre Israéliens et Palestiniens fin juillet, ils pourraient avoir demandé à la partie européenne de modérer ses exigences. Ce qui a également encouragé Israël à des gestes de bonne volonté, comme la libération de prisonniers et l’augmentation du nombre de permis de travail octroyés aux Palestiniens. A l’inverse, pour le groupe de personnalités européennes qui s’est fendu de la lettre aux représentants de l’UE, « remettre à plus tard ou suspendre les directives risque de miner les négociations, en aliénant les Palestiniens et en renforçant l’intransigeance d’Israël ». Selon eux, un retour en arrière sur ces décisions « endommagerait la crédibilité de l’UE ».
Aude MARCOVITCH De notre correspondante à Tel-Aviv


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