Plateforme des ONG Françaises pour la Palestine

Face au COVID-19, les violations des droits humains par Israël augmentent la vulnérabilité des Palestiniens

10 avril 2020 - PUI, publié le 9 avril 2020

La pandémie de COVID-19 touche les populations du monde entier, mais représente une menace particulière en territoire palestinien occupé. Les autorités israéliennes, responsables de la protection des palestiniens sous leur occupation militaire, bafouent en réalité les droits de ces civils. Première Urgence Internationale rappelle au gouvernement israélien ses devoirs et appelle à une action urgente pour éviter de plus grands risques de contamination.



Le COVID-19 en territoire palestinien occupé

Le 21 février, le premier cas de COVID-19 a été diagnostiqué en Israël. Deux semaines plus tard, le virus est apparu en territoire palestinien occupé. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), au 5 avril, il y avait 8 018 cas confirmés en Israël et 227 cas confirmés de COVID-19 en territoire palestinien occupé. Peu après, les Premiers ministres israélien et palestinien ont imposé des réglementations strictes à leurs citoyens respectifs, afin de limiter les mouvements au minimum et encourager les gens à s’isoler chez eux.

Cependant, les opérations militaires israéliennes en Cisjordanie – y compris les raids, démolitions d’infrastructures palestiniennes, arrestations et détentions, et confiscations de terres – se poursuivent, exposant les Palestiniens affectés à un plus grand risque de contamination. Parallèlement, la violence des colons contre les Palestiniens, en augmentation ces dernières années, atteint un nouveau pic. Les colons profitent des restrictions pour intensifier leur violence contre les Palestiniens et leurs biens, et saisir davantage de terres palestiniennes.

En vertu du droit international, les autorités israéliennes sont responsables du bien-être des Palestiniens sous leur occupation militaire. Des rapports et documents antérieurs ont montré que les autorités israéliennes bafouent systématiquement cette obligation et refusent de respecter les droits fondamentaux de la population palestinienne depuis plusieurs décennies. Cette oppression systématique et ce mépris flagrant du droit international sont particulièrement inquiétants car ils continuent même pendant la pandémie actuelle, augmentant le risque d’infections pour les Palestiniens, mais aussi pour les Israéliens.

Les violations des droits humains se poursuivent en Cisjordanie

La violence des colons a considérablement augmenté en intensité et en gravité depuis l’arrivée de la pandémie localement. Alors que les citoyens israéliens en Israël sont soumis à des réglementations strictes et à des restrictions de mouvement, les colons israéliens résidant illégalement en Cisjordanie ne sont pas surveillés par les autorités israéliennes et profitent du confinement des Palestiniens pour accroître leur violence et saisir plus de terres palestiniennes.

Rien que dans la dernière semaine de mars, les colons ont rasé des terres palestiniennes privées dans trois zones différentes de la Cisjordanie, afin de construire des routes desservants leurs colonies ou avant-postes. De plus, plusieurs agences humanitaires et de protection ont dû interrompre ou limiter leur travail sur le terrain afin de limiter la propagation du virus. Sans mécanismes de présence protectrice en place, les colons ont une main plus libre pour attaquer les Palestiniens et vandaliser leurs biens.

Depuis la proclamation de l’état d’urgence le 5 mars, au moins 16 attaques de colons ont fait des blessés Palestiniens et des dégâts matériels, soit une augmentation de 78% par rapport à la moyenne des attaques depuis le début de l’année. Des groupes de colons ont été documentés attaquant des Palestiniens avec des armes ou des chiens, provoquant de graves blessures. Plusieurs communautés palestiniennes, comme Al Twani et Burqa, ont été attaquées par des groupes de colons, qui ont agressé des agriculteurs, endommagé des véhicules, déraciné des arbres et vandalisé des bâtiments. Plusieurs reportages dans les médias palestiniens ont montré d’autres cas où des colons ont été filmés en train de pulvériser des substances inconnues sur des véhicules, des serrures de porte et des guichets automatiques, instillant la peur et la paranoïa dans les communautés palestiniennes ciblées.

En parallèle, les forces de sécurité israéliennes ont poursuivi leurs opérations visant les Palestiniens dans tout le territoire palestinien occupé, même lorsque celles-ci contribuent directement à un risque accru d’infection. Les raids de l’armée dans les communautés palestiniennes, incluant des arrestations et des détentions de Palestiniens, se poursuivent quotidiennement. Entre le 6 et le 31 mars, 207 incursions de l’armée israélienne ont été documentées dans des villes palestiniennes de Cisjordanie et de Jérusalem-Est. Les médias rapportent que plusieurs membres du personnel pénitentiaire israélien, dont un interrogateur, ont été diagnostiqués positifs au virus. Ce qui engendre de sérieuses inquiétudes quant à la protection des prisonniers palestiniens contre l’exposition au virus dans les prisons israéliennes. Un prisonnier palestinien libéré d’une prison israélienne le 31 mars a notamment été testé positif au virus le lendemain, faisant craindre qu’il ait contaminé des dizaines d’autres détenus.

Des obstacles supplémentaires dans la lutte contre le virus

Dans d’autres cas, les forces de sécurité israéliennes ont empêché les efforts palestiniens pour lutter contre la propagation du virus dans leurs communautés. Par exemple, le 30 mars, les forces israéliennes ont pris d’assaut le siège des comités publics d’urgence dans le village de Hizma, agressant des volontaires et les empêchant de mener des activités de sensibilisation. D’autres incidents montrent que les forces israéliennes ont arrêté des volontaires palestiniens qui pulvérisaient des désinfectants dans des quartiers ou communautés palestiniennes.

De plus, la démolition d’infrastructures palestiniennes par les Forces de sécurité israéliennes – une pratique assez courante, bien qu’illégale en vertu de la quatrième Convention de Genève – n’a pas cessé. Rien qu’en mars, au moins 40 structures palestiniennes ont été démolies, déplaçant 31 personnes, dont 13 enfants. De telles démolitions sont encore plus préoccupantes dans le cadre de la pandémie actuelle. Les familles touchées deviennent sans abri ou sont contraintes d’emménager avec des proches. Cela augmente leur risque d’exposition au virus.

Dans certains cas, les Forces de sécurité israéliennes ont démoli ou confisqué du matériel et des infrastructures utilisés pour combattre le virus. Par exemple, dans la communauté bédouine d’Ibziq dans la vallée du Jourdain, le 26 mars, l’armée israélienne a confisqué six pulvérisateurs dorsaux fournis par Première Urgence Internationale (qui auraient été utilisés pour pulvériser du désinfectant) et quatre tentes qui avaient également été fournies par la communauté humanitaire pour être utilisées comme cliniques.

Le COVID-19 dans la bande de Gaza : une bombe à retardement

À ce jour, seuls 12 cas confirmés de COVID-19 ont été enregistrés dans la bande de Gaza. Mais la situation humanitaire, et notamment le secteur de la santé en difficulté, fait apparaître le risque que la pandémie s’étende rapidement et surcharge les infrastructures de Gaza déjà sous-équipées, créant un scénario catastrophique pour ce territoire et sa population appauvrie.

Depuis plusieurs années, les experts sanitaires et humanitaires alertent sur le blocus imposé par Israël envers la bande de Gaza. Le blocus entre dans sa 13e année, et a mis le système de santé au bord de l’effondrement. Des déficits chroniques de médicaments et d’équipements compliquent le travail des médecins et infirmiers, dans l’incapacité de répondre à une crise sanitaire majeure, sans parler d’une pandémie. Il n’y a que 62 respirateurs, et 70 lits de soins intensifs pour 2 895 lits médicalisés dans la bande de Gaza. Pour une population de plus de 2 millions de personnes. D’après Nikolaï Mladenov, coordonnateur spécial pour le processus de paix au Moyen-Orient, 39% du stock médical essentiel de la bande de Gaza était épuisé en février 2020.

Le faible nombre de cas confirmés à ce jour dans le territoire n’est donc pas si rassurant. D’autant que les dépenses additionnelles liées à la riposte contre l’épidémie aggravent la situation économique déjà désastreuse des ménages les plus vulnérables. Avant le début de la pandémie, les équipes de Première Urgence Internationale fournissaient déjà une assistance financière d’urgence aux ménages sous le seuil de pauvreté. Ces familles démunies, souvent en grave insécurité alimentaire, doivent maintenant assumer des dépenses supplémentaires (désinfectants, détergents) qui les placent en difficulté financière pour subvenir à leurs besoins essentiels, comme la nourriture.

La densité de population dans la bande de Gaza est aussi susceptible d’entraîner une transmission du virus très rapide. Avec plus de 6 000 habitants par km2, la bande de Gaza est l’une des zones les plus peuplées au monde. Les camps de réfugiés situés dans la bande sont d’autant plus à risque, avec une densité de population encore plus grande et des infrastructures sanitaires en mauvaises conditions – voire inexistantes. Par exemple, à Jabaliya, 140 000 réfugiés vivent dans un camp de 1,4 km2. Cela représente une densité de population de 100 000 habitants par km2.

Le gouvernement israélien doit respecter ses obligations

Le gouvernement d’Israël, en tant que puissante occupante, et au regard du droit international, est responsable de la protection et du bien-être des populations palestiniennes en Cisjordanie (y compris à Jérusalem-Est) et dans la bande de Gaza. La pandémie actuelle ne dispense pas le gouvernement israélien de ses obligations, et même au contraire ajoute un devoir légal et moral de protection envers la population palestinienne. Protéger ces civils du COVID-19 et assurer leur accès aux services de base, notamment la santé. Les pratiques et politiques adoptées actuellement par le gouvernement israélien envers les Palestiniens montrent l’exact opposé, et rendent ces civils encore plus vulnérables au virus et à un risque de contamination. Cela ne fait qu’exacerber une situation déjà tendue causée par les violations systémiques des droits humains commises par le gouvernement israélien envers les civils palestiniens.

En tant que puissance occupante, et afin de ralentir la propagation du virus au sein des populations palestiniennes et israéliennes – forcément liées au vu des contacts fréquents entre ces deux peuples – les autorités israéliennes doivent :

  • Cesser immédiatement toutes démolitions et confiscations d’infrastructures dans le territoire palestinien occupé, y compris les infrastructures établies via les acteurs de l’aide humanitaire ;
  • Autoriser sans délai l’entrée de médecins, équipements médicaux et experts sanitaires dans la bande de Gaza ;
  • Autoriser les patients palestiniens dans la bande de Gaza et qui nécessitent une hospitalisation urgente à sortir du territoire sans délai ni conditions ;
  • Permettre un accès libre et sans entraves aux équipes et agences humanitaires en Cisjordanie et dans la bande de Gaza ;
  • Prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que les prisonniers palestiniens soient protégés de l’épidémie au même titre que le reste de la population.

Première Urgence Internationale défend ardemment les droits des Palestiniens localement et internationalement. Toutes les informations présentes dans ce communiqué représentent les vues de Première Urgence Internationale, et sont basées sur des données, témoignages et rapports produits et publiés par l’ONG elle-même ainsi que par d’autres acteurs humanitaires, de développement, ou de protection, intervenant en territoire palestinien occupé.

Soutenez Première Urgence Internationale dans sa lutte contre la propagation de COVID-19.


Sur le site de Première Urgence Internationale

Visuel : À Gaza, Première Urgence Internationale fournit des trousses de premiers secours aux ménages palestiniens pour freiner le COVID-19 en territoire palestinien occupé | © Première Urgence Internationale, 2020.




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