Plateforme des ONG Françaises pour la Palestine

L’eau, les chiffres clés 2024

16 août 2024

Dans le territoire palestinien occupé, les ressources en eau sont accaparées par les autorités israéliennes et très inégalement réparties. Les inégalités d’accès à cette ressource ont des implications profondes sur la vie quotidienne de la population palestinienne dans les territoires occupés et participent à l’insécurité sanitaire et alimentaire. Ces inégalités sont profondément liées aux politiques d’occupation, de colonisation et d’apartheid, ainsi qu’au blocus de la bande de Gaza et à la guerre qui y fait rage depuis le 7 octobre 2023.

L’accès à l’eau en Cisjordanie

Les inégalités en termes d’accès à l’eau en Cisjordanie sont criantes, comme l’a montré l’ONG israélienne B’Tselem dans un rapport intitulé Parched, publié en mai 2023. En 2020, chaque Palestinien de Cisjordanie consommait en moyenne 82 litres d’eau par jour, contre 247 litres consommé par personne en Israël et dans les colonies. Ce chiffre tombe à 26 litres par jour pour les communautés palestiniennes de Cisjordanie qui ne sont pas reliées au réseau de distribution d’eau. 36 % des Palestiniens de Cisjordanie bénéficient d’un accès à l’eau courante toute l’année, contre 100 % des Israéliens, colons inclus.

Israël a raccordé toutes les colonies construites en Cisjordanie, à l’exception de la vallée du Jourdain, au réseau d’eau israélien. L’approvisionnement en eau des communautés israéliennes de part et d’autre de la ligne verte est géré comme un système unique géré dont la compagnie nationale israélienne Mekorot a la charge.
La pénurie d’eau en Cisjordanie a entraîné une grave crise de l’eau pour les Palestiniens de la région. Il ne s’agit pas du fruit du hasard ou d’une catastrophe naturelle, pas plus que d’une crise régionale de l’eau inévitable, mais du résultat intentionnel de la politique israélienne qui considère l’eau comme un moyen de contrôler la population palestinienne en Cisjordanie.

Israël a pris le contrôle du secteur palestinien de l’eau immédiatement après l’occupation de la Cisjordanie en 1967, guerre voulue par Israël et véritable aubaine pour ses ressources en eau, et a introduit des interdictions et des restrictions radicales. Les Palestiniens doivent obtenir l’accord de la puissance occupante pour forer de nouveaux puits avec des profondeurs très inférieures aux forages israéliens sur les mêmes aquifères qui n’épousent pas les frontières politiques.

En 1995, un accord intérimaire concernant l’eau a été signé entre Israël et l’OLP, dans le cadre des Accords d’Oslo II. Aux termes de celui-ci, Israël s’est vu attribuer 80 % de l’eau provenant de l’aquifère de montagne, principalement situé en Cisjordanie. Cet accord n’était censé rester en vigueur que pour cinq ans et ses dispositions ne correspondent pas à la réalité démographique actuelle de la Cisjordanie. Depuis 1995, la population palestinienne a augmenté d’environ 75 %, alors que la quantité d’eau qu’Israël autorise pour les Palestiniens est restée la même. Pour compenser cela, l’Autorité palestinienne doit acheter de l’eau à Mekorot, à un prix très élevé. Selon l’ONG israélienne B’Tselem, les Palestiniens de Cisjordanie ont consommé 239 millions de mètres cubes d’eau en 2020, dont 77 achetés à Israël et distribués de manière inégale en Cisjordanie.
Les clauses relatives à la distribution de l’eau ignorent totalement la division de la Cisjordanie en zones A, B et C. Israël a conservé tous les pouvoirs dans la zone C, qui couvre environ 60 % de la Cisjordanie, et les Palestiniens ont besoin de son consentement - très souvent refusé - pour pratiquement tout. Chaque nouveau forage, chaque réseau d’eau qui relie les communautés palestiniennes voisines et chaque installation de traitement des eaux usées doit inévitablement être construit loin des quartiers résidentiels et passe par la zone C.

L’accord intérimaire permet à Israël d’exporter de l’eau de l’intérieur du pays vers les colonies de Cisjordanie, mais empêche l’Autorité palestinienne de transporter de l’eau d’une partie de la Cisjordanie à l’autre. L’Autorité palestinienne de l’eau produit de l’eau à un coût négligeable dans les districts de Qalqiliyah, Tulkarem et Jéricho, mais ne peut pas la livrer à d’autres communautés palestiniennes, parfois à quelques kilomètres de là, en raison du refus d’Israël. Les écarts de consommation d’eau qui en résultent entre les différents districts palestiniens sont très importants : en 2020, la consommation quotidienne d’eau par habitant dans les districts de Bethléem et d’Hébron était de 51 litres, alors qu’elle était presque trois fois plus élevée dans le district de Qalqiliyah (141 litres).

Un outil de dépossession de la terre

L’accès à l’eau est un outil utilisé dans le cadre du déplacement de populations et de la dépossession de terres au profit des colonies israéliennes. Des communautés vivant en zone C voient les sources d’eau qu’elles utilisent pour subvenir à leurs besoins détournés par l’armée et les colons. Les zones où se trouvent les sources sont fréquemment classées “zones de tir” (donc interdite d’accès) par l’armée israélienne pour forcer les Palestiniens à se déplacer.

En édifiant le mur, déclaré illégal par la Cour Internationale de Justice en 2004, Israël a annexé de facto de nombreux puits et sources palestiniennes.

L’apartheid de l’eau

En 2011 , un rapport parlementaire français remis par le député Jean Glavany évoquait un « apartheid de l’eau ». Selon de nombreuses ONG (notamment B’Tselem, Al Haq ou Amnesty International), cette inégalité participe de la situation d’apartheid à l’encontre de la population palestinienne. Dans le seul secteur de l’eau, les autorités israéliennes créent délibérément une énorme disparité de consommation. Un groupe jouit du luxe offert par une superpuissance hydrique du premier monde, son mode de vie étant moins touché par les conditions météorologiques et le changement climatique. L’autre groupe - les Palestiniens des territoires palestiniens occupés - souffre d’une crise chronique de l’eau qui risque de s’aggraver avec le changement climatique.

L’accès à l’eau dans la bande de Gaza

  • Avant le 7 octobre 2023

La situation liée à l’accès à l’eau était déjà très détériorée dans la bande de Gaza avant le 7 octobre 2023. L’ONG B’Tselem estimait que 96.2 % de l’eau potable à Gaza était contaminée et non-potable, augmentant fortement les risques de propagation de maladies. Les dommages causés à l’aquifère de Gaza sont irréversibles depuis 2020, notamment en raison du pompage excessif, y compris pour l’agriculture israélienne près de Gaza, et de sa contamination par les eaux usées.
L’infiltration de l’aquifère par l’eau de mer la rend aussi dangereuse pour la santé. L’eau pompée est saumâtre et impropre à la consommation. 20 000 mètres de canalisations ont été endommagés en 2014. Selon l’ONG B’Tselem, en 2020, en raison de l’obsolescence des infrastructures, 40 % de l’eau acheminée était perdue.
Selon les Nations unies, 90 % des foyers dans la bande de Gaza, qui vivaient déjà dans la pauvreté, devaient acheter de l’eau auprès des usines de dessalement ou de purification, ce qui coûtait 10 à 30 fois plus cher que l’eau courante. Ces unités de désalinisation, gourmandes en énergie, fonctionnent au carburant dont le ravitaillement dépendait du blocus israélien.

  • Depuis le 7 octobre 2023

Depuis le début du siège total de Gaza et la campagne militaire israélienne à l’encontre de l’enclave palestinienne, la bande de Gaza est confrontée à des besoins catastrophiques en matière d’eau, d’assainissement et d’hygiène, essentiels à la survie de ses 2,3 millions d’habitants, dont la moitié sont des enfants. La Banque mondiale estime que les capacités de production du système d’approvisionnement en eau et d’assainissement, en état de quasi-effondrement, sont tombées à moins de 5 % de leur niveau habituel

Selon un rapport initulé “Water War Crimes” publié par Oxfam en juillet 2024, Israël a délibérément utilisé l’eau comme arme contre la population palestinienne de Gaza. L’interruption par Israël de l’approvisionnement externe en eau, la destruction systématique des infrastructures d’eau et l’obstruction délibérée de l’aide ont réduit de 94 % la quantité d’eau disponible à Gaza, qui n’est plus que de 4,74 litres par jour et par personne, soit moins d’un tiers du minimum de 15 litres recommandé en cas d’urgence, et équivaut à moins d’une seule chasse d’eau. Le minimum décent d’eau par jour et par personne a été établi par l’OMS à 50 litres.

Toujours selon le rapport d’Oxfam, Les attaques israéliennes ont endommagé ou détruit cinq sites d’assainissement et d’approvisionnement en eau tous les trois jours depuis le début de la guerre. La destruction des infrastructures d’alimentation en eau et en électricité, ainsi que les restrictions imposées à l’entrée de pièces de rechange et de carburant (en moyenne un cinquième des quantités requises sont autorisées) ont fait chuter la production d’eau de 84 % à Gaza. L’approvisionnement externe par la compagnie israélienne des eaux Mekorot a diminué de 78 %. Israël a détruit 70 % des pompes à eaux usées et 100 % des usines de traitement des eaux usées, ainsi que les principaux laboratoires d’analyse de la qualité de l’eau à Gaza. Israël a aussi restreint l’entrée du matériel d’analyse de l’eau d’Oxfam.

Selon Oxfam, la ville de Gaza est privée de la quasi-totalité de sa capacité de production d’eau, 88 % de ses puits et 100 % de ses usines de dessalement ayant été endommagés ou détruits.
En décembre 2023, le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA) estimait que chaque Palestinien de Gaza disposait en moyenne de 3 litres d’eau par jour pour s’hydrater, cuisiner et se laver, soit le minimum pour survivre, contre 40 avant le 7 octobre. L’UNICEF considérait en décembre 2023 que les enfants récemment déplacés dans le sud de la bande de Gaza ne disposaient que de 1,5 à 2 litres d’eau par jour pour survivre.

En raison de cette pénurie d’eau, 26 % de la population de Gaza est sévèrement touchée par des maladies facilement évitables. Il s’agit de notamment la grippe, l’hépatite A, des troubles intestinaux ou des maladies de peau selon Médecins Sans Frontières. Près de 40 000 cas d’hépatite A ont été comptabilisés par l’UNRWA depuis le début de la guerre.

Les femmes, notamment celles qui sont enceintes ou qui allaitent, ainsi que les enfants et les malades, sont exposés à des risques accrus en raison de l’absence d’eau et d’assainissement adéquats. Les enfants de moins de 5 ans sont plus sensibles aux diarrhées chroniques et épidémies en raison de l’eau contaminée et d’une hygiène insuffisante.


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