L’ONG Euro-Med Monitor for Human Rights vient de sortir un rapport sur le gaspillage des fonds européens induits par les destructions répétées par les autorités israéliennes de structures et projets financés par l’Union européenne (UE) en Palestine occupée.
Les chiffres révélés par le rapport sont sans appel : entre 2001 et 2015, les destructions et démolitions israéliennes ont occasionné la perte de 65 millions d’euros à l’UE (dont 23 millions de pertes dues à l’attaque contre la bande de Gaza de 2014).
Outre les destructions considérables dues aux attaques militaires israéliennes répétées à Gaza, les démolitions sont particulièrement fréquentes en zone C, qui recouvre 60% de la Cisjordanie et est contrôlée exclusivement par Israël. Ces démolitions constituent un sérieux obstacle à la solution à deux Etats préconisée par la communauté internationale puisqu’elles participent à la politique de déplacement forcé observée dans la région. Des zones entières ont été interdites d’accès aux Palestiniens car déclarées « zones militaires fermées » ou « réserves naturelles ».
Les autorités israéliennes imposent aux Palestiniens d’obtenir un permis pour construire en zone C mais elles les délivrent au compte-goutte. Entre 2009 et 2012, seulement 2,3% des demandes ont été approuvées, si bien que les habitants n’ont pas d’autres choix que de construire sans permis. Leurs structures sont alors considérées comme illégales par Israël qui justifie ainsi les destructions, malgré les garanties internationales.
Une accélération des démolitions en 2016
Au cours du premier trimestre 2016, 519 habitats et structures ont été détruits ou confisqués, dont plus de 120 structures financées par l’UE ; c’est plus que pour toute l’année 2015. 808 Palestiniens ont été laissés sans abris.
Le mois de février 2016 a connu un pic sans précédent : 234 démolitions ont été enregistrées, le plus haut chiffre jamais enregistré depuis que le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA) a commencé à documenter les démolitions en zone C.
Cette accélération de démolitions, ciblant particulièrement les structures financées par l’UE a été analysée comme une mesure de rétorsion israélienne après que la Commission européenne a publié la communication interprétative du 12 novembre 2015 sur l’étiquetage des produits des colonies.
Les structures ciblées sont des habitations mais également des structures indispensables au développement de la zone et à la subsistance des communautés : puits, abris pour bétail, serres, panneaux solaires... Il arrive régulièrement que les mêmes structures soient détruites plusieurs fois, et ces démolitions rendent les communautés dépendantes de l’aide humanitaire.
Demander des comptes
Devant cette violation manifeste du droit international humanitaire dommageable aux Palestiniens mais également à l’UE et à ses contribuables[1], des parlementaires européens proposent plusieurs actions. L’idée n’est pas de cesser l’aide humanitaire aux Palestiniens, ce qui est l’objectif d’Israël afin de les contraindre au départ, mais de demander des compensations aux autorités israéliennes pour les dommages financiers impliqués par les destructions, voire de demander des sanctions. Des parlementaires exigent également que des chiffres officiels soient publiés par l’UE sur les pertes engendrées par les démolitions.
Des discussions sur la question des compensations ont été impulsées au sein des Etats membres de l’UE et des négociations sont en cours entre l’UE et les autorités israéliennes ; une rencontre est prévue au ministère israélien des Affaires étrangères le 15 juin prochain.
[1] La destruction de biens mobiliers ou immobiliers par une puissance occupante est interdite par l’article 53 de la IVe Convention de Genève.
NB : le 8 juin 2016, Mme Mogherini répondait à une question parlementaire faisant état de 180 structures financées par le mécanisme ECHO (d’une valeur de 329 000€) détruites depuis 2009, et de 600 structures (d’une valeur d’environ 2,4 millions d’euros) sujettes à des ordres de démolition, de cessation de travaux ou d’expulsion.
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