Plateforme des ONG Françaises pour la Palestine

Comment j’ai essayé et échoué de donner des preuves à la police israélienne - le blog d’Anne Paq, photographe

14 mars 2011

Suite à la protestation la semaine dernière à Hébron au cours de laquelle un jeune journaliste palestinien appelé Mahmoud a été violemment arrêté par les forces israéliennes spéciales et accusé d’avoir jeté des pierres, on m’a demandé de faire une déclaration officielle à la station de la police israélienne à Hébron. J’avais des photos de l’arrestation, des vidéos de Mahmoud en train de prendre des photos au début de la protestation, et je pouvais clairement dire que j’étais à côté de lui juste avant son arrestation et qu’il n’avait pas jeter des pierres mais juste pris de photos. Il etait un photographe comme moi au milieu de l’action.

Je me suis aussi clairement rappelé que j’avais vu un jeune palestinien lancer des pierres juste à côté de nous avant de s’enfuir, juste quelques minutes avant que la police ne saute sur ce pauvre journaliste palestinien qui n’y etait pour rien.

Je me suis donc rendue sans hesitations à Hébron pour que la police prenne mon temoignage, et j’avais deja envoyé mes photos et videos à l’avocat. La premiere audience etait fixée pour le lendemain. J’étais accompagnée par Joe, un membre du CPT, un groupe basé à Hébron et Tuwani. Il avait aussi des photos à donner.

Nous avons dû prendre un taxi jusqu’à la station de police pour se retrouver devant un grand portail fermé. Je parie que le poste de police n’a pas le meme visage du côté des colons.
Un policier israélien était derrière la grille, mais ne pouvait pas parler anglais. Une fois qu’il a compris ce que nous voulions, il est parti pour revenir quelques minutes après avec une autre personne en civil, qui a commencé tout de suite à nous crier dessus que l’affaire était close et que tous les éléments de preuve avaient été déjà envoyé au procureur. Nous avons insisté que nous voulions témoigner et que le cas n’était pas clos. Il nous a répondu, encore en criant, que ce n’était pas possible, et qu’il n’y avait aucune preuve supplémentaire à donner. Ensuite, Joe a sorti sa camera, ce qui a déclenché la fureur du policier qui s’est mis à secouer frénétiquement le portail avant qu’il ne parte. Nous ne nous sommes pas découragés. Nous avons utilisé le seul moyen de contacter la station-un interphone. Ensuite, pendant les trois heures suivantes, nous avons multiplié en vain les tentatives. Parfois, la personne à l’interphone nous disait que le procureur viendrait bientôt, d’autres fois ils nous répondaient en hébreu et faisaient mine de ne pas comprendre.

Une autre fois, on nous a dit de composer un numéro de téléphone qui était à côté de l’interphone seulement pour découvrir que ce téléphone n’était pas connecté ! Un autre policier qui est venu s’occuper des Palestiniens qui attendaient aussi nous a déclaré que « bien sûr vous pouvez donner des preuves ». Mais plus tard, il nous a expliqué que le procureur était « très occupé » et qu’il ne travaillait pas pour nous. C’était assez ironique au vu de la pancarte sur le portail détaillant les procédures et finissant par « à votre service ». Nous avons également fait appel à [plusieurs organisations, y compris le CICR, qui a essayé de faire pression sur les autorités israéliennes afin nous laisser entrer...tout cela en vain.

La nuit arrivant, nous avons renoncé après que l’avocat nous ait dit lui-même de rentrer à la maison. L’expérience était bien évidement très frustrante, révoltante et ô combien emblématique de l’ensemble du système essayant de se parer d’une apparence légale - (« Bien sûr, vous pouvez témoigner !") tout en niant dans la réalité l’application des droits les plus fondamentaux.

Imaginez le cas dans votre pays : vous avez des preuves cruciales pour un cas pour lequel une personne risque des mois voire des années de prison et la police ne veut tout simplement pas prendre votre témoignage parce que cela contredit leur version. La mère de Mahmoud etait dévastée, elle pensait que notre témoignage permettrait à Mahmoud de rentrer à la maison le soir même.
Malgré la colère, je crois profondément que la justice prévaudra. Ce système corrompu et fondamentalement injuste tombera. Dans l’intervalle, de nombreux jeunes Palestiniens vont se trouver en prison pour rien.

Le lendemain, j’ai reçu un appel téléphonique : Mahmoud avait été libéré et toutes les accusations ont été rejetées. Une petite victoire et un grand sourire sur mon visage.


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