La Plateforme Palestine publie les chiffres-clés de l’année 2024 sur la colonisation israélienne en Territoire palestinien occupé.
La colonisation israélienne fait référence à l’implantation de populations civiles israéliennes dans les territoires occupés militairement par Israël après la troisième guerre israélo-arabe, dite « guerre des Six jours » de 1967. Les colonies sont aujourd’hui principalement situées en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, ainsi que sur le plateau du Golan. La colonisation est une violation grave du droit international, en particulier de l’article 49 de la Quatrième Convention de Genève de 1949 qui interdit à la puissance occupante de « procéder à la déportation ou au transfert d’une partie de sa propre population civile dans le territoire occupé par elle ». Toutes les colonies israéliennes sont illégales au regard du droit international.
Historique
En 1967, Israël occupe militairement plusieurs territoires : la Cisjordanie , la bande de Gaza , le Sinaï et le Golan. Le gouvernement israélien encourage alors l’installation de colons, d’abord à Jérusalem-Est puis dans toute la Cisjordanie, ainsi que dans la bande de Gaza et dans le Sinaï.
La colonisation s’accélère à partir de 1977 et l’arrivée du Likoud au pouvoir. A la suite de la signature des accords de Camp David avec l’Egypte en 1978, les colonies du Sinaï sont évacuées en 1982 et le Sinaï est restitué à l’Egypte.
Les accords d’Oslo de 1991 suscitent un espoir, mais la colonisation reprend et s’intensifie. La colonisation est l’une des principales causes de la seconde Intifada qui éclate en 2000.
Israël initie au début des années 2000 la construction du mur. En juillet 2004, la Cour internationale de Justice conclut à l’illégalité du mur construit par Israël en territoire palestinien, principalement parce que son tracé a été établi de façon à incorporer du côté israélien de nombreuses colonies, rendant 9,4 % de la Cisjordanie inaccessible à la population palestiniennne et annexant de facto 51 % des ressources en eau.
En 2005, les colonies de Gaza sont évacuées unilatéralement par l’armée israélienne En Cisjordanie la colonisation n’a depuis lors cessé de s’intensifier. Depuis 2018, la loi « Israël Etat-nation du peuple juif » indique que la colonisation est une valeur nationale d’Israël. L’État considère le développement de la colonisation juive comme une valeur nationale et agit pour encourager et promouvoir sa création et sa consolidation.
Population
Fin 2021, l’ONG israélienne B’Tselem comptait environ 280 colonies et avant-postes, tout aussi illégaux, (en excluant Jérusalem-Est des statistiques), dont 138 étaient officiellement reconnues par le gouvernement israélien. En mars 2022, selon les Nations Unies, le nombre de colons israéliens atteignait 710 000 (Jérusalem-Est compris). 3,2 millions de Palestiniens vivaient en Cisjordanie en 2022, Jérusalem-Est inclus.
Le taux de croissance de la population des colons a augmenté de 42% par rapport à 2010 et a augmenté de 222 % entre 2000 et 2021.
Beaucoup de colons israéliens sont des colons dits « économiques » attirés par le faible coût de l’immobilier dans les colonies et les aides de l’Etat pour s’y installer (qui peuvent représenter des centaines de milliers de shekels par famille). Certains colons ont aussi des motivations politiques et/ou religieuses. Les recherches archéologiques cherchant à prouver la présence passée de personnages bibliques sur un lieu précis sont ainsi régulièrement le prétexte à l’installation de nouvelles colonies.
De plus, beaucoup de colonies s’installent dans la vallée du Jourdain. L’installation des colonies s’insère dans le projet colonial de peuplement et d’avant-postes militaires visant à établir des colonies dans ce secteur stratégique, le long du Jourdain. Les terres de la vallée du Jourdain sont particulièrement fertiles et il est possible d’en retirer des bénéfices économiques importants.
En 2023, l’Agence juive estimait qu’environ 130 000 Français juifs seraient partis s’installer en Israël depuis 1948.
Les colonies
Le rythme de la colonisation a atteint des niveaux records en 2023, selon un rapport publié par la représentation de l’Union européenne dans les territoires palestiniens occupés en août 2024. Des permis de construire ont ainsi été accordés par les autorités israéliennes pour 12 349 logements en Cisjordanie, territoire palestinien occupé depuis 1967 – un chiffre annuel jamais atteint depuis la signature des accords d’Oslo en 1993. A Jérusalem-Est, ce sont 18 333 logements qui ont reçu un permis de construire dans la partie palestinienne de la ville, annexée par Israël en 1967.
En 2022, et sur l’année 2021, le Palestinian Central Bureau of Statistic (PCBS) comptabilisait 483 sites occupés, dont plus précisément 151 colonies, 163 avant-postes, 25 avant-postes reconnus comme colonies et 144 autres constructions, comme des bases militaires.
La bande de Gaza a abrité des colonies jusqu’en 2005, année lors de laquelle le gouvernement israélien a décidé unilatéralement de les démanteler. On y comptait avant cette date 21 colonies et plus de 9 000 colons. La plupart sont par la suite allés habiter dans les colonies de Cisjordanie occupée.
En zone C, toute construction palestinienne est conditionnée à l’obtention d’un permis de construire attribué par la puissance occupante. Selon l’ONG israélienne Peace Now en 2021, ce sont seulement 10 permis de construire pour des unités de logements qui ont été délivrés, contre environ 2 000 chaque année pour les Israéliens dans les colonies.
Destructions de bâtiments et d’infrastructures
Les violations des droits humains et du droit international sont permanentes pour la population palestinienne, avec notamment les menaces de destruction de leurs propriétés. En 2022, le bureau des Nations Unies de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) recensait 954 destructions de structures dont 82 % ayant eu lieu en zone C et 15 % à Jérusalem-Est. Ces démolitions entraînent des conséquences importantes : elles ont engendré le déplacement de 1032 personnes.
Depuis début 2023, et en date du 18 avril 2023, 291 structures ont déjà été démolies, engendrant le déplacement de 415 personnes.
La destruction de biens mobiliers ou immobiliers par une puissance occupante est interdite par l’article 53 de la Quatrième Convention de Genève.
Les personnes inquiétées par une démolition peuvent également être contraintes de payer une amende et/ou de régler des frais de démolition. En 2020, l’OCHA a d’ailleurs mentionné dans un rapport que les modalités avaient changé. Désormais, les amendes en raison d’une absence de permis de construction pour les Palestiniens peuvent s’élever jusqu’à 300 000 shekels israéliens soit environ 76 000 euros.
De plus, parmi toutes les structures palestiniennes ciblées par des ordres de démolition par les autorités israéliennes à Jérusalem-Est en 2020, 47 % ont été démolies par les propriétaires eux-mêmes (un chiffre qui a plus que doublé par rapport aux années précédentes) pour éviter des sanctions plus lourdes et/ou des coûts supplémentaires.
Enfin, l’armée israélienne a repris en 2009 les démolitions en zone A et B comme punitions collectives (interdites par les Conventions de Genève) sur les familles de combattants palestiniens, une pratique qu’elle avait pourtant abandonnée en 2005.
Les violences de l’armée et des colons israéliens
Selon l’OCHA, sur l’année 2023, 509 Palestiniens ont été tués en Cisjordanie. Les colons étaient rarement directement impliqués dans ces décès (23 en 2023), mais peuvent être impliqués dans des violences physiques ou contre des biens. Par ailleurs, au total, 13 021 Palestiniens ont été blessés en Cisjordanie, dont 2559 dans des incidents liés aux colons.
Les colons israéliens sont protégés par le gouvernement et les soldats israéliens. Beaucoup de colons sont armés et n’hésitent pas à harceler les Palestiniens. L’armée israélienne prête systématiquement main-forte aux colons, arrêtant violemment les Palestiniens qui tentent de défendre leurs terres. Selon des chiffres publiés par l’ONU, on dénombrait en mars 2024 au moins 603 attaques de colons contre des Palestiniens depuis le 7 octobre 2023, ce qui a occasionné le déplacement de 1222 personnes de 19 communautés d’éleveurs en raison des violences exercées par les colons. D’après l’OCHA, le nombre d’incidents marqués par des violences de colons a explosé, passant de 96 cas en 2016 à 1189 cas en 2023.
Face à ces violences, l’impunité est totale. Selon le rapport mondial 2023 de Human Right Watch, ainsi que l’ONG israélienne Yesh Din, moins de « 1 % des plaintes déposées par des Palestiniens en Cisjordanie, pour des abus commis par les forces israéliennes entre 2017 et 2021, ont mené à des inculpations ». Un rapport de l’ONG Yesh Din indique que depuis 2005, seuls 3 % des dossiers d’enquête ouverts sur des infractions à motivation idéologique commises par des Israéliens à l’encontre de Palestiniens en Cisjordanie ont abouti à une condamnation. 93,7 % des dossiers d’enquête ont été clôturés sans mise en accusation entre 2005 et 2023. Les Palestiniens ne portent souvent pas plainte. 37,6 % des Palestiniens qui ont contacté Yesh Din entre 2016 et 2023 ont choisi de ne pas porter plainte. Les chiffres de la police indiquent une discrimination dans l’application de la loi israélienne dans le territoire palestinien occupé : en 2022, aucun acte d’accusation n’a été dressé contre des Israéliens ayant porté atteinte à des Palestiniens en Cisjordanie. En revanche, 10 actes d’accusation ont été déposés contre des Israéliens ayant porté atteinte à des membres des forces de sécurité et à d’autres non-Palestiniens.
Par ailleurs, les Palestiniens de Cisjordanie sont soumis au droit de l’occupation militaire, pour lequel le droit fondamental à la régularité des procédures n’est pas respecté. Le taux des verdicts de culpabilité approche les 100 % dans ces tribunaux militaires.
Économie et produits des colonies
L’occupation israélienne, illégale au regard du droit international, sur les terres riches de la Cisjordanie et de la Vallée du Jourdain, rapporte gros à Israël. Entre 2000 et 2020, les Nations Unies ont évalué à 628 milliards de dollars, soit 30 milliards de dollars par an, les contributions des colonies à l’économie israélienne. Cela représente 2,7 fois le PIB palestinien durant cette période.
Une importante vie économique s’est déployée ces dernières décennies au sein des colonies israéliennes, particulièrement florissante dans le domaine de l’agriculture dans la vallée du Jourdain, avec une production estimée à environ 100 millions d’euros par an en 2012.
Un rapport de la Banque mondiale en 2013 indiquait que l’activité économique dans les colonies israéliennes en Cisjordanie représentait environ 4 % du produit intérieur brut (PIB) d’Israël à cette époque.
En 2021, la CNUCED a déclaré que si les restrictions en Cisjordanie avaient été moins strictes après septembre 2000, date de la deuxième intifada, alors le PIB de la Cisjordanie aurait été en moyenne supérieur de 35 %.
En 2019, l’ONU estimait le nombre de travailleurs palestiniens dans les colonies israéliennes à 30 000.
Beaucoup de produits venant des colonies israéliennes sont exportés sur le marché international, et particulièrement sur le marché de l’Union européenne (UE).
Les entreprises installées dans les colonies sont bien avantagées grâce aux aides gouvernementales, aux loyers bas mais aussi aux taux d’impositions favorables ou encore par l’accès à la main-d’œuvre bon marché palestinienne, permettant le renforcement et la perpétuation de l’occupation illégale.
L’UE est le premier partenaire commercial d’Israël avec 29,3 % de ses échanges de biens en 2020.
En 2021, l’UE a importé des biens depuis Israël pour une valeur de 12,6 milliards d’euros.
De nombreuses entreprises israéliennes et étrangères sont impliquées dans la colonisation.
Des entreprises françaises complices de la colonisation
En 2020, le haut-commissariat aux droits de l’Homme de l’ONU a inscrit trois entreprises françaises sur une base de données de 112 entreprises liées directement ou indirectement aux colonies israéliennes : Alstom, Egis et Egis rail.
En novembre 2022, c’est le groupe français Carrefour qui s’est associé à deux entreprises Israéliennes dans le cadre d’un accord de franchise avec des enseignes de distribution présentes en Israël, mais également dans les colonies, toujours de façon contraire au droit international. Après les protestations d’associations de la société civile dont la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine, l’entreprise a finalement décidé de maintenir sa présence en Israël mais pas dans les territoires occupés. Les deux entreprises israéliennes (Electra Consumer Products et Yenot Bitan) avec lesquelles Carrefour a conclu un accord de franchise participent activement au renforcement des colonies (construction de logements et infrastructures…) et exploitent des magasins dans les colonies israéliennes.
Plusieurs autres entreprises françaises sont ou ont effectivement été impliquées dans la colonisation israélienne :
Orange : En juin 2016, après la publication d’un rapport intitulé « Les liaisons dangereuses d’Orange dans le Territoire palestinien occupé », en lien avec une mobilisation citoyenne et syndicale Orange a mis fin à son contrat avec une entreprise israélienne (Partner Communications). Cependant entre 2010 et 2016, Orange a bel et bien participé à renforcer l’installation des colonies.
Jusqu’en 2018, Systra était également engagée dans l’extension du tramway reliant Jérusalem-Ouest aux colonies situées à l’Est de la ville. Elle s’est retirée à la suite des pressions d’ONG dont la Plateforme en lien avec les syndicats de l’entreprise.
L’entreprise Alstom s’était retirée arguant du droit international et sous la pression des ONG mais y est revenue par le rachat de Bombardier entreprise canadienne opérant sur ce tramway colonial. Les ONG dont la Plateforme et des syndicats continuent d’interpeller les entreprises françaises et européennes participant aux extensions de ce tramway, ainsi que les autorités politiques qui devraient faire respecter la position de la France et de l’UE contre l’occupation, la colonisation et l’annexion de Jérusalem-Est.
En 2021, 672 institutions financières européennes ont prêté ou investi 255 milliards de dollars au bénéfice de 50 entreprises activement impliquées dans les colonies israéliennes illégales. Parmi elles figurent quatre banques françaises – BNP Paribas, Société générale, Crédit agricole, BPCE - et la société AXA.
Investissements publics
L’Etat israélien a une politique particulièrement encourageante au regard des colonies. En 2015, il offrait aux colons des avantages fiscaux tels qu’une réduction de taxes de 7 %, une prise en charge des frais de transport à hauteur de 75 %, l’école gratuite, des subventions sur des prêts (parfois jusqu’à 95 % du prix), mais également une protection via l’armée israélienne.
Le gouvernement cherche à peupler ces nouvelles colonies et va donc favoriser leur émergence via le raccordement à l’électricité, des installations routières, des prêts immobiliers à taux avantageux ou un prix de l’immobilier plus bas.
Les aides allouées aux entrepreneurs ou paysans s’installant dans les colonies peuvent aller jusqu’à 1 million de shekels (environ 260 000 euros) pour une seule personne, même lorsqu’ils s’installent sans autorisation officielle.
Fin 2020, le gouvernement israélien a annoncé l’allocation d’un nouveau budget de 20 millions de shekels (environ 5,12 millions d’euros) pour contrôler et cartographier les zones et les constructions palestiniennes. Un pas de plus vers l’annexion de facto de ce territoire, où les autorités israéliennes multiplient les démolitions illégales.
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