Chaque année en octobre, c’est la période de récolte des olives en Cisjordanie. Un événement qui exacerbe les tensions entre Palestiniens et colons Israéliens. Deux agriculteurs, soutenus par Première Urgence Internationale, témoignent des attaques qu’ils ont subies.
Nasser Qadous, ouvrier du bâtiment de 51 ans, vit à Burin, près de Naplouse, dans le nord de la Cisjordanie. Père de cinq enfants, il possède des terres agricoles dans le village, où il cultive des olives. Le matin du 6 octobre, alors qu’il allait récolter sa production, il découvre que ses oliviers ont été vandalisés. « On a attaqué mon terrain, sur lequel j’avais planté des jeunes plants d’olivier. Des arbres ont été coupés et détruits à l’aide d’une scie électrique », raconte-t-il. Heureusement, personne ne travaillait sur le terrain ce matin-là, donc personne n’a été blessé. Mais Nasser a subi une énorme perte financière. Le coût pour replanter ces jeunes oliviers, ainsi que tous les revenus futurs qu’ils auraient générés avec sa production. « En plus des jeunes arbres, j’ai également perdu neufs oliviers âgés de 60 ans, qui auraient pu produire environ 500 kg d’olives. Cela équivaut à une perte de 2 500 NIS [650 euros] par an », estime l’agriculteur.
C’est la deuxième fois que Nasser subit une attaque ciblant ses terres et ses arbres. Il y a cinq ans, une partie du même terrain avait brûlé dans une attaque, endommageant de nombreux arbres qu’il avait plantés. « Les attaques à Burin s’aggravent », constate l’agriculteur palestinien. « Une fois par semaine au moins, il y a quelqu’un, ou une famille, qui est attaqué dans le village. »
Les équipes de Première Urgence Internationale ont également rencontré Ahmad Najjar, un agriculteur de 63 ans originaire lui-aussi de Burin. Ahmad a découvert, le 6 octobre, que son oliveraie avait été vandalisée. « On a saccagé mes arbres à l’aide d’une scie électrique », témoigne Ahmad. « J’ai perdu 28 jeunes plants d’olives. Nous les avions plantés et irrigués de façon continue au cours des quatre dernières années. Notre famille espérait en tirer profit… En vain. Je ne sais pas si je vais replanter de nouveaux arbres, car la menace d’attaques est toujours présente. »
Le village palestinien de Burin vit en effet sous la menace constante d’attaques de ce genre. Plusieurs colonies israéliennes, toutes construites en violation du droit international, encerclent la vallée de Naplouse. Les populations des villages palestiniens en contrebas subissent des violences récurrentes de la part de leurs voisins, recensées par le Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA)
C’est la première fois qu’Ahmad subit des dégâts matériels. En revanche, les abus des colons l’ont déjà affecté par le passé. « La situation empire, les colons brûlent et saccagent nos cultures de plus en plus souvent. L’accès à certaines des terres est maintenant dangereux. Lorsque je dois aller travailler à l’est du village, je n’y vais pas seul, j’appelle généralement certaines personnes pour me rejoindre, parce que les colons nous attaquent avec des pierres chaque fois qu’ils voient un fermier. Avec cette dernière attaque, je dois dorénavant être encore plus prudent », a-t-il expliqué.
La violence des colons israéliens n’est pas un phénomène aléatoire en Cisjordanie. Les colons ciblent principalement les villages palestiniens situés à proximité de leur colonie ou de leur avant-poste. Comme Burin, situé à proximité des colonies d’Yitzhar et d’Itamar, réputées pour leur violence. Le but de ces attaques est de décourager les Palestiniens à cultiver leurs terres, pour les pousser à les abandonner. De cette manière, les colons peuvent ensuite occuper ces terres et les revendiquer pour eux-mêmes, agrandissant ainsi la colonie. Nasser est l’un de ces propriétaires qui risquent de perdre une partie ou la totalité de ses terres. « Je possède aussi des terres à l’est de Burin, mais je n’y ai pas accès, à cause de la menace persistante des colons. »
D’après les statistiques de l’Union Européenne, 413 000 colons résident illégalement en Cisjordanie. La fréquence et l’intensité de leurs attaques augmentent depuis trois ans. Certaines attaques entraînant la mort de Palestiniens. Les autorités israéliennes ignorent ou encouragent ces attaques. L’application de la loi dans ces régions est entre les mains de l’armée israélienne. Néanmoins, les soldats israéliens n’interviennent pas lors des attaques de colons. Voire, dans certains cas, ont été documentés en train d’aider les colons.
Selon l’ONG Yesh Din, 93% des plaintes palestiniennes déposées contre les attaques de colons sont abandonnées. En effet, la police abandonne les charges sans qu’aucune inculpation ne soit prononcée. Quand on a demandé à Nasser s’il déposerait une plainte auprès de la police israélienne. Ce dernier a répondu qu’il était « inutile de porter plainte ».
La violence des colons à l’encontre des Palestiniens et en augmentation depuis 2016 et se poursuit en 2019. De début janvier à fin septembre, Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) de l’ONU a enregistré 236 incidents, qui ont fait des blessés ou des morts (54 incidents) ou endommagé des propriétés (182 incidents). Ces incidents ont entraîné la mort de deux palestiniens et au moins 74 blessés. La violence des colons envers les biens palestiniens a également causé des dégâts à, – voire détruit- , 4 870 arbres et 263 véhicules cette année.
Lors de la rédaction de ce rapport, les équipes de Première Urgence Internationale ont été informées d’une autre attaque ciblant le même village, deux jours plus tard. Un incendie provoqué par les colons israéliens a brûlé plus de 70 oliviers, avant que les pompiers palestiniens ne parviennent à l’éteindre.
Première Urgence Internationale vient en aide aux victimes de ces attaques, pour renforcer leur sécurité et leurs moyens d’existence. Vous pouvez soutenir nos actions en faisant un don. Vos dons sont les garants de notre liberté d’action, et garantissent notre indépendance.
Visuel : Arbres coupés à la scie, incendies… Les terres palestiniennes sont victimes d’attaques récurrentes. | © Première Urgence Internationale, octobre 2019.
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