Paris, le 18 novembre 2019
Monsieur le Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères,
Nos organisations sont extrêmement préoccupées par la situation actuelle dans la bande de Gaza ainsi que la réaction officielle du gouvernement français.
Si la France rappelle dans son communiqué du 13 novembre 2019 « les obligations de protection des civils et de respect du droit international humanitaire », « exprime sa solidarité aux populations touchées » et appelle à une « levée du blocus », elle commence son communiqué en condamnant « les tirs de roquettes qui visent depuis hier des zones habitées du territoire israélien depuis la Bande de Gaza » sans condamner à aucun moment les bombardements israéliens sur la bande de Gaza qui ont déjà provoqué la mort de 34 personnes dont une famille de 8 personnes, y compris des enfants. Plus d’une centaine de personnes ont été blessées et des structures civiles ont été ciblées par des bombardements, dont un bâtiment hébergeant une organisation de droits de l’Homme.
L’usage de la force indiscriminée par les autorités israéliennes contre des personnes ou bâtiments civils est une violation flagrante du droit international humanitaire (principes de distinction, de précaution et de proportionnalité exigés par le Protocole additionnel I aux Conventions de Genève). Le commandement d’une telle action est également illégal. Selon la IVe Convention de Genève (article 147), les actes commis peuvent être constitutifs de crimes de guerre et, comme l’a rappelé Fatou Bensouda, procureur de la Cour pénale internationale, les personnes ayant commis et commandé un acte constitutif d’un crime de guerre peuvent être poursuivies par la Cour (article 8 du Statut de Rome).
Cette attaque intervient dans un contexte très préoccupant à Gaza où la population vit sous blocus – une punition collective illégale selon l’article 33 de la IVe Convention de Genève – depuis 12 ans et la catastrophe humanitaire empire de jours en jours.
Depuis mars 2018, l’armée israélienne n’a cessé de réprimer de manière indiscriminée des civils qui manifestent pacifiquement chaque vendredi près de la clôture militarisée qui sert de frontière avec Israël. Selon l’association de droits de l’Homme Al Mezan sur place, 214 Palestiniens ont été tués, près de 19 000 blessés dont 9 425 par balles réelles. Un seul soldat israélien a été inculpé et condamné à un mois de travaux d’intérêt général, malgré les nombreux appels à une enquête indépendante (des Nations unies, de l’Union européenne, d’Amnesty International ou encore Human Rights Watch).
Nous demandons au gouvernement français de prendre toutes les mesures nécessaires pour qu’Israël respecte le cessez-le-feu mis en place le 14 novembre 2019, cesse durablement ses opérations militaires dans la bande de Gaza et prenne des engagements en direction d’une levée complète du blocus, la seule solution qui pourra ramener la paix et la sécurité dans cette zone.
Nous appelons également la France à :
• appeler à l’ouverture d’une enquête indépendante et impartiale sur l’utilisation d’armes létales - et possiblement de munitions non conventionnelles - contre des civils désarmés ;
• demander, au sein des institutions européennes, l’exclusion des entreprises militaires israéliennes des programme européens comme Horizon Europe. En effet, la participation d’Israël aux programmes-cadres de l’Union européenne pour la recherche et le développement technologique permet l’apport de soutiens financiers européens à des industries militaires telles que Elbit et Israel Aerospace Industries, les deux principaux fournisseurs de drones à l’armée israélienne complices des crimes de guerre israéliens.
• concourir à mettre un terme à l’impunité des autorités israéliennes au moyen notamment d’un soutien affirmé à des mécanismes juridiques internationaux tels que la Cour Pénale Internationale.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, l’assurance de notre profonde considération.
M. François Leroux, Président de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine
Lire la réponse de Jean-Yves Le Drian
Voir aussi le courrier envoyé au Président de la République.
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