75 ans après la Nakba, 44 organisations, dont la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine, appellent à reconnaître et à rejoindre le mouvement des droits de l’Homme qui dénonce l’apartheid imposé au peuple palestinien.
Soixante-quinze ans ont passé depuis que le peuple palestinien a fait l’objet d’un nettoyage ethnique et a été expulsé de force de ses maisons, de ses terres et de ses biens sur sa terre ancestrale lors de la Nakba de 1948 (qui signifie « catastrophe » en arabe). La société palestinienne a été décimée durant la Nakba, 531 villages palestiniens ont été détruits et plus de 70 massacres ont été perpétrés contre des civils innocents, tuant plus de 15 000 Palestiniens entre 1947 et 1949. L’héritage de la Nakba est qu’environ deux tiers du peuple palestinien sont devenus des réfugiés en 1948 et autour de cette date, et qu’un quart de ceux qui sont restés dans la zone de la Palestine historique ont été déplacés à l’intérieur du pays et se sont vus refuser le droit de retourner dans leurs villages, leurs villes et leurs cités d’origine depuis cette période.
Depuis 1948, Israël a établi un régime de domination et d’oppression raciale sur le peuple palestinien, principalement dans les domaines de la nationalité et de la terre. Immédiatement après la Nakba, Israël a adopté une série de lois, de politiques et de pratiques qui ont scellé la dépossession du peuple palestinien autochtone, refusant systématiquement le retour des réfugiés palestiniens et des autres Palestiniens qui se trouvaient à l’étranger au moment de la guerre. Dans le même temps, Israël a imposé un système de discrimination raciale institutionnalisée aux Palestiniens restés sur le territoire, dont beaucoup avaient été déplacés à l’intérieur du pays. Ces lois israéliennes ont constitué l’architecture juridique de l’apartheid israélien qui continue d’être imposé au peuple palestinien aujourd’hui.
La loi de 1950 appelé loi de « propriété des absents » est devenue le principal instrument juridique de dépossession. Israël l’a utilisée pour confisquer les biens des réfugiés palestiniens et des personnes déplacées, qui étaient considérés comme « absents » bien que l’État refuse leur retour. Soixante-quinze ans plus tard, cette loi sur la « propriété des absents » continue de favoriser la judaïsation par Israël de certaines parties de la Cisjordanie, y compris la ville de Jérusalem, et d’altérer son caractère, sa composition démographique et son identité palestiniens.
A leur tour, la loi sur le retour de 1950 et la loi sur la citoyenneté de 1952 ont cimenté la discrimination raciale institutionnalisée par Israël dans la loi. Établissant la domination, à la fois en droit et en pratique, Israël a accordé à chaque Juif le droit exclusif d’entrer dans l’État en tant qu’immigrant et d’obtenir la citoyenneté. Dans le même temps, les réfugiés palestiniens se sont vu refuser catégoriquement leur droit au retour, à leurs maisons, à leurs terres et à leurs biens dont ils ont été illégalement dépossédés.
Ces lois israéliennes constituent le fondement juridique de l’apartheid israélien, perpétuant sa domination et son oppression raciales systématiques sur tous les Palestiniens des deux côtés de la ligne verte, ainsi que sur les réfugiés et les exilés. Sept décennies et demie plus tard, Israël a stratégiquement fragmenté le peuple palestinien en au moins quatre domaines géographiques, juridiques, politiques et administratifs distincts afin d’imposer et de maintenir l’apartheid. La fragmentation stratégique du peuple palestinien par Israël garantit qu’il ne peut pas se réunir, se regrouper, vivre ensemble ou exercer ses droits collectifs, en particulier son droit à l’autodétermination et à la souveraineté permanente sur ses ressources naturelles. La fragmentation stratégique est encore renforcée par la fermeture illégale et le blocus de la bande de Gaza, le mur d’annexion et le régime de permis israélien composé de checkpoints et d’autres barrières physiques qui entravent gravement la liberté de mouvement des Palestiniens.
Alors que nous commémorons les 75 ans depuis la Nakba, le gouvernement israélien poursuit son annexion de jure et de facto de la Cisjordanie, ce qui représente la continuation du vol des terres, du pillage et du déplacement des Palestiniens par Israël à travers le maintien de son apartheid. Comme l’ont réaffirmé les rapporteurs spéciaux successifs des Nations unies sur la situation des droits de l’Homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, la poursuite des plans d’annexion d’Israël témoigne de l’apartheid israélien du XXIe siècle, laissant dans son sillage la disparition du droit des Palestiniens à l’autodétermination.
Les crimes de la Nakba, notamment le nettoyage ethnique et l’expulsion des réfugiés palestiniens, la destruction massive des biens palestiniens, les massacres et le déni prolongé du droit au retour des réfugiés palestiniens, n’ont jamais fait l’objet de poursuites ou de réparations. Il y a tout juste cinq ans, les forces d’occupation israéliennes, appliquant leur politique du « tirer pour tuer » ont tué en masse une soixantaine de manifestants palestiniens non armés dans la bande de Gaza, à la veille de la 70e commémoration de la Nakba. Les injustices de la Nakba et le déni permanent du droit au retour ont conduit à la grande marche du retour, des manifestations civiles organisées tous les vendredis à Gaza pendant deux ans, qu’Israël a réprimées par la force meurtrière, en toute impunité.
Cette année, alors que les Palestiniens commémorent la 75e Nakba, le gouvernement le plus à droite et le plus raciste d’Israël intensifie son oppression du peuple palestinien, notamment par des raids quotidiens et des exécutions extrajudiciaires en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est. Le 9 mai, Israël a mené pendant cinq jours un terrible assaut militaire non provoqué sur la bande de Gaza, assiégée depuis 16 ans, en prenant pour cible des bâtiments résidentiels, ce qui a entraîné la mort de 33 civils palestiniens, certains dans leur sommeil, dont six enfants et quatre femmes. En outre, 147 autres personnes ont été blessées, dont 48 enfants et 26 femmes.
A l’occasion de la Journée de la Nakba, nous appelons les États, les Nations Unies, les organisations internationales et les organisations de la société civile du monde entier à prendre des mesures juridiques et politiques efficaces pour traduire en justice devant la Cour pénale internationale (CPI) les auteurs présumés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité en Palestine. Le procureur de la CPI, M. Karim Khan, doit accélérer son enquête et commencer à délivrer des mandats d’arrêt, et rendre justice aux palestiniens victimes de crimes de masse atroces.
À ce stade critique de la lutte palestinienne pour l’autodétermination, il est également nécessaire de soutenir l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) jusqu’à ce qu’une solution durable soit trouvée à la question des réfugiés palestiniens, sur la base de la pleine réalisation des droits de l’Homme inaliénables du peuple palestinien.
Enfin, nous appelons toutes les parties prenantes à reconnaître et à rejoindre le mouvement des droits de l’Homme qui cristallise le consensus selon lequel la situation sur le terrain est celle d’un apartheid imposé au peuple palestinien. Il existe de nombreuses voies possibles vers un avenir juste, mais aucune ne devrait être fondée sur l’occupation permanente, le colonialisme de peuplement et la domination et l’oppression d’un groupe de personnes sur un autre. L’apartheid n’a pas sa place dans notre monde et l’apartheid israélien doit être démantelé maintenant.
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