Gaza (Territoires palestiniens) (AFP) - Dans la bande de Gaza, sous blocus israélien et égyptien, on a rarement de l’électricité. Mais on a de l’humour. De l’humour noir.
Un groupe de jeunes comédiens gazaouis a récemment posté sur YouTube un pastiche d’une publicité pour une marque automobile dans laquelle la star belge bodybuildée Jean-Claude Van Damme fait le grand écart entre deux semi-remorques en train de rouler.
Dans la version palestinienne, Mahmoud Zouiter, un acteur de 28 ans, exécute du mieux qu’il peut la même cascade, avec il est vrai moins de risques puisque les deux voitures avancent au ralenti, poussées par ses comparses, faute de carburant.
« Van Damme n’est pas forcément meilleur que moi, mais le problème c’est qu’il n’y a pas d’essence en ville », ironise la voix off de l’artiste.
A Gaza, rappelle-t-il, « l’électricité est coupée 12 heures par jour et quand il y a du courant, il n’y a pas d’eau. J’aimerais bien prendre une douche »....
La vidéo « Vandam Gaza » (sic) a dépassé le demi-million de vues.
« On a utilisé le clip de Van Damme qui est connu dans le monde entier pour envoyer un message. Parce que le monde entier est responsable de la crise à Gaza », explique à l’AFP Mahmoud Zouiter, originaire du camp de réfugiés de Deïr al-Balah, dans le centre du territoire palestinien.
Depuis, Tashweesh (« brouiller » en arabe), le groupe de comédiens indépendants qu’il a lancé en mai 2013 - le premier du genre à Gaza - est devenu célèbre dans l’enclave palestinienne et au-delà.
Ils sont six, tous bénévoles, qui produisent des scénarios, des sketches et des clips pour la télévision palestinienne - « avec une caméra à 6.000 shekels (1.200 euros, NDLR) importée d’Egypte ».
Un mélange de critique sociale, de satire et d’agitprop, toléré par le mouvement islamiste Hamas au pouvoir à Gaza, qui fait le « buzz » sur les réseaux sociaux.
« On pleure et on plaisante en même temps. Mais il est facile de pleurer, difficile de plaisanter », souligne Mahmoud Zouiter.
« La crise de Gaza nous pousse à être créatifs. On n’a pas de matériel mais on a de la matière grise, et on n’a pas besoin d’argent pour avoir de bonnes idées. L’argent, ça va, ça vient », philosophe cet infirmier de formation, diplômé en arabe et en communication.
« On n’a rien à perdre, de toute façon, on parle pour tous les Palestiniens, surtout les jeunes. La comédie est un moyen d’exprimer leur frustration, de faire la paix », ajoute-t-il.
’Une nouvelle couleur’
Mahmoud Zouiter qui ne peut, ni ne veut aller dispenser ses talents en Israël préfère être « une sorte d’ambassadeur de la Palestine » plutôt qu’un militant politique.
Il n’est pas le seul à Gaza à se servir de l’humour noir - qu’il compare à une « nouvelle couleur » dans le tableau tragique palestinien - afin de rassembler son peuple et attirer l’attention au dehors.
Les sujets ne manquent pas, outre le blocus et le conflit avec Israël : les enfants exploités, le sort des handicapés, les mariages précoces, le coût exorbitant des noces ou la corruption locale.
« Ici, mieux vaut être célibataire pour bien vivre. Et si tu veux être riche, achète-toi une municipalité ! », lance un autre humoriste gazaoui, Islam Ayoub, jovial et populaire chanteur de mariages, père de six enfants.
Dans une de ses chansons, il se gausse de la pénurie de ciment à Gaza, sur le thème : « Mais avec quoi va-t-on construire nos tombes ? ».
« Pour la première fois à Gaza, on peut vaincre tous les obstacles, tous les checkpoints et briser le siège grâce aux nouvelles technologies », se félicite Nabil al-Khatib, scénariste et directeur d’une société de production TV, proche du Hamas.
« On ne veut pas parler politique, même si on ne peut pas ignorer complètement les politiciens. Tout est politique, même notre pain, mais au bout du compte notre message est humanitaire et l’art est le bon vecteur », plaide-t-il lors d’une interview réalisée à la lueur d’une chandelle.
L’humour est également de rigueur en Cisjordanie occupée, où un groupe de jeunes a récemment lancé une campagne pour inciter les Palestiniens à rire de tout ce dont ils pourraient pleurer : la corruption, les divisions palestiniennes ou les barrages israéliens...
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