Lundi 13 juillet 2020, 83 organisations de la société civile palestinienne, régionale et internationale de 16 pays ont soumis un appel urgent commun aux procédures spéciales de l’Organisation des Nations unies (ONU) concernant l’exécution extrajudiciaire et l’homicide volontaire d’Ahmad Mustafa Erekat, 26 ans, par les forces d’occupation israéliennes, en coopération avec la famille Erekat, demandant instamment que la justice internationale et la responsabilité de la politique israélienne de « tirer pour tuer » visant les Palestiniens soient établies.
Le mardi 23 juin 2020, les forces d’occupation israéliennes ont tué Ahmad Erekat, 26 ans, un résident d’Abu Dis, à l’est de Jérusalem au checkpoint « Conteneur » en Cisjordanie occupée. Ahmad a été abattu par des soldats israéliens par la force létale, en l’absence de nécessité et sans qu’il ne représente une menace à leur vie ou des blessures graves. Il a ensuite été livré à lui-même pendant une heure et demie, saignant jusqu’à la mort tandis que les forces d’occupation israéliennes lui ont refusé l’accès aux soins médicaux malgré la présence d’une ambulance israélienne sur les lieux. Elles ont également empêché une ambulance du Croissant-Rouge palestinien d’atteindre Ahmad.
Ahmad appartenait à une fratrie de cinq enfants et avait une entreprise de t-shirts. Le mariage de sa sœur, pour lequel il faisait des courses et s’occupait des préparatifs de dernière minute, devait avoir lieu le même jour. La sœur d’Ahmad, Iman, portait déjà sa robe de mariée lorsqu’elle a appris que son frère avait été tué. Ahmad lui-même devait se marier avec Lubna en septembre. En mai, son mariage avait été reporté en raison de la COVID-19.
Le lendemain du meurtre d’Ahmad, le mercredi 24 juin 2020, l’armée israélienne a diffusé une vidéo montrant Ahmad percutant sa voiture au point de contrôle avant d’être abattu par les soldats israéliens. Dans les premières images diffusées, Ahmad est flou lorsqu’il sort de sa voiture. En rendant Ahmad flou, les forces d’occupation israéliennes semblent avoir cherché à jeter le doute sur les circonstances dans lesquelles il a été tué par balle. Ceci suit un schéma de tentatives de l’armée et des médias israéliens pour obscurcir la vérité sur l’usage généralisé et systématique de la force meurtrière par les forces d’occupation israéliennes contre les Palestiniens, notamment par le biais d’images vidéos inexactes cherchant à justifier les meurtres (1). Suite aux demandes de la famille d’Ahmad, l’armée israélienne a diffusé les images dans lesquelles Ahmad n’est pas flou. La deuxième vidéo montre clairement qu’Ahmad n’était pas armé et qu’il levait les mains en l’air, ne représentant aucune menace pour les soldats israéliens lourdement armés ou pour toute autre personne dans la zone.
Depuis son assassinat, le corps d’Ahmad a été retenu par les autorités d’occupation israéliennes à titre de punition collective illégale. Au début du mois de juillet 2020, 63 corps de Palestiniens continuent d’être retenus par les autorités d’occupation israéliennes, privant les victimes palestiniennes d’un enterrement digne et approprié tout en prolongeant les souffrances de leurs familles comme traitement cruel, inhumain et dégradant.
Cet appel conjoint urgent aux procédures spéciales des Nations unies demande aux rapporteurs spéciaux des Nations unies de condamner l’exécution extrajudiciaire et l’assassinat délibéré d’Ahmad Erekat par les forces d’occupation israéliennes et demande instamment à la justice internationale de rendre compte des violations généralisées et systématiques des droits de l’Homme commises contre le peuple palestinien.
Cet appel a été préparé à la suite d’une demande de la famille Erekat, qui a exhorté les organisations des droits de l’Homme et la société civile à faire appel conjointement aux procédures spéciales des Nations unies afin de plaider publiquement en faveur de la justice et de l’obligation de rendre des comptes pour Ahmad et tous les Palestiniens tués par les forces d’occupation israéliennes.
En vertu du droit international, le meurtre d’Ahmad Erekat constitue une exécution extrajudiciaire et un homicide volontaire, ce qui engage la responsabilité pénale individuelle pour crime de guerre devant la Cour pénale internationale (CPI). Ahmad est le 21e Palestinien tué par les forces d’occupation israéliennes dans l’ensemble du Territoire Palestinien occupé au cours du premier semestre 2020 (2). Moins d’un mois avant l’assassinat d’Ahmad, les forces d’occupation israéliennes ont tué Iyad Al-Hallaq à Jérusalem-Est occupée alors qu’il se rendait à un centre de jour pour personnes handicapées dans la vieille ville, ce qui équivaut à une exécution extrajudiciaire, un assassinat délibéré et un crime de guerre.
Les assassinats d’Ahmad Erekat et d’Iyad Al-Hallaq, ainsi que de nombreux Palestiniens, doivent être compris dans le contexte de la politique israélienne de « tirer pour tuer », généralisée et systématique, qui vise les Palestiniens des deux côtés de la Ligne verte. Dans l’ensemble, Al-Haq a documenté une escalade dans l’utilisation de la force meurtrière par Israël contre les Palestiniens au cours des cinq dernières années, ce qui a entraîné le meurtre de 754 Palestiniens par les forces d’occupation israéliennes dans le territoire palestinien occupé depuis octobre 2015 (3). L’impunité omniprésente d’Israël doit être considérée comme faisant partie intégrante de son régime institutionnalisé d’oppression raciale systématique et de domination sur le peuple palestinien, qui constitue le crime d’apartheid.
Depuis le meurtre, le corps d’Ahmad a été retenu par les autorités d’occupation israéliennes, une punition collective illégale, prolongeant ainsi les souffrances de sa famille et lui refusant un enterrement digne. Les forces d’occupation israéliennes continuent de retenir les corps de 63 Palestiniens, sous prétexte de les utiliser comme « monnaie d’échange ». De plus, les corps d’au moins 253 Palestiniens croupissent, sans avoir été identifiés, dans les « cimetières des nombres » d’Israël. En 2016, le Comité des Nations unies contre la torture a considéré que la pratique consistant à retenir les corps des Palestiniens équivalait à des mauvais traitements interdits, et a appelé Israël, la puissance occupante, à « prendre les mesures nécessaires pour restituer les corps des Palestiniens qui n’ont pas encore été rendus à leurs parents dès que possible afin qu’ils puissent être enterrés conformément à leurs traditions et coutumes religieuses, et pour éviter que des situations similaires ne se reproduisent à l’avenir » (4).
En conséquence, les organisations en ont appelé d’urgence à la justice internationale pour mettre fin à l’impunité israélienne et ont exhorté les experts des droits de l’Homme des Nations unies à condamner publiquement le meurtre d’Ahmad Erekat, à demander la libération inconditionnelle du corps d’Ahmad ainsi que des corps de tous les Palestiniens retenus à titre punitif par les autorités d’occupation israéliennes, et à appeler Israël, la puissance occupante, à réviser ses règles d’engagement pour l’utilisation de tirs réels.
Les organisations ont également appelé les procédures spéciales à « reconnaître que la politique israélienne de tir à volonté systématique contribue au maintien du régime d’apartheid israélien d’oppression raciale systématique et de domination sur l’ensemble du peuple palestinien, qui, inscrit dans un système d’impunité, empêche les Palestiniens de contester efficacement les politiques et pratiques d’apartheid d’Israël ». Comme le souligne la famille Erekat, « ces meurtres ont lieu dans un contexte plus large d’apartheid et d’expansion coloniale » (5).
Les organisations ont soutenu les appels de la famille Erekat en faveur de la justice internationale y compris pour la reconnaissance de la politique de « tirer pour tuer » d’Israël. Elles ont demandé que les procédures spéciales des Nations unies exhortent les États tiers à activer les mécanismes de juridiction universelle pour juger les auteurs présumés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité dans leurs propres juridictions, et à demander « l’ouverture immédiate, sans plus attendre, d’une enquête complète, approfondie et exhaustive de la CPI sur la situation dans l’État de Palestine ».
Enfin, les groupes ont exhorté « les États membres et l’ONU dans son ensemble à s’attaquer aux causes profondes qui prolongent l’oppression palestinienne, notamment en mettant fin à l’occupation prolongée et à l’annexion illégale de Jérusalem par Israël, en levant la fermeture de Gaza avec effet immédiat et en démantelant le régime d’apartheid d’Israël sur l’ensemble du peuple palestinien, afin de faire respecter les droits du peuple palestinien à l’autodétermination et au retour dans leurs foyers, sur leurs terres et dans leurs biens, comme le prévoit le droit international ».
Les organisations ont adressé leur appel à cinq rapporteurs spéciaux des Nations unies, dont le rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans le territoire palestinien occupé depuis 1967, le rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, le rapporteur spécial sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, le rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et le rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme.
Lire l’appel urgent conjoint en entier ici.
Coalitions palestiniennes
Palestinian Human Rights Organizations Council (PHROC), comprenant :
1. Addameer Prisoner Support and Human Rights Association
2. Al Mezan Center for Human Rights
3. Al-Haq – Law in the Service of Man
4. Aldameer Association for Human Rights
5. Defense for Children International (DCI) – Palestine
6. Hurryyat – Center for Defense of Liberties and Civil Rights
7. Jerusalem Legal Aid and Human Rights Center (JLAC)
8. Muwatin Institute for Democracy and Human Rights – Observer
9. Palestinian Centre for Human Rights (PCHR)
10. Ramallah Center for Human Rights Studies (RCHRS)
11. The Independent Commission for Human Rights (Ombudsman Office) – Observer
Palestinian Non-Governmental Organizations Network (PNGO), comprenant :
12. Al-Montada Cultural Forum Center
13. Alrowwad Cultural and Arts Society
14. An-Najda Society for the Development of Palestinian Women
15. Applied Research Institute-Jerusalem (ARIJ)
16. Arab Agronomists Association (AAA)
17. Arab Center for Agricultural Development (ACAD)
18. Early Childhood Resource Center (ECRC)
19. General Union of Palestinian Engineers
20. Human Rights and Democracy Center – SHAMS
21. MA’AN Development Center
22. MUSAWA – The Palestinian Center for the Independence of the Judiciary and the Legal Profession
23. Palestinian Center for Development and Media Freedoms – MADA
24. Palestinian Counseling Center (PCC)
25. Women’s Studies Centre (WSC)
26. Women’s Centre for Legal Aid and Counselling (WCLAC)
27. Young Women’s Christian Association (YWCA) – Palestine
Autres organisations palestiniennes
28. Civic Coalition for Palestinian Rights in Jerusalem (CCPRJ)
29. Filastiniyat
30. Palestine Land Society
31. Palestine News Network (PNN)
32. Palestinian Culture Center
33. Palestinian Federation of Women’s Action Committees
34. Tasamuh Arab Network
35. The Palestine Institute for Public Diplomacy (PIPD)
Organisations régionales
36. BDS Kuwait
37. BDS Maroc
38. Cairo Institute for Human Rights Studies (CIHRS)
39. Kuwaiti Society for Human Rights
40. Tunisian Campaign for the Academic and Cultural Boycott of Israel (TACBI)
Organisations internationales
41. Adalah Justice Project
42. Alternative Refugee Center
43. American-Arab Anti-Discrimination Committee (ADC)
44. Americans and Palestinians for Peace (AMPAL)
45. Association « Pour Jérusalem »
46. Association des Universitaires pour le Respect du Droit International en Palestine
47. Association France Palestine Solidarité (AFPS)
48. Australians for Palestine
49. Canada Boat to Gaza
50. Canadian BDS Coalition
51. Canadian Foreign Policy Institute
52. Canadians for Peace and Justice in Kashmir
53. Center for Constitutional Rights
54. Collectif Judéo Arabe et Citoyen pour la Palestine
55. Cooperazione Per Lo Sviluppo Dei Paesi Emergenti (COSPE)
56. Dream Defenders
57. Educators for Justice
58. European Legal Support Center (ELSC)
59. Eyewitness Palestine
60. Friends of Sabeel North America (FOSNA)
61. Housing and Land Rights Network – Habitat International Coalition
62. Institute for Policy Studies, New Internationalism Project
63. International Federation for Human Rights (FIDH)
64. Jewish Voice for Peace
65. Just Peace Advocates
66. Lawyers for Palestinian Human Rights (LPHR)
67. Le Mouvement de la Paix
68. Ligue des droits de l’Homme – LDH France
69. Middle East Center for Justice and Peace of South Central Pennsylvania
70. MPower Change
71. Oakville Palestinian Rights Association (OPRA)
72. Palestine Solidarity Network – Edmonton
73. Palestinian and Jewish Unity (PAJU)
74. Palestinian Youth Movement – North America
75. Peace Alliance Winnipeg
76. Plateforme des ONG françaises pour la Palestine (comprenant plus de 40 membres)
77. Researching the American-Israeli Alliance (RAIA)
78. The Rights Forum
79. US Campaign for Palestinian Rights
80. US Palestinian Council
81. Venezuelan Workers Solidarity
82. War Resisters League
83. Women for Palestine
(1) Voir par exemple Al-Haq, Al-Haq Refutes Israeli Army and Media Claims on the Killing of Volunteer First Responder Sajed Mizher in Dheisheh Refugee Camp, 8 avril 2019, disponible sur : http://www.alhaq.org/advocacy/6070.html.
(2) Chiffres fournis par le département d’observation et documentation d’Al-Haq, couvrant la période du 1er janvier 2020 au 1er juillet 2020.
(3) Chiffres fournis par le département d’observation et documentation d’Al-Haq, couvrant la période du 1er octobre 2015 au 1er juillet 2020.
(4) Comité de l’ONU contre la Torture, Concluding observations on the fifth periodic report of Israel (3 juin 2016) UN Doc CAT/C/ISR/CO/5, para. 43.
(5) Jadaliyya, ‘’Press Release : Erekat Family Statement on the Extrajudicial Killing of Its Son, Ahmad Erekat’’, 29 juin 2020, disponible sur : https://www.jadaliyya.com/Details/41352.
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