Tous les 15 mai depuis 65 ans, les Palestiniens descendent dans les rues pour commémorer ce qu’ils appellent la Nakba, la catastrophe en arabe. L’exode de plus de 700.000 Palestiniens suite à la guerre israélo-arabe de 1948 et la création de l’Etat d’Israel.
Ces Palestiniens ont quitté ou ont été forcés de quitter leurs maisons, sans jamais pouvoir revenir y habiter. C’est ce que l’on appelle les réfugiés palestiniens. Aujourd’hui, ces réfugiés et leurs descendants sont autour de 5 millions (chiffres UNRWA) répartis dans les Territoires palestiniens, en Jordanie, en Syrie et au Liban. Tous espèrent pouvoir un jour retourner dans leur ancienne maison (beaucoup ont encore leur clé), c’est ce qu’ils appellent le « droit au retour ».
Zakkyeh a 82 ans et des yeux rieurs. Elle habite aujourd’hui dans le centre-ville de Naplouse, non loin de l’université, dans une maison qui donne sur une ruelle faite d’escaliers. Zakyeh a quitté Haifa, en pleine guerre, quand elle avait 18 ans avec son mari et ses 2 enfants.
« C’était un jeudi. Il y avait beaucoup des combattants juifs qui tiraient sur les gens. On a fuit vers la mer, on a couru. Il y avait des passerelles pour rejoindre des bateaux, des passerelles en métal. On est monté et on est partis en bateau pour rejoindre St Jean d’Acre. On a laissé un de mes frères qui a été tué à Haifa. Et puis on est arrivés ici à Naplouse ».
Zakkyeh et sa famille, comme beaucoup, pensaient que cette situation ne serait que temporaire. Mais 65 après, ils vivent toujours à Naplouse : « Ca a été difficile et compliqué de s’adapter ici. On pleurait tout le temps. Mais on nous disait, vous allez repartir, vous allez repartir ! Mais aujourd’hui on est toujours là et on attend toujours de pouvoir repartir. » Zakkyeh a le statut de réfugié, un statut délivré par les Nations Unies et qu’elle a transmis à ses enfants et petits-enfants. Elle nous montre sa carte d’enregistrement auprès de l’UNRWA, l’organisme des Nations Unies qui s’occupe des réfugiés palestiniens.
En attendant un jour de pouvoir retourner à Haifa, Zakkyeh est la mémoire de la famille. Elle ne cesse de raconter son histoire de la Nakba, son expérience, sa peur aussi. « Je fais de mon maximum pour expliquer à mes enfants et mes petits-enfants ce qu’il s’est passé en 1948. Je leur parle de notre passé, d’Haifa, de la maison, de la ville, de notre histoire. Nous sommes allés revoir la ville et notre maison une fois, en 2000. Il y avait une famille israélienne dedans. Elle nous a bien accueilli, elle nous a offert une boisson gazeuse. Elle nous a dit qu’on pouvait revenir visiter quand on voulait mais que cette maison n’était plus à nous. Eux, ils l’ont acheté à l’organisation israélienne Haganah ». Zakkyeh se remémore aussi l’emplacement des meubles et des pièces, de la douceur de vie à l’époque, quand elle prenait le train et qu’elle allait à la plage. Aujourd’hui, Zakkyeh n’a pas les permis nécessaires pour passer en Israel. Son horizon se limite à la vue sur les collines de Naplouse depuis sa fenêtre. Mais elle garde espoir. L’espoir qu’un jour elle ou ses enfants retourneront vivre en paix à Haifa. « Revenir, c’est une obligation. Même si c’est dans longtemps, même si cela paraît impossible. »
Abdul Amid porte le keffieh sur la tête et le portrait de son fils qui a été emprisonné en Israël pendant 18 ans. A 75 ans, ce père de 11 enfants vit dans une maison à l’entrée de Naplouse. Cela fait seulement 7 ans qu’il vit ici. Avant cela, il a passé 54 ans dans le camp de réfugiés de Balata, le plus important de Cisjordanie (23.000 personnes y habitent aujourd’hui). Abdul Amid a quitté Tirat Dandan, près de Lod en juin 1948. « Ce dont je me rappelle c’est que c’était un petit village peuplé principalement de musulmans et de chrétiens. C’était une vie simple, les gens vivaient de l’agriculture et de l’élevage. On était heureux ». Abdul Amid a fui avec ses parents et ses 4 frères et sœurs par peur des violences et des massacres. A 10 ans à l’époque, il se souvient être parti de chez lui pieds nus avec seulement ce qu’il portait sur le dos. Après plusieurs mois d’errance, sa famille a fini par atterrir dans le camp de réfugiés de Balata, en 1952. « Quand on est arrivé ici, on n’avait rien. On vivait dans des tentes. Après 15 années passées dans ce camp, on a commencé à monter des maisons en boue et puis les Nations Unies ont construit des maisons en dur. Mais ça restait des conditions de vie pénibles, surtout l’hiver avec le froid et la pluie ».
Le camp s’agrandit avec les années, mais la situation ne s’améliore guère pour la famille. Abdul Amid vit de petits commerces. Il dit ne plus rien avoir de son ancienne vie, il raconte que les soldats israéliens lui ont pris une boite dans laquelle il gardait la clé de sa maison et ses papiers. Alors, il lui reste le souvenir qu’il tente de transmettre aux 65 membres de sa famille. « C’est très important de ne pas oublier. Car nous, les vieux, ceux qui sont partis en 1948, nous allons mourir donc il faut que nos enfants et nos petits-enfants prennent la relève. Nous sommes les propriétaires de cette terre et nous le resterons. » Abdul Amid dit n’avoir aucun ressentiment contre les Israéliens. Il blâme les Etats-Unis et les dirigeants israéliens qui, dit-il, maintiennent la haine entre les peuples.
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