60 ONG, syndicats et groupes de la société civile d’Europe, des Etats-Unis et d’ailleurs condamnent la récente décision du gouvernement néerlandais de mettre fin au financement de l’Union of Agricultural Work Committees (UAWC), une des six ONG palestiniennes classées comme ’organisations terroristes’ par le gouvernement israélien en octobre 2021.
Monsieur le Ministre Hoekstra, Madame la Ministre Schreinemacher,
Le 5 janvier 2022, vos prédécesseurs au sein de l’ancien gouvernement néerlandais ont annoncé que l’Union des comités de travail agricole (UAWC) ne serait plus financée par les Pays-Bas.
Nous, organisations de la société civile soussignées, basées en Europe et dans le monde, partageons l’émotion de l’UAWC face à cette décision et nous joignons à l’appel du Réseau des ONG palestiniennes (PNGO) en solidarité avec l’UAWC.
La décision de votre gouvernement de mettre fin au financement de l’UAWC intervient à un moment critique pour la société civile palestinienne, après qu’Israël a désigné six grandes ONG palestiniennes, dont l’UAWC, comme des « organisations terroristes » en octobre dernier.
Cette désignation est le point culminant d’années de campagnes agressives menées par le gouvernement israélien et les groupes qui lui sont affiliés, ciblant sans relâche la société civile palestinienne. L’objectif de ces campagnes est tout à fait clair : ils cherchent à protéger Israël de toute exposition et de toute responsabilité devant la Cour Pénale Internationale pour ses graves violations du droit international et des droits de l’Homme, ce qui lui permet de consolider son occupation, d’étendre sa colonisation et d’aggraver sa politique d’apartheid - et ce en toute impunité.
Ces campagnes s’apparentent à une persécution politique, infligée à une population opprimée, dans le but de briser sa résistance légitime à une occupation étrangère caractérisée par des décennies d’occupation, de dépossession et d’emprisonnements collectifs.
Depuis de nombreuses années, les Pays-Bas sont un partenaire et un donateur de premier plan de la société civile palestinienne dans sa lutte pour la liberté, la dignité et la justice. Ils ont été l’un des quatre pays européens à financer le Secrétariat international des droits de l’Homme et du droit international - jusqu’à ce que ce mécanisme vital pour la société civile se soit désintégré en 2018 après des années d’attaques et de campagnes de dénigrement israéliennes.
En tant que pays hôte d’institutions juridiques internationales clés, dont la Cour Pénale Internationale, les Pays-Bas sont connus comme un pôle de soutien aux défenseurs des droits humains, y compris en Palestine. Ils sont également connus pour leur financement d’ONG préservant la présence palestinienne dans la zone C de la Cisjordanie occupée - notamment par le financement depuis 2007 de l’UAWC.
La décision de votre gouvernement de mettre fin à son financement de l’UAWC marque une rupture nette avec cet engagement de principe et nuit gravement à la crédibilité et à la position de votre pays vis-à-vis de la société civile palestinienne.
Cette décision de « définancement » de l’UAWC est due en grande partie à la raison avancée par votre gouvernement : trente-quatre « liens individuels » présumés de membres du conseil d’administration et du personnel d’UAWC avec le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), identifiés lors d’une enquête externe lancée par l’ancien gouvernement néerlandais. En 2003, l’Union européenne avait désigné le FPLP comme une organisation « terroriste » et lui avait imposé des sanctions financières. Cependant, la décision de votre gouvernement de ne pas financer l’UAWC ne découle pas de cette désignation et de ces sanctions.
Au contraire, l’enquête externe lancée par l’ancien gouvernement néerlandais n’a révélé :
aucune indication de flux financiers et aucune unité organisationnelle entre UAWC et le FPLP,
aucune indication que le FPLP dirige l’UAWC,
aucune indication de liens entre UAWC et la branche armée du FPLP,
aucune indication que des membres du conseil d’administration ou du personnel aient utilisé leur position au sein de l’UAWC pour organiser ou soutenir des activités terroristes.
Sur la base de cette enquête, l’ancien gouvernement néerlandais a déterminé « qu’il ne peut pas être conclu de cette enquête qu’il existe des liens organisationnels entre UAWC et le FPLP ». Par conséquent, les résultats de l’enquête et l’évaluation qu’en a fait votre gouvernement ont entièrement rejeté les motifs invoqués par Israël pour désigner l’UAWC comme une « organisation terroriste ».
Ce résultat sans équivoque de l’enquête a fourni des raisons et des motifs solides pour que le précédent gouvernement néerlandais maintienne son financement à l’UAWC. Sa décision de ne plus subventionner l’UAWC sur la base de liens présumés de membres du conseil d’administration et du personnel avec le FPLP est clairement motivée par des raisons politiques et répond à la pression israélienne. Il s’agit d’un changement de politique choquant qui s’éloigne du principe directeur, particulièrement pertinent dans les contextes et les situations de crise, dans lesquels les défenseurs des droits de l’homme et la société civile sont en grand danger, à savoir « le respect des droits de l’Homme ».
Outre le grave préjudice qu’elle cause à la réputation et aux intérêts de l’UAWC, cette décision a des implications négatives de grande portée pour la société civile palestinienne dans son ensemble et pour les parties prenantes internationales. Elle alimente l’attaque croissante d’Israël contre l’espace civique et expose d’autres donateurs et parties prenantes à des campagnes de pression ciblées. Pour la société civile palestinienne, elle crée des dilemmes insolubles, ne serait-ce que parce que
le droit interne palestinien interdit la discrimination fondée sur des motifs politiques.
Toute organisation de la société civile palestinienne financée par les Pays-Bas sera prise au piège de la conditionnalité politique et de l’interférence avec le personnel et les membres du conseil d’administration, ce qui est illégal et interdit en Palestine.
Une telle perturbation est l’effet recherché par le gouvernement israélien et des groupes tels que NGO Monitor, qui déploient depuis des années des efforts massifs pour délégitimer, déplafonner et « définancer » les ONG palestiniennes. Nous nous faisons l’écho de la profonde inquiétude du PNGO quant au fait qu’un pays fondé sur des valeurs et des lois comme les Pays-Bas soutienne désormais les efforts destructeurs et malveillants du gouvernement israélien.
Sur la base des préoccupations et considérations ci-dessus, nous vous appelons, ainsi que le nouveau gouvernement néerlandais dans son ensemble, à revoir et à annuler la décision du gouvernement de mettre fin au financement de l’UAWC ; et à reprendre sans délai le financement de l’UAWC.
Nous profitons de cette occasion pour vous demander d’élargir et d’augmenter votre soutien politique et financier à la société civile palestinienne, qui fait face à une crise existentielle, mettant en danger des décennies de labeur et d’investissements dans la promotion des droits de l’Homme et l’assistance humanitaire en Palestine.
Outre la reprise du financement de l’UAWC, il conviendrait que votre gouvernement rejette fermement la désignation par Israël comme « organisations terroristes » d’Addameer, d’Al-Haq, du Bisan Center, de Defence for Children-Palestine (DCI-P), UAWC et l’Union for Palestinian Women’s Committees (UPWC). Ce qui aurait dû se faire il y a des mois, étant donné qu’Israël a échoué à plusieurs reprises à étayer ses allégations contre ces ONG, comme le reconnaît également le gouvernement néerlandais.
Nous vous prions instamment de renoncer sans délai à cette décision de votre gouvernement, ce qui pourra prévenir de nouvelles désignations par Israël pour des raisons politiques, préjudice supplémentaire aux organisations de la société civile palestinienne et aux défenseurs des droits de l’Homme palestiniens.
Organisations signataires :
Crédits photo : Vue aérienne de la Haye, capitale des Pays-Bas, Gilbert Sopakuwa / Flickr Creative Commons
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