Paris, le 22 janvier 2016
Objet : 2 mois de grève de la faim pour le journaliste palestinien Mohammed Al-Qiq
Monsieur le Ministre des Affaires étrangères,
Nous, organisations de droits de l’Homme, souhaitons attirer votre attention sur la situation de M. Mohammed Al-Qiq.
Arrêté à son domicile à Ramallah le 21 novembre 2015, le journaliste palestinien Mohammed al-Qiq a été placé en détention administrative depuis cette date, sans inculpation ni jugement. Son interrogatoire a duré 25 jours, pendant lesquels il a subi des tortures et mauvais traitements (menaces d’agression sexuelle, injures et hurlements continus, position assise les bras attachés derrière son dos 7 heures par jour etc.). Au bout de quatre jours d’interrogatoire, il a entamé une grève de la faim. Aujourd’hui à son 58e jour de grève, il risque la mort.
Le 10 janvier 2016, le service pénitentiaire israélien a aidé le personnel médical de l’hôpital d’Afula en Israël, où M. Al-Qiq est retenu, à lui injecter de force des nutriments (vitamines et sels minéraux) par intraveineuse. Cette situation a duré pendant quatre jours jusqu’au 14 janvier 2016, alors que M. Al-Qiq avait clairement notifié son refus de recevoir un traitement ou de quelconques nutriments.
Les traitements et examens médicaux forcés pratiqués sur des grévistes de la faim sont constitutifs de mauvais traitements et contreviennent au droit international humanitaire et au droit international des droits de l’Homme.
Dans une déclaration conjointe, des rapporteurs spéciaux des Nations unies ont rappelé que « les grévistes de la faim devraient être protégés de toute forme de contrainte, d’autant plus lorsque celle-ci se traduit par un recours à la force, voire à la violence physique. Le personnel médical ne doit exercer de pression d’aucune sorte sur des individus qui ont choisi en dernier recours de mener une grève de la faim. Il n’est pas plus acceptable de recourir à la menace d’alimentation forcée ou à toute autre forme de coercition physique ou psychologique contre des individus qui ont volontairement choisi de mener une grève de la faim » .
En violation du droit international, Israël a adopté une loi légalisant l’alimentation forcée le 30 juillet 2015. Une démarche qui a fait l’objet d’une vive condamnation des Nations unies qui a rappelé à cette occasion qu’il s’agissait d’un traitement cruel, inhumain et dégradant.
Par sa grève de la faim, Mohammed al-Qiq vise à protester contre sa détention arbitraire et illégale, tout comme un autre détenu palestinien, Hassan Shokah, en grève de la faim depuis 39 jours. Ils font partie des 660 détenus administratifs dénombrés par l’association Addameer au mois de décembre 2015.
Selon les articles 42 et 78 de la Quatrième Convention de Genève de 1949, la détention administrative doit demeurer une mesure exceptionnelle, « absolument nécessaire » et justifiée par « d’impérieuses raisons de sécurité ». La détention administrative telle que prévue et appliquée par Israël est donc une violation manifeste du droit international humanitaire. Plusieurs autorités des Nations unies ont aussi estimé que le recours à la détention administrative par Israël était « incompatible avec le droit international des droits de l’Homme et devrait être terminé. Tous les détenus devraient être immédiatement inculpés ou libérés ».
Le Comité des Nations unies contre la Torture estime en outre que la détention administrative est constitutive d’un mauvais traitement lorsqu’elle est anormalement longue.
Nous appelons le gouvernement français :
• demander aux autorités israéliennes l’arrêt du traitement médical forcé de Mohammed al-Qiq et sa libération immédiate ;
• enjoindre le gouvernement israélien d’abroger la loi sur l’alimentation forcée, considérée comme une forme de mauvais traitement en droit international ;
• dénoncer les tortures et mauvais traitements utilisés par les forces israéliennes lors de l’arrestation, l’interrogatoire et la détention des prisonniers palestiniens ;
• dénoncer la détention administrative, illégale telle que pratiquée par les autorités israéliennes, puisqu’elle empêche notamment les détenus de bénéficier d’un procès équitable et peut être renouvelée de manière indéfinie.
Dans l’attente de la suite que vous donnerez à notre requête, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre haute considération.
Claude Léostic, Présidente de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine
ACAT (Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture)
AFPS (Association France Palestine Solidarité)
Lire aussi les courriers envoyés à Federica Mogherini et Hervé Magro, Consul général de France à Jérusalem :
Lire la réponse du Consul de France à Jérusalem.
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