Plateforme des ONG Françaises pour la Palestine

Suite à la nomination de Jean-Marc Ayrault au poste de Ministre des Affaires étrangères

7 mars 2016 - Courrier au Ministre des Affaires étrangères

Paris, le 7 mars 2016

Monsieur le Ministre des Affaires étrangères et du Développement international,

Nous, organisations réunies au sein de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine, prenons acte avec intérêt de votre nomination au poste de Ministre des Affaires étrangères et du Développement International.

En tant qu’organisations œuvrant pour le respect des droits de l’Homme et du droit international en Palestine et en Israël, nous souhaitons porter à votre attention certains points qui nous préoccupent vivement.

Votre prédécesseur M. Laurent Fabius a annoncé le 29 janvier dernier la mise en place d’une Conférence internationale visant à « faire aboutir, si c’est possible, la solution des deux Etats ». Nous souhaiterions savoir si vous allez poursuivre la mise en place de cette conférence, dans quels délais, et si, dans le cas où celle-ci échoue, le gouvernement français reconnaîtra l’Etat palestinien comme annoncé par M. Fabius.

Dans ce contexte, l’UE a rappelé son attachement à la différenciation entre les colonies et l’Etat israélien, notamment par sa communication interprétative du 11 novembre 2015, dans laquelle elle demande à ses Etats membres l’application de l’étiquetage différencié des produits des colonies israéliennes. Bien que nos organisations souhaitent in fine l’interdiction de l’importation de ces produits, elles attendent avec impatience la mise en place effective en France de cet étiquetage différencié, Le ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique, interpellé à plusieurs reprises par nos soins, nous a indiqué que ce sujet relève des attributions du ministre des Affaires étrangères. Nous vous demandons donc d’entreprendre toute démarche nécessaire à ce que la DGCCRF puisse édicter dans les meilleurs délais des consignes en ce sens.

Par ailleurs, nous vous demandons quelles mesures concrètes vous comptez prendre au vu de la situation sur le terrain, qui empire aux niveaux politique et humanitaire, et vis-à-vis des violations des droits de l’Homme et du droit international commises par les autorités israéliennes.

La colonisation du Territoire palestinien occupé s’étend ; le gouvernement israélien a récemment annoncé la construction de 55 000 logements en Cisjordanie.
La colonisation, l’occupation et la violence des colons bloquent toute perspective d’un Etat palestinien viable et provoquent un sentiment d’impuissance chez les Palestiniens dont certains, par désespoir, commettent des actes violents à l’encontre de soldats et colons israéliens et de quelques civils. Depuis le mois d’octobre 2015, les violences quasi-quotidiennes n’ont pas cessé, accompagnées d’une répression israélienne toujours plus forte. Près de 180 Palestiniens et 28 Israéliens sont morts et 15 000 Palestiniens ont été blessés.

La répression israélienne vise particulièrement les enfants ; les arrestations et emprisonnements de mineurs ont presque triplé entre septembre 2015 et janvier 2016, passant de 156 à 450. En ciblant les enfants, c’est l’avenir de la société palestinienne qui est atteint.

Nous sommes également très préoccupés par l’emprisonnement de députés palestiniens - tels Khalida Jarrar - et par la pratique israélienne récurrente de la détention administrative qui viole le droit international. La détention administrative israélienne permet de détenir indéfiniment des individus sur la base de « preuves secrètes » ; leur nombre a pratiquement doublé entre septembre 2015 et janvier 2016. Sur les 7 000 Palestiniens actuellement détenus, près de 700 sont en détention administrative.

La radicalisation extrême du gouvernement israélien touche également la société civile israélienne. Des ONG et personnalités défendant les droits des Palestiniens, sont la cible de violentes campagnes de dénigrement et d’attaques. Une loi en cours d’adoption imposerait également aux ONG de défense des droits de l’Homme subventionnées par des institutions officielles étrangères de le déclarer dans toutes leurs publications et interventions publiques.

Enfin, le contexte à Gaza est alarmant ; un an et demi après l’attaque israélienne « bordure protectrice », seulement 15% des maisons détruites ont été reconstruites et près de 100 000 personnes sont encore sans-abris. Le blocus, illégal en droit international, imposé par Israël puis l’Egypte depuis 9 ans aggrave considérablement la situation économique et humanitaire. Nous attendons du gouvernement français des pressions pour que le gouvernement israélien lève le blocus ; c’est un point qui demande une intervention résolue et immédiate. Aucune paix ne sera possible sans le rétablissement d’une libre communication, sous souveraineté palestinienne entre Gaza, la Cisjordanie dont Jérusalem-Est, et de l’ensemble de la Palestine occupée avec le monde extérieur. Le temps presse ; selon le rapport de la CNUCED de juillet 2015, la bande de Gaza sera invivable d’ici quatre ans.

Nous nous permettons également, par ce courrier, de solliciter un entretien afin de vous présenter plus avant nos réflexions et attentes et d’engager un dialogue constructif.

Dans l’attente de la suite que vous donnerez à notre requête, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre haute considération.

Claude Léostic, Présidente de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine


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