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Pourquoi les États-Unis cessent-ils de financer l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens ?

10 septembre 2018 - Isabelle Avran, Orient XXI (série « Va comprendre ! »)

Les États-Unis, qui étaient les plus grands contributeurs au budget de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East, Unrwa), ont annoncé vendredi 31 août 2018 qu’ils cessaient tout financement de cette organisation.



Qui sont les réfugiés palestiniens ?

En novembre 1947, les Nations unies ont voté le partage de la Palestine alors sous mandat britannique en deux États, Israël et Palestine. Israël a proclamé son indépendance le 14 mai 1948, la Palestine attend toujours sa reconnaissance internationale. Dès 1947, les forces qui allaient devenir israéliennes ont entamé l’expulsion de la majorité des Palestiniens de leurs terres. À l’issue de la guerre menée par les armées des États arabes contre ce partage, Israël a agrandi le territoire qui lui était alloué, sans jamais fixer les frontières de son État. Depuis sa guerre-éclair de juin 1967, Israël occupe illégalement désormais la Cisjordanie, la bande de Gaza, et a annexé tout aussi illégalement toute la ville de Jérusalem dont la partie orientale, palestinienne, largement au-delà des limites historiques de la ville.

Pendant et après la guerre de 1948, les forces du futur État d’Israël puis son armée ont poursuivi l’expulsion des Palestiniens au moins jusqu’au cessez-le feu de janvier 1949. Quelque 800 000 d’entre eux ont ainsi été chassés de leurs terres entre 1947 et 1949, soit vers la Cisjordanie et la bande de Gaza, soit vers les États voisins : Jordanie, Liban et Syrie. Ils sont devenus des réfugiés. Par la résolution 194 (III) du 11 décembre 1948, l’Assemblée générale des Nations unies a affirmé le droit des Palestiniens réfugiés et de leurs enfants au retour sur leurs terres et à une compensation pour les dommages causés. Afin d’être admis à l’ONU, l’État d’Israël avait dû accepter cette résolution. Mais il refuse depuis de la mettre en œuvre.

Qu’est-ce que l’Unrwa ?

L’Unrwa, ou Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine, a été établi en décembre 1949 par l’Assemblée générale de l’ONU. Il succède à l’Aide des Nations unies aux réfugiés de Palestine (Anurp), créée en 1948. L’agence a pour objectif de répondre aux besoins économiques et sociaux des réfugiés palestiniens et garantit de fait leur statut.

Il fournit ainsi une aide à plus de 3 millions de Palestiniens sur les 5 millions enregistrés comme réfugiés, à travers des programmes d’aide sociale, un réseau d’écoles (plus de 520 000 enfants étudient dans les écoles de l’Unrwa, dont l’éducation représente 54 % du budget) et des centres de santé, à la fois en Palestine occupée et dans trois pays où vivent ces réfugiés : Liban, Jordanie et Syrie. La majorité des réfugiés vivent dans 58 camps reconnus par l’agence onusienne, dont 19 en Cisjordanie, et ils constituent plus des deux tiers de la population vivant aujourd’hui dans la bande de Gaza assiégée par Israël. L’Unrwa emploie plus de 20 000 salariés, en majorité palestiniens.

Pourquoi Donald Trump a-t-il pris cette décision ?

Il y a trois raisons majeures.

— D’abord, l’administration américaine a pris fait et cause pour la politique du gouvernement israélien, le plus à l’extrême droite de son histoire, vis-à-vis de l’avenir de la Palestine, en particulier son refus de voir émerger un État palestinien viable dans les frontières qui existaient en 1967. Ainsi Donald Trump a-t-il annoncé qu’il pourrait envisager d’autres options que la solution à deux États prévue par le droit international. Il refuse toute condamnation de la colonisation israélienne du territoire palestinien, de même que des assassinats ciblés des manifestants palestiniens par l’armée israélienne (singulièrement dans la bande de Gaza), et toute enquête indépendante internationale. En décembre 2017, en violation du droit international, il a reconnu l’annexion de Jérusalem par Israël qui a transformé toute la ville en sa capitale, et y a transféré le 14 mai son ambassade tandis que plusieurs dizaines de manifestants pacifiques palestiniens étaient tués le jour même dans la bande de Gaza.

— Ensuite, Donald Trump entend faire pression sur la partie palestinienne en asphyxiant les réfugiés, afin qu’elle accepte un plan dit « de paix » — toujours pas énoncé en tant que tel dans ses détails — qui l’obligerait à renoncer à son droit à l’autodétermination. Ce plan prévoit notamment l’annexion de la majorité des colonies israéliennes pourtant toutes illégales, et le renoncement des Palestiniens à faire de Jérusalem-Est leur capitale.

— Enfin, il entend satisfaire à la demande du gouvernement israélien de liquider les droits des réfugiés, en particulier leur droit au retour. Cela suppose pour l’administration américaine de mettre fin à leur statut.

Les dirigeants israéliens ont salué la décision américaine.
Quelles sont les conséquences de ce retrait ?

Le directeur de l’Unrwa, Pierre Krähenbühl, a rappelé que l’agence est vitale jusqu’à ce que soit trouvée une solution définitive au conflit israélo-palestinien.

Avant même la décision américaine, l’agence onusienne, qui dépend des versements volontaires des États, subissait déjà un grave déficit. « Fin septembre, l’Unrwa n’aura plus un sou, y compris pour les écoles et les centres médicaux », a annoncé le porte-parole de l’Unrwa, Chris Gunness. La situation est particulièrement grave dans la bande de Gaza assiégée où la majorité de la population dépend de l’aide internationale.

Le 30 août, la Jordanie a annoncé l’organisation d’une conférence le 27 septembre à New York en marge de l’Assemblée générale des Nations unies, pour obtenir un soutien financier pérenne de l’Unrwa d’ici la fin de l’année pour combler son déficit. En France, Jean-Yves le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, n’a annoncé une augmentation que de 2 millions d’euros de la contribution française, laquelle passe ainsi à 10 millions annuels.

Isabelle Avran
Journaliste


Sur le site de l’iReMMO


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