Plateforme des ONG Françaises pour la Palestine

Lettre ouverte à Anne Hidalgo : Place de Jérusalem à Paris

25 juin 2019 - Bertrand Heilbronn, président de l’AFPS

Paris, le 21 juin 2019

Madame la Maire de Paris,

Le 12 juin, le Conseil de Paris a décidé de créer une Place de Jérusalem.

Une belle idée pour éclairer la population sur la situation de cette ville martyre, fracturée, divisée ; pour rappeler la nécessité absolue de mettre fin à cette violation du droit international et du droit humanitaire et pour condamner sans ambiguïté le fait accompli et la loi du plus fort.

Vous auriez pu rappeler à cette occasion que nul ne peut conquérir un territoire par la force et que « la création par Israël de colonies de peuplement dans le Territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est, […] constitue une violation flagrante du droit international […] » (résolution 2334 de l’ONU).

Il semble cependant que la décision que vous avez prise ne soit pas animée par ce souci de respect du droit, du respect de l’autre, de l’amitié et de la solidarité entre les peuples.

Si l’on en croit votre échange de lettres avec le président du Consistoire, Jérusalem n’aurait d’importance que pour le judaïsme. Ce choix, vous l’avez fait en acceptant la demande du Consistoire que cette place soit située « aux abords du lieu hautement symbolique du Centre Européen du Judaïsme ». Oubliées les deux autres religions monothéistes qui la considèrent comme une ville sainte. D’où vient cette primauté d’une religion sur les autres exprimée par la Maire de la capitale de la France, État laïc ?

Alors qu’aucune rue de Jérusalem n’existait plus à Paris depuis 1883, le choix de créer une place de Jérusalem n’était pas neutre et ne pouvait pas faire abstraction de la réalité politique de l’annexion illégale de Jérusalem, notamment Jérusalem-Est, par Israël. À aucun moment vous ne vous référez à l’occupation, l’annexion et la colonisation par Israël de la partie palestinienne de la ville depuis plus de 50 ans. Et vous semblez ignorer les résolutions 476 et 478 du Conseil de Sécurité de l’ONU, qui l’ont rejetée avec la plus grande fermeté.

Et c’est en choisissant de nier cette réalité – au mépris de la politique de la France – que vous pensez « rappeler les liens qui unissent la Ville de Paris à la communauté juive » !

En pratiquant la confusion entre une religion (le judaïsme représenté par le président du Consistoire) et la notion contestable de communauté (la « communauté juive »), vous mettez à mal l’idéal laïc de notre République. Et en associant cette « communauté » à un État tiers (l’État d’Israël) qui viole tous les jours le droit international et les droits de l’Homme, vous importez en France le conflit israélo-palestinien et vous rendez un bien mauvais service à cette « communauté ».

Ignorez-vous que les Palestiniens de Jérusalem n’ont pas les mêmes droits que les colons qui vivent illégalement en territoire occupé ? Ignorez-vous que certains enfants palestiniens de Jérusalem-Est ne savent pas en rentrant de l’école s’ils auront encore une maison ? Quand ils ont une école !

Ignorez-vous que chaque nuit l’armée d’occupation arrête des jeunes Palestiniens à Jérusalem-Est sans aucune justification ?

Ignorez-vous que les Palestiniens de Jérusalem sont considérés par Israël comme des « résidents » sur leur terre natale ? Et qu’ils peuvent se voir retirer leur permis de résidence pour défaut d’allégeance à l’occupant ?

Ignorez-vous qu’il est quasiment impossible pour une famille palestinienne d’obtenir un permis de construire ? Et que c’est ainsi qu’Israël justifie les destructions de maisons ?

Ignorez-vous que tout cela se fait en violation du droit ?

Bien sûr, vous ne l’ignorez pas : comment pouvez-vous faire comme si tout cela n’existait pas ?

Parmi les amendements qui étaient proposés, au moins l’un d’eux évoquait la possibilité de revenir au Droit en ajoutant à la dénomination « Place de Jérusalem » : « avec le vœu qu’elle devienne la future capitale de deux États ».

À l’opposé, vous avez fait le choix de placer cette décision sous le signe exclusif de « l’amitié avec Israël » : vous cautionnez ainsi l’annexion de Jérusalem par Israël, comme l’a fait Donald Trump, en contradiction avec le droit international et la politique de la France. Et vous cautionnez aussi les choix actuels de cet État, qui a adopté une loi fondamentale raciste et suprémaciste, plaçant la colonisation au rang des valeurs nationales.

Au-delà de la violation du droit et de la loi du plus fort, vous avez choisi la division au sein de la population française, et vous prenez la responsabilité d’un double risque : celui d’exacerber les rivalités religieuses, et celui de transposer en France le conflit israélo-palestinien. Beaucoup de citoyens français, de Paris et d’ailleurs, estimaient pouvoir attendre vraiment autre chose de vous et ne sont pas près de l’oublier.

Nous vous demandons, Madame la Maire, de renoncer à cette décision qui divise, qui viole le droit international et qui va à l’encontre de la politique de la France. Et d’annuler l’inauguration de cette place en présence du maire de Jérusalem, le maire de l’annexion et de l’oppression des Palestiniens de Jérusalem.

Nous vous prions d’agréer, Madame la Maire, l’expression de notre haute considération.

Bertrand Heilbronn
Président de l’Association France Palestine Solidarité

>>Télécharger cette lettre (PDF)

Voir l’appel à manifester de l’AFPS et du Collectif National pour une Paix Juste et Durable entre Palestiniens et Israéliens

>>Lire aussi « Jérusalem : les liaisons dangereuses d’Anne Hidalgo » (communiqué de l’AFPS, novembre 2016)

>>Lire aussi « Elias Sanbar s’adresse à Anne Hidalgo » (lettre de novembre 2016)


Sur le site de l’AFPS


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