Les organisations réunies au sein de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine interpellent le Premier ministre à propos de son attitude sur la question palestinienne et de ses récents propos sur le mouvement Boycott-Désinvestissement-Sanctions.
Paris, le 2 février 2016
Monsieur le Premier ministre,
Nous souhaitons vous faire part de notre préoccupation suite à vos propos assimilant la critique des politiques de l’État d’Israël à l’antisémitisme, en décalage avec l’actualité politique et les préoccupations de la société civile.
Le 11 novembre 2015, la Commission européenne a publié une notice interprétative sur l’indication de provenance des produits des territoires occupés par Israël depuis juin 1967, venant clarifier la législation commerciale européenne existante. Un texte longtemps soutenu par le ministère des Affaires étrangères français au sein de la Commission.
Le 18 janvier 2016, l’Union européenne (UE) a également publié ses conclusions sur le processus de paix au Proche-Orient, soulignant une nouvelle fois l’illégalité des colonies israéliennes et la nécessité de mettre en œuvre la législation européenne en termes d’étiquetage différencié des produits des colonies, et d’exclure les colonies de l’application de tous les accords entre l’État d’Israël et l’UE. Elle indique que cela « ne constitue pas un boycott d’Israël auquel l’UE s’oppose fortement ».
Compte tenu de ces décisions, nous attendons de vous, Monsieur le Premier ministre, que vous reconnaissiez et respectiez ces avancées pour le droit.
Le 19 janvier, c’est l’ONG Human Rights Watch qui publiait un rapport intitulé : « Occupation, Inc. : Comment les entreprises opérant dans ou avec les colonies israéliennes contribuent à violer les droits des Palestiniens », demandant aux entreprises de mettre fin à leurs opérations localisées au sein des colonies, dans la mesure où elles contribuent au renforcement des colonies israéliennes et à la violation de nombreux droits des Palestiniens.
Cette démarche est similaire à celle des organisations réunies au sein de la campagne « Made in Illegality », dont vous trouverez ci-joint la brochure. Ces organisations, dont la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine, demandent la fin des relations économiques de la France et de l’UE avec les colonies israéliennes, et notamment l’interdiction des produits des colonies.
Ces demandes ne sont pas basées sur une volonté de boycott, mais sur une demande de respect du droit international, dans la mesure où les colonies sont illégales, de même que les produits qui en sont issus.
Nous en appelons ainsi aux obligations internationales des États et des entreprises.
Malgré cela, Monsieur le Premier ministre, vous semblez ignorer les nombreux appels - de l’UE, de votre propre ministre des Affaires étrangères ou de la société civile - à la condamnation et l’exclusion des colonies israéliennes, basées sur le droit international. Selon vos propos tenus le 18 janvier 2016 auprès des Amis du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), vous préférez attaquer le mouvement Boycott-Désinvestissement-Sanctions. A propos des manifestations du mouvement, vous déclarez : « Je pense que nous allons prendre des dispositifs – mais toujours dans l’État de droit – qui doivent montrer que ça suffit, et qu’on ne peut pas tout se permettre dans notre pays ». Puis : « On voit très bien comment on est passé de la critique d’Israël à l’antisionisme et de l’antisionisme à l’antisémitisme ».
Bien que nos campagnes ne s’inscrivent pas dans le mouvement BDS, nous souhaitons vous rappeler qu’il est un mouvement citoyen non-violent lancé il y a 10 ans à l’appel de la société civile palestinienne. Cette campagne « constitue un outil de pression sur nos gouvernements pour qu’ils appliquent des sanctions et un levier sur le gouvernement israélien, qui servira à imposer la seule issue pour cette région : l’application du droit international et le respect des droits des Palestiniens. »
Par vos propos, vous allez dans le sens de la circulaire contestée dite « Alliot-Marie » qui invite les procureurs à engager des poursuites contre les militants du mouvement BDS et dont nous demandons l’abrogation. Vous assimilez les actions BDS à de l’antisémitisme alors qu’elles sont la manifestation d’un engagement relevant de la liberté d’expression individuelle.
Vous permettez que la France soit le seul pays démocratique au monde à criminaliser l’appel au boycott de l’Etat d’Israël, alors que dans le passé de nombreuses campagnes similaires à celle du BDS critiquaient librement les politiques de l’Afrique du Sud, de la Birmanie, de la Russie ou encore du Mexique.
Le mouvement BDS s’est créé dans un contexte de démission de la communauté internationale incapable de mettre un terme à la colonisation et de protéger les Palestiniens des exactions quotidiennes de l’armée et des colons israéliens. Tant que les gouvernements ne prendront pas d’initiatives fortes pour imposer le respect du droit à l’État d’Israël, le mouvement citoyen BDS continuera à prendre de l’ampleur.
Nous attendons donc, Monsieur le Premier ministre, que vous assumiez les responsabilités de votre haute fonction, que vous preniez des positions justes sur la question palestinienne, que vous agissiez pour le respect le droit et cessiez de fragiliser et polariser la société française.
Très préoccupés par vos propos et ses conséquences au sein de la société française, nous souhaiterions également nous entretenir avec vous à ce sujet.
Dans l’attente de la suite que vous donnerez à notre requête, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Premier ministre, l’expression de notre haute considération.
Claude Léostic, Présidente de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine
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