Plateforme des ONG Françaises pour la Palestine

La visite de Benyamin Netanyahou à Bruxelles

4 décembre 2017 - Lettre de la Plateforme Palestine et la FIDH

Les gouvernement israélien a annoncé la venue de Benyamin Netanyahou le 11 décembre prochain dans le but de rencontrer les 28 ministres des Affaires étrangères de l’UE. Réactions de la FIDH et la Plateforme Palestine.



Paris, le 1er décembre 2017

Monsieur le Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères,

Nos organisations s’inquiètent de la venue de Benyamin Netanyahou à Bruxelles prévue le 11 décembre 2017 à l’invitation du gouvernement lituanien et de la proposition qui lui aurait apparemment été faite de participer au déjeuner des 28 ministres des Affaires étrangères qui précédera le Conseil des Affaires étrangères de l’Union européenne. Le gouvernement israélien y voit une « occasion unique de renforcer et améliorer les liens entre Israël et l’UE », ce à quoi nos organisations s’opposent fermement, appelant l’UE à la retenue. En effet, et en l’état actuel des choses, une quelconque normalisation des relations EU-Israël ferait fi des violations graves et systématiques des droits humains et du droit humanitaire perpétrées. Une telle normalisation contreviendrait en conséquence de manière flagrante à l’ensemble des engagements de l’UE en matière de droits de l’homme.

Depuis 2012, l’Union européenne, prenant la mesure de la politique de colonisation ainsi que des violations constantes des droits humains dont le peuple palestinien et les citoyens israéliens font l’objet, a entrepris de ne plus convier de réunions interministérielles. Rien, dans les développements intervenus ne permet de justifier une reprise des rencontres. Et, faute de progrès sur le terrain, nos organisations sont particulièrement soucieuses de voir cette visite finalement résulter en la tenue d’un Conseil d’Association UE-Israël jusqu’ici reporté.

En effet, en 2016 et 2017 les démolitions d’infrastructures palestiniennes - y compris d’infrastructures financées par l’Union européenne - se sont poursuivies. La colonisation s’est également accélérée, en violation manifeste de la Quatrième Convention de Genève notamment.

L’Etat israélien s’est en outre attaché à institutionnaliser et pérenniser la colonisation en adoptant un ensemble de lois discriminatoires et contraires au droit international. Parmi elles, la loi dite de « régularisation » du 6 février 2017 qui légalise a posteriori 55 colonies sauvages. Participant d’une stratégie d’annexion et de morcellement de la Cisjordanie, un projet de loi, pour le moment reporté, vise en outre à étendre les limites de Jérusalem pour y inclure les principales colonies illégales de Cisjordanie.

Le projet de « Loi fondamentale : Israël, l’Etat nation du peuple juif » doit également être dénoncé. Son vote au Parlement israélien est prévu, en première lecture, la première semaine de décembre 2017. Son objet est de faire d’Israël l’Etat nation du peuple juif avec Jérusalem pour capitale et l’hébreu comme seule langue officielle. Ce projet de loi fondamentale à statut constitutionnel (« basic law »), ne porte aucune mention qui garantisse l’égalité, et n’offre plus un statut de « citoyen » pour les non-juifs mais un statut de « résident ». Le droit à l’autodétermination est enfin réservé au seul « peuple juif », excluant toute personne non-juive alors qu’au moins 20% des citoyens israéliens sont d‘origine palestinienne. En niant le droit à l’autodétermination des citoyens non-juifs, ce projet hypothèque toujours davantage une solution à deux États et s’inscrit en contravention de l’article 1 du Pacte international relatifs aux droits civils et politiques dont Israël est partie et en violation d’une norme fondamentale du droit international, qualifiée de Jus cogens par la Cour Internationale de Justice.

Les derniers développements portent ainsi les stigmates d’une une politique d’annexion de facto, qui, dénoncés déjà par la Cour de Justice il y a quinze ans, l’ont encore été par le Secrétaire Général des Nations Unies en novembre dernier.

En conclusion,

Nos organisations s’opposent fermement à la venue de Benyamin Netanyahou et appellent les Etats membres de l’Union Européenne autant à refuser leur participation à la rencontre prévue qu’à exiger des progrès concrets vers le rétablissement de la légalité internationale avant d’envisager la tenue d’un conseil d’association.

Nos organisations déplorent par ailleurs que ni l’Union européenne ni ses Etats membres ne prennent la mesure de la gravité des violations commises et persistent à ne pas envisager sérieusement la suspension de l’accord d’association EU-Israël ou la prise de sanctions ciblées. Cela traduit la poursuite d’une politique de deux poids deux mesures à laquelle l’Union européenne est pourtant appelée à remédier et dont le manque de résultat est patent.

Nous déplorons enfin l’absence de politique qui puisse traduire le respect par l’Union européenne et de ses Etats membres de leurs propres obligations internationales (telle que l’obligation de ne prêter aucune aide ou assistance au maintien de la situation illégale rappelée par la Cour Internationale de Justice). Nous dénonçons à cet égard le manque d’effectivité de la politique de différentiation et appelons à décider l’interdiction d’importer vers le marché européen les produits provenant des colonies.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, l’assurance de notre profonde considération.

Dimitris Christopoulos, président de la Fédération Internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH)
Claude Léostic, Présidente de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine

Lire également la lettre envoyée à Federica Mogherini

Lire la réponse de l’Elysée


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