Paris, le 19 décembre 2018
Monsieur le Président de la République,
Nous sommes particulièrement préoccupés par la situation en Palestine occupée, aussi bien dans la Bande de Gaza qu’en Cisjordanie, dont les populations sont victimes d’attaques des forces israéliennes y compris dans la ville de Ramallah située en zone A (sous contrôle exclusif de l’Autorité palestinienne) et dans les quartiers de Jérusalem-Est, illégalement annexée, dont le gouverneur palestinien Adnan Gheith, a été emprisonné récemment à deux reprises par Israël.
Ces derniers épisodes nous rappellent que la situation d’occupation et de colonisation de la Palestine est loin de constituer un « conflit gelé » et que l’on ne peut se satisfaire du statu quo. Il est temps que la France prenne ses responsabilités pour contribuer à rétablir le droit et qu’elle fasse du dossier israélo-palestinien une priorité.
Ces enchaînements de violences sont la conséquence directe de l’occupation et de l’impunité des autorités israéliennes favorisée par l’inaction de la communauté internationale et soutenue par l’administration des Etats-Unis.
La responsabilité du cycle de violence attaques-répression qui s’intensifie ces dernières semaines incombe au régime israélien qui occupe et colonise et viole les droits les plus fondamentaux de 5 millions de Palestinien.ne.s, ainsi qu’aux colons se rendant coupables d’attaques à l’encontre de Palestiniens et bénéficiant de la protection et de la complicité des forces armées israéliennes.
Des centaines de colons ont manifesté sur la route de Ramallah-Naplouse, agressant des conducteurs palestiniens. L’organisation israélienne Yesh Din a recensé des attaques de colons dans 28 différentes localités de Cisjordanie occupée et a reçu des centaines de signalements (jets de pierre sur des maisons ou voitures) provoquant parfois des blessures. Le 17 décembre, des colons ont ouvert le feu près de deux écoles aux alentours de Naplouse.
L’armée israélienne a, elle, déployé des centaines de soldats dans et autour de la ville de Ramallah, provoquant une quasi impossibilité de circuler, puis a imposé la fermeture totale de la ville et des routes alentours. Des checkpoints volants ont également été installés pour accroitre les contrôles. Ces graves entraves à la liberté de circulation garantie par le droit international constituent une punition collective proscrite par la IVe Convention de Genève (1), tout comme la démolition d’immeubles civils dans le camp de réfugiés d’Al Amari et à Tulkarem.
300 Palestiniens ont été blessés par les forces israéliennes les 14 et 15 décembre, 5 ont été tués et 187 arrêtés depuis le 12 décembre 2018. L’armée a également ouvert le feu sur plusieurs ambulances, en contravention au droit international humanitaire (2). Elle obstrue aussi régulièrement l’action des équipes médicales palestiniennes, ce qui a coûté la vie à une femme à Jérusalem.
La réponse provocatrice du Premier ministre israélien à ces événements a été d’annoncer la « légalisation » de milliers de logements de colons (3). Il envenime la situation en renforçant la cause même de l’émergence de violences en Palestine : la continuation de la colonisation et des violations des droits de l’Homme. Le Premier ministre israélien prouve à nouveau qu’il n’est pas un partenaire pour la paix. Ces derniers épisodes confirment que la France et l’Europe doivent prendre les sanctions appropriées tant que le gouvernement israélien ne se conforme pas au droit international.
Nous vous demandons, Monsieur le Président, de :
• convoquer l’ambassadrice d’Israël en France afin de lui rappeler les obligations en droit international de l’armée et du gouvernement israéliens ;
• d’imposer des sanctions aux colons et organisations de colons violents, notamment en demandant leur inscription sur la liste des personnes, groupes et entités impliqués dans des actes de terrorisme et faisant l’objet de mesures restrictives de l’Union européenne (4) ;
• condamner les punitions collectives imposées par l’armée israélienne aux civils palestiniens telles que les entraves à la liberté de circulation et les démolitions de biens ;
• condamner l’usage disproportionné de la force, les exécutions et détentions arbitraires pratiquées par l’Etat d’Israël ;
• apporter une protection aux civils palestiniens contre les attaques de l’armée israélienne et des colons, notamment en soutenant la création d’une mission internationale de protection mandatée par l’ONU, telle que proposée par le Secrétaire général de l’ONU dans son rapport du 17 août 2018.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’assurance de notre profonde considération.
M. François Leroux, Président de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine
(1) Article 33 de la IVe Convention de Genève.
(2) articles 15 et 79 du Protocole additionnel I aux Conventions de Genève.
(3) Des « colonies sauvages », illégales en droit israélien car dépourvus des autorisations nécessaires. Toutes les colonies sont illégales au regard du droit international.
(4) Figurant dans la position commune 2001/931/PESC.
Ce courrier a également été envoyé au ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian.
Lire également le courrier envoyé à la Haute-Représentante aux affaires extérieures de l’Union européenne Federica Mogherini et la réponse du Chef de Division Moyen Orient du Service d’Action Extérieure de l’UE Neal Mac Call.
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