Plateforme des ONG Françaises pour la Palestine

La colonisation israélienne ne faiblit pas malgré les condamnations

14 février 2013 - Regards - Emmanuel Riondé

Les colonies israéliennes en Cisjordanie ne cessent de croître. Un récent rapport de l’ONU condamne fermement cette expansion et, pour la première fois, évoque un possible recours à la Cour pénale internationale.



C’est aujourd’hui, mercredi 13 février, que peut « légalement » commencer la construction de 90 nouveaux logements dans la colonie de Beit El en Cisjordanie à proximité de Ramallah. Une « légalité » - les grands médias oublient trop souvent de le rappeler - qui n’a de valeur que sur l’agenda interne israélien : comme chaque centimètre carré des colonies implantées en Cisjordanie depuis 1967, ces 90 nouvelles unités de logements sont totalement illégales au regard du droit international. L’Ong israélienne La Paix Maintenant avait annoncé lundi que le ministère de la Défense venait de donner son feu vert à ces nouvelles constructions. Il s’agit de la validation d’un projet déjà approuvé en août 2012 dans le cadre d’un « plan de compensation » pour les colons évacués en juin de la colonie d’Ulpana. Cet « avant-poste » avait été jugé « illégal » par la Cour Suprême israélienne, conduisant le gouvernement à évacuer une trentaine de familles. Netanyahou avait alors assuré qu’elles seraient relogées à Beit El. « La position palestinienne est claire. Il ne peut pas y avoir de négociations tant que la colonisation continue », a rappellé Nabil Abu Rdainah, un porte-parole du président Mahmoud Abbas, en réponse à l’annonce de ces nouvelles constructions. Dimanche, la veille, on apprenait que 346 autres logements seraient bientôt construits dans deux autres colonies du territoire palestinien.

Au-delà de la non-résolution des dossiers clefs du conflit - tracé des frontières, droit au retour des réfugiés, statut de Jérusalem - la colonisation demeure à ce jour le principal obstacle de facto à l’émergence d’un Etat palestinien viable quelle que soit sa forme. Depuis 1967, 325.000 colons se sont installés en Cisjordanie et 200.000 à Jérusalem. En terme de faits accomplis territoriaux, c’est efficace : après 45 ans de colonisation, la Cisjordanie (une superficie de 5655 km2, soit moins de la moitié de l’Ile de France) s’apparente à un archipel complètement morcelé. Et l’Etat d’Israël a réussi, ces dernières années, à faire passer l’idée que les trois grands blocs de colonie (Ariel, entre Ramallah et Naplouse, Maale Adoumim, dans le prolongement de Jérusalem vers la frontière orientale, et Gouch Etzion au sud de Béthléem) finiraient par être annexés. Par contre, en terme d’image et de relations extérieures, cette politique a un coût : pour le conseiller à la Sécurité nationale Yaakov Amidror, cité jeudi dernier par le quotidien Haaretz, « la construction dans les colonies est devenue un problème diplomatique et provoque la perte du soutien à Israël même parmi nos amis ». Il devait cette semaine être aux Etats-Unis pour préparer le prochain voyage d’Obama dans la région.

Voyage qui devrait avoir lieu les 20 et 21 mars, et qui tombera donc quelques semaines après la remise, fin janvier, d’un rapport commandé par le Conseil des Droits de l’Homme (CDH) des Nations Unies. Un rapport qui a particulièrement froissé Tel Aviv. Réalisé par « une mission internationale indépendante d’établissement des faits » (composée de trois expertes : la Française Christine Chanet, la Pakistanaise Asma Jahangir et la Botswanaise Unity Dow) pour étudier les effets de la colonisation dans les territoires palestiniens, ce rapport souligne que « un nombre important de droits de l’homme des Palestiniens sont violés de manières et de façons diverses en raison de l’existence de ces colonies de peuplement ». S’appuyant sur l’article 49 de la quatrième Convention de Genève qui interdit aux puissances occupantes de transférer des populations dans les territoires occupés, le rapport rappelle que « les colonies de peuplement sont maintenues et développées à travers un système de ségrégation total entre les colons israéliens et la population habitant dans les territoires occupés ». Et stipulant que « Israël doit cesser toute activité de peuplement dans les colonies, et ce sans conditions préalables », il relève la compétence de la Cour pénale internationale (CPI) eu égard à certaines violations des lois internationales. Cette référence à la CPI serait une première dans un rapport de ce type selon l’une de ses auteures, Christine Chanet.

Le rapport sera soumis aux 47 États membres permanents du CDH le 18 mars prochain. La mission invite « tous les États membres » de l’ONU à en tenir compte dans leurs relations avec un État « violant les normes péremptoires des lois internationales », en « ne reconnaissant pas une situation illégale résultant des violations israéliennes ». Israël, bien entendu, a rejeté les conclusions dudit rapport, reprochant au CDH des Nation Unies (dont il boycotte les réunions depuis mars 2012) son « approche unilatérale et systématiquement partiale à l’encontre d’Israël ».

Une vision des choses dont Benyamin Netanyahou (qui avait affiché son soutien à Mitt Romney durant la campagne américaine) et Barack Obama (dont ce sera le premier voyage en Palestine et Israël en tant que chef d’Etat) vont pouvoir débattre au printemps. Avec un petit air de déjà vu : c’est sur la question de la colonisation que les deux hommes s’étaient durement affrontés au début du premier mandat d’Obama. Ce qui avait certes occasionné une séquence diplomatique tendue entre Tel-Aviv et Washington, mais pas la cessation du développement des colonies... Libéré de tout horizon électoral, Obama va-t-il cette fois se montrer plus intransigeant ? Auquel cas, il pourrait s’appuyer sur ce rapport du CDH, entièrement fondé sur le droit international n’en déplaise au gouvernement israélien. Mais rien ne laisse penser que ce sera le cas. Selon Benyamin Netanyahou, ce voyage est avant tout destiné à montrer « la solidité de l’alliance entre les États-Unis et Israël ». Washington n’a pas démenti.


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