Communiqué du Bureau national de l’UJFP, le 17 décembre 2017.
Depuis que Trump a déclaré vouloir transférer l’ambassade états-unienne à Jérusalem, on assiste à une série de déclarations ahurissantes concernant cette ville. Par exemple, la propagande sioniste claironne partout que « Jérusalem est la capitale du peuple juif depuis 3000 ans ».
Comme si à force de la répéter cette absurdité pouvait correspondre à quelque once de vérité.
L’absurdité se situe d’abord dans les termes. Une ville ne peut être capitale d’un peuple, mais d’un pays. La notion de capitale est moderne, liée à la définition de l’État-nation qui a émergé au cours du 19e siècle. Enfin il est discutable que l’ensemble des êtres humains se revendiquant de l’identité juive constitue un peuple. Les Juifs lituaniens, marocains ou éthiopiens se considèrent juifs. Peut-on penser sérieusement qu’ils appartiennent au même peuple ?
Qu’en est-il exactement de la recherche archéologique et historique sur cette question ?
Les archéologues s’accordent sur ce point [1] : le récit biblique n’est aucunement corroboré par l’archéologie avant 600 av JC. Ainsi les Patriarches, la sortie d’Egypte, la conquête de Canaan par les Hébreux, le royaume unifié de David et Salomon, tout ceci tient de la légende.
Tout ce que l’on sait, c’est qu’au Nord le royaume d’Israël a bien été détruit pas les Assyriens en 720 av JC et Jérusalem prise par les Babyloniens en 586 avant notre ère. Mais Jérusalem n’était vraisemblablement qu’une bourgade avec une souveraineté s’étendant sur un territoire d’un rayon de quelques dizaines de kilomètres.
Bien que Jérusalem soit truffée d’excavations, les archéologues israéliens n’ont trouvé aucune trace du 1er Temple et des palais de David et de Salomon.
Qu’en est-il de la présence juive à Jérusalem ?
Jérusalem et la Palestine ont été habitées par de nombreuses peuplades comme l’atteste aussi le récit biblique. Tour à tour des grands empires ont dominé cette région : les Égyptiens, les Assyriens, les Babyloniens, les Perses, les Romains et les Byzantins. Différentes religions cohabitaient, la Palestine a subi les influences culturelles grecques et romaines. A la destruction du 2e Temple (70 ap JC) il n’y a pas de trace historique d’exode massif des Juifs. Seules les élites sont parties.
Ainsi les descendants des Judéens de l’Antiquité sont essentiellement les Palestiniens actuels. Mais même si les ancêtres des Juifs avaient vécu en Palestine il y a 2 000 ans, revendiquer une terre pour cette raison est un non-sens et ne peut que provoquer la guerre.
La religion juive s’est répandue à l’époque surtout par conversion, à l’image de la nouvelle religion chrétienne [2]. Les tentatives d’indépendance « nationale » juive ont échoué, la dernière étant celle de Bar Kokhba en 135 ap JC.
Puis au 7e siècle ap JC, la Palestine a été largement islamisée, les Juifs palestiniens vivant en bonne intelligence avec leurs voisins musulmans et chrétiens pendant plus d’un millénaire, sauf à l’époque des Croisades où juifs et musulmans subiront quelques massacres, notamment lors de la prise de Jérusalem en 1099.
Et la démographie ?
Avant la colonisation sioniste à la fin du 19e siècle, les Juifs représentaient moins de 5 % de la population de la Palestine, essentiellement des religieux. Et ils n’ont jamais été qu’une minorité de la population même à Jérusalem. Ainsi en 1872, d’après un recensement que les démographes qualifient de fiable, voici la répartition des foyers à Jérusalem et dans ses environs [3] :
Aujourd’hui, la ville de Jérusalem avec la partie annexée par Israël depuis 67 comporte environ 60% de Juifs israéliens contre 40% de Palestiniens qui n’ont qu’un droit de « résidence » dans leur propre ville. Beaucoup voient leurs maisons détruites ou en sont expulsés.
Et la promesse divine de la Terre, « l’an prochain à Jérusalem » ?
Bien sûr (Genèse 15,18) « En ce jour-là, l’Éternel fit alliance avec Abram, et dit : Je donne ce pays à ta postérité, depuis le fleuve d’Égypte jusqu’au grand fleuve, au fleuve Euphrate ». Dans la Bible, cette promesse a été renouvelée à son fils Isaac, puis à son petit-fils Jacob.
C’est l’argument avancé par les premiers sionistes (pourtant athées !) pour tenter de convaincre les juifs religieux. Pourtant pendant des siècles, il n’y eu parmi les Juifs aucun mouvement ayant comme projet de « retour » à cette « Terre promise ». La raison en était simple : d’après le Talmud (Ketoubot 111a), il était interdit aux juifs de mettre fin à l’exil en revenant en masse par la force armée [4]. L’exil étant voulu par Dieu, Lui seul peut y mettre fin, à la fin des temps, les temps messianiques. Alors, c’en serait fini de toute souveraineté humaine, la terre entière serait sainte. Ainsi cette phrase prononcée tous les ans à Pessah, la Pâque juive, « l’an prochain à Jérusalem » ne signifie rien d’autre que l’espoir de la Rédemption messianique pour l’humanité entière.
Plus prosaïquement, avoir ses pensées tournées vers Jérusalem (comme les musulmans se tournent vers la Mecque) ne signifie pas qu’on va y aller, y établir un État et chasser les autochtones.
Alors à qui appartient Jérusalem ?
Jérusalem comme la Palestine doit appartenir à tous les habitants qui y vivent, avec des droits égaux pour chacun, quelles que soient leurs origines, leurs convictions philosophiques ou religieuses. Pour avancer vers cet objectif (messianique ?), il est nécessaire que l’État israélien soit sanctionné pour sa politique coloniale d’apartheid et de dépossession. Politique qui va à l’encontre de toutes les valeurs juives dont en particulier la recherche de la Justice et la solidarité avec les opprimés.
[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Bi...
[2] https://fr.wikipedia.org/wiki/Comme...
[3] https://en.wikipedia.org/wiki/Demog...(region)
[4] https://fr.wikipedia.org/wiki/Trois...
Visuel : P. Spizak
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