Paris, le 4 février 2016
Objet : reconnaissance de la Palestine par le gouvernement français
Monsieur le Ministre des Affaires étrangères,
Comme la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine l’a exprimé dans ses derniers courriers, la situation politique et humanitaire ne cesse de se détériorer en Palestine occupée. Depuis le début du mois d’octobre dernier, la répression israélienne d’un nouveau soulèvement palestinien, répression généralisée et indiscriminée a causé la mort de 164 Palestiniens et en a blessé près de 15 000. Ce soulèvement est une réponse à la vague de violence accrue des colons israéliens. Il résulte aussi d’un sentiment de désespoir et d’impuissance chez les jeunes Palestiniens devant l’accélération galopante de la colonisation en Cisjordanie, dont Jérusalem-Est, en écho au blocus de Gaza, et devant la disparition de toute perspective d’un Etat de Palestine viable.
Ils ne se voient plus aucun avenir et se sentent complètement abandonnés par la communauté internationale. Selon des analystes, ce mouvement, non structuré par des partis politiques, va continuer à se développer si rien n’est fait pour mettre fin à la violence contre les Palestiniens. La brutalité de la répression, accrue par le permis de tirer à balles réelles instauré par M. Netanyahou, risque de conduire au chaos.
Alors que les autorités israéliennes, poussées par les colons dont le pouvoir politique ne cesse de croître, fuient en avant vers une radicalité extrême, donnent carte blanche à l’armée, et ciblent les ONG israéliennes défendant les droits des Palestiniens, il y a urgence à donner au peuple palestinien une lueur d’espoir, et à lui signifier qu’il n’est pas abandonné. La France doit y contribuer en reconnaissant l’Etat de Palestine et en entraînant les autres membres de l’UE dans cette démarche.
Suite à l’adoption de deux résolutions, à l’Assemblée nationale et au Sénat, « invitant le gouvernement français à reconnaître l’Etat de Palestine en vue d’obtenir un règlement définitif du conflit », vous aviez vous-même, Monsieur le Ministre, annoncé en décembre 2014 que la France reconnaîtrait l’Etat de Palestine si le projet de résolution porté par la France devant le Conseil de Sécurité, définissant un cycle de négociations à durée définie et sous supervision internationale pour définir pour une solution à deux Etats, n’aboutissait pas.
Ce projet de résolution, refusé par Israël et par les Etats-Unis, a été abandonné.
Lors de vos vœux au corps diplomatique, vous venez d’annoncer une relance de cette initiative « dans les semaines qui viennent ». Nous nous en félicitons. Mais Israël a déjà annoncé à nouveau son opposition à ce nouveau projet. Le Premier ministre israélien lui-même a multiplié les déclarations et les mesures annonçant qu’il n’accepterait jamais la création d’un Etat palestinien, dès avant les élections législatives de mars 2015, puis en gelant des rencontres sur le processus de paix avec l’UE et ses Etats membres sous prétexte de la note interprétative sur l’étiquetage différencié des produits des colonies, ou lors de l’annonce récente d’un programme de construction de 55 000 logements en Cisjordanie, dont plus de 8 300 dans la zone cruciale dite E1 à l’est de Jérusalem.
Alors le moment est maintenant venu, Monsieur le Ministre, pour que la France reconnaisse l’Etat de Palestine.
135 des 195 membres des Nations unies le reconnaissent déjà, dont récemment la Suède, membre de l’Union européenne. La France, force motrice au sein de l’UE, serait à même d’entraîner par ce geste courageux d’autres Etats membres dans son sillage. Cela donnerait ainsi un signal fort, un espoir aux Palestiniens et un rappel à leurs obligations au regard du droit aux autorités israéliennes.
Monsieur le Ministre, nous pensons que c’est un engagement et une démarche qui marqueront grandement votre mandat de ministre des Affaires étrangères. Vous nous avez prouvé le 13 décembre 2015 que vous étiez capable de mettre 195 Etats d’accord ; nous avons entièrement confiance en vos capacités de convaincre le gouvernement français ainsi que plusieurs Etats européens de s’accorder sur la reconnaissance de l’Etat de Palestine.
Nous sommes convaincus que vous pouvez pleinement compter sur le soutien de la société civile française pour laquelle ce n’est pas la reprise des négociations qui est une condition préalable à la reconnaissance de la Palestine, mais bien la reconnaissance de l’Etat palestinien qui est une condition sine qua non de l’ouverture de véritables négociations.
En espérant que vous donnerez suite à notre requête, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre haute considération.
Claude Léostic
Présidente de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine
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