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L’initiative de paix de la Ligue arabe suscite peu d’espoir en Israël et en Palestine

6 mai 2013 - Hélène Sallon - Le Monde

Salué comme « un très grand pas en avant » par le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, l’appel, lancé mardi 30 avril par la Ligue arabe pour une relance des négociations de paix entre Israéliens et Palestiniens suscite peu d’illusions auprès des principaux intéressés. Le ministre des affaires étrangères qatari, Hamad bin Jassim bin Jabr Al-Thani, a proposé de relancer l’initiative de paix arabe de 2002, en infléchissant la position des pays arabes sur le retour aux frontières de 1967 par la possibilité de procéder à un « échange mineur de territoire comparable et mutuellement accepté ».

« Cette annonce pourrait être significative », estime dans son éditorial le New York Times. Le quotidien américain salue ainsi la volonté des pays arabes, incontournables pour parvenir à un accord, de revivifier les négociations de paix en se rapprochant de la ligne promue par les Américains et les Israéliens. A Washington, on ne cachait pas son espérance qu’Israël saisisse cette fenêtre d’opportunités, ouverte pour six mois, par les responsables de la Ligue arabe. « C’est le premier signe d’espoir depuis longtemps », renchérit le quotidien, traduisant la flambée d’optimisme qui a gagné la presse américaine depuis que John Kerry multiplie ses efforts pour donner une nouvelle impulsion au processus de paix israélo-palestinien.

UN « ESPOIR » DOUCHÉ PAR LES ISRAÉLIENS

L’espoir américain a été vite douché par l’accueil pour le moins glacial des dirigeants israéliens, reconnaît tout de même le NYT. Un haut responsable israélien a « salué cet encouragement » de la Ligue arabe, tout en suggérant que le cadre promu par cette initiative ne serait certainement pas retenu comme point de départ pour des négociations. Plus explicite, le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a estimé mercredi que « les racines du conflit ne sont pas territoriales. L’échec des Palestiniens à accepter l’Etat d’Israël comme Etat-nation du peuple juif est la racine du conflit. »

Ce manque d’ardeur de la part des dirigeants politiques israéliens, uniquement tempéré par l’enthousiasme publiquement exprimé de Tzipi Livni, la ministre de la justice israélienne, chargée des négociations de paix, n’étonne pas Akiva Eldar. Dans le journal électronique Al-Monitor, le journaliste israélien estime en effet qu’« il est évident qu’ils ne peuvent pas négocier un échange de territoires israéliens souverains contre d’autres qu’ils considèrent comme les leurs et appellent ’Judée et Samarie’, même si le reste du monde les qualifie de ’territoires occupés’ ».

Benyamin Nétanyahou se refuse à reconnaître les lignes du 4 juin 1967 comme base de discussions pour initier des négociations sur un éventuel échange de terres, analyse-t-il. Il partage par ailleurs le rejet exprimé en 2003 par son prédécesseur, Ariel Sharon, de fonder ces discussions sur l’initiative arabe de paix de 2002. Cette initiative préconisait la reconnaissance de la solution des deux Etats, promettant paix et réconciliation avec Israël en échange de son retrait de Jérusalem-Est et de Cisjordanie, ainsi qu’une « solution équitable » sur la question des réfugiés palestiniens.
La décision, annoncée le 1er mai par le premier ministre israélien, de soumettre tout accord de paix à un référendum pourrait constituer un obstacle supplémentaire, estiment les commentateurs. Selon un sondage publié le 3 mai, une majorité absolue d’Israéliens doute que les négociations de paix avec les Palestiniens reprennent à la suite de la reformulation de l’initiative de paix arabe de 2002. Ils sont 54,8 % à ne pas croire que des pourparlers de paix reprennent à la suite de cette initiative, contre 17,3 % de l’avis opposé et 27,9 % d’indécis, selon ce sondage publié dans les deux principaux quotidiens du pays, Yediot Aharonot et Israël Hayom.

LA « COLÈRE » PALESTINIENNE

Dans les cercles palestiniens, la proposition a été accueillie avec colère, commente la journaliste palestinienne Dalia Hatuqa. Dans un communiqué, le Hamas a exprimé « sa vive préoccupation sur le principe d’un échange de terres avec l’occupation, rapporte-telle dans Al-Monitor. Nous espérons que la délégation ministérielle arabe demandera à Washington de faire pression sur Israël pour cesser la colonisation de notre terre occupée... De par notre expérience avec Israël, nous avons appris qu’il cherche simplement plus de concessions, qu’il ne veut pas la paix mais cherche à imposer un fait accompli à notre peuple. »

Au sein de la délégation palestinienne, si le négociateur Saëb Erekat a salué le geste de la Ligue arabe vers « une solution régionale entière » et une « totale normalisation » avec Israël, il a toutefois souligné que l’échange de terres faisait déjà partie de tous les accords de paix précédents. Israéliens et Palestiniens ont en effet été proches d’un accord sur la question en 2008. « Il n’y a rien de nouveau, a-t-il estimé. La délégation arabe a présenté la position officielle palestinienne : si Israël accepte de façon univoque la solution des deux Etats sur la base des frontières de 1967, l’Etat de Palestine, en tant que pays souverain, pourra considérer des modifications consenties de frontières mineures, de nature et d’étendue égales, dans les mêmes zones géographiques, et ne portant pas préjudice aux intérêts palestiniens. »

Le principe d’un échange de terres avait été évoqué pour la première fois lors des négociations du sommet de Camp David en 2000. L’ancien président de l’Autorité palestinienne, Yasser Arafat, avait accepté le principe d’un échange de 3 à 4 % de la Cisjordanie avec Israël. Dans les négociations qui ont suivi la conférence d’Annapolis en 2007 et 2008, les Palestiniens se sont accordés sur un échange de 1,9 % des terres. Un principe réaffirmé par écrit, mais verbalement consenti comme pouvant aller jusqu’à 4 %, lors des négociations entre Benyamin Nétanyahou et le président Mahmoud Abbas en septembre 2010.

Au vu de la réaction israélienne, Saëb Erekat a balayé tout espoir que cette initiative ne change réellement la donne. « Le rejet israélien de cette initiative montre à nouveau que le gouvernement israélien n’a pas de plan de paix, a-t-il déclaré. Il est davantage engagé à poursuivre la colonisation et ses attaques contre les droits des Palestiniens et la stabilité régionale. »

Hélène Sallon


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