Paris, le 19 novembre 2015
Monsieur le Ministre,
Nous sommes extrêmement inquiets à propos du transfert forcé imminent d’une famille palestinienne. La famille Ghaith-Sub Laban habite une maison de la vieille ville de Jérusalem depuis plus de 60 ans, et subit des pressions depuis plus de 30 ans de la part des autorités israéliennes et de colons pour qu’elle quitte son foyer. Le 11 octobre 2015, un tribunal israélien a ordonné l’expulsion de la famille ainsi que le paiement d’une amende de 10 000 shekels (près de 2500 euros). Récemment, les autorités ont notifié à la famille que l’expulsion aurait lieu le 30 novembre 2015.
Avant 1948, la propriété en question appartenait à une famille palestinienne mais était louée à une famille juive. Pendant la guerre, les autorités jordaniennes ont pris le contrôle de Jérusalem-Est et ont classé la maison comme « propriété de l’ennemi », puis ils ont accordé à la famille Ghaith-Sub Laban le statut de « locataire protégé » lorsqu’elle y a emménagé en 1953. Depuis, la famille a toujours payé son loyer et aujourd’hui huit membres, dont deux enfants, y vivent.
Après l’annexion, non reconnue par la communauté internationale, de Jérusalem-Est par Israël en 1980, le Dépositaire général israélien de la propriété publique des absents a ordonné l’expulsion de tous les habitants palestiniens de la maison, dans le but de les remplacer par des colons israéliens. La famille a continué à verser le loyer mais n’a pu revenir vivre dans sa maison qu’en 2000.
En 2010, les autorités israéliennes ont transféré la propriété de la maison à une organisation de colons, Ateret Cohanim, et en septembre 2014 un tribunal a émis un ordre d’expulsion de la famille Ghaith-Sub Laban, se basant exclusivement sur les allégations des colons qui soutenaient que la famille avait perdu son statut de locataire. Depuis, des colons ont tenté de prendre possession de la maison par la force à trois reprises, dont une fois sous escorte de soldats et policiers israéliens. Malgré la résistance de la famille et l’appel adressé au tribunal, celui-ci a durci son jugement.
Le cas de la famille Ghaith-Sub Laban n’est pas isolé, il est le symbole de la politique de discrimination et d’éviction menée par les autorités israéliennes à Jérusalem-Est, en violation du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’Homme.
Le fait qu’Israël ait annexé Jérusalem-Est en 1980 ne change rien à son statut en droit international de « territoire palestinien occupé ». La famille Sub Laban est donc protégée par la Quatrième Convention de Genève qui interdit dans son article 49 les transferts forcés d’individus « quel qu’en soit le motif », sauf « si la sécurité de la population ou d’impérieuses raisons militaires l’exigent ».
En outre, la politique d’éviction du gouvernement israélien viole le Pacte international relatif aux droits civiques, sociaux et culturels qui exige des Etats parties de garantir le droit à un logement adéquat sans discrimination (articles 2 et 11). Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, exigeant l’égalité devant la loi, un procès équitable et la protection du foyer familial contre toute immixtion arbitraire ou illégale (articles 14 et 17) est également violé par l’Etat israélien.
Nous vous demandons, Monsieur le Ministre, d’intervenir très rapidement auprès du gouvernement israélien, a minima en faisant pression sur l’ambassadeur d’Israël en France.
Nous vous demandons également d’appeler le Consul Général de France à Jérusalem à intervenir auprès des autorités israéliennes, et d’être présent le 30 novembre devant la résidence de la famille Ghaith-Sub Laban afin d’empêcher son expulsion illégale.
En espérant que vous donnerez suite à notre requête, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre haute considération.
Claude Léostic
Présidente de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine
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