Paris, le 28 février 2018
Madame,
Nos organisations souhaitent vous interpeller en vue du prochain dîner du Conseil représentatif des Institutions juives de France (CRIF) qui aura lieu le 7 mars 2018 à Paris.
La presse rapporte que le discours du Président de la République portera sur la montée de l’antisémitisme et la politique de la France au Proche-Orient.
Nous sommes vivement préoccupés par les amalgames inappropriés faits entre antisémitisme, antisionisme et critique d’Israël, lancés par M. Manuel Valls en 2015 et repris par le Président Emmanuel Macron lors du discours du Vel d’Hiv de juillet 2017 en présence de Benyamin Netanyahou : « nous ne céderons rien aux messages de haine, nous ne céderons rien à l’antisionisme car il est la forme réinventée de l’antisémitisme. »
L’antisémitisme se définit comme la haine, le rejet des Juifs. C’est une forme de racisme et un délit que nous condamnons sans ambiguïté.
L’antisionisme consiste à s’opposer à la politique continue de colonisation et d’annexion des territoires palestiniens par l’État d’Israël et non à l’existence de ce dernier.
Amalgamer les deux notions reviendrait donc à criminaliser une opinion politique, ce qui est une lourde atteinte à la liberté d’expression que nous revendiquons et qui est un droit fondamental de notre République.
L’amalgame revient également à assimiler juif à sioniste ; or beaucoup de Juifs ne sont pas sionistes et partagent notre position politique basée sur une analyse précise de la situation historique et actuelle.
Bien que l’antisémitisme soit une question importante qui demeure malheureusement d’actualité, il serait dangereux et erroné de le lier à des opinions politiques.
Nos associations sont régulièrement attaquées et en butte à des tentatives d’intimidation et de délégitimation, voire de criminalisation, alors qu’elles s’attachent simplement à informer tout en faisant état de critiques envers la politique du gouvernement israélien et les violations des droits de l’Homme par ses autorités.
Les amalgames susmentionnés encouragent les attaques contre le mouvement de solidarité, ils sont récurrents, autant dans le discours du gouvernement d’extrême-droite israélien que dans celui du CRIF, tous deux cherchant à délégitimer par tous les moyens toute opposition à la politique de l’Etat d’Israël. Ils nous semblent ne pas avoir leur place dans le discours de l’exécutif français.
Aussi espérons-nous, Madame, que le Président évitera tout amalgame de cet ordre dans son discours à l’occasion du dîner du 7 mars. Ce serait cautionner le discours et les actions du gouvernement israélien qui visent à empêcher et réprimer toute expression d’opposition à la politique d’occupation israélienne en Palestine.
La France a un rôle important à jouer au Proche-Orient, d’autant que les Etats-Unis ont perdu toute légitimité à tenir le rôle d’intermédiaire entre Palestiniens et Israéliens. La France, garante des droits de l’Homme, doit chercher à y imposer le respect du droit. Les autorités françaises doivent tout autant veiller au respect des droits élémentaires d’opinion et d’expression de leurs citoyen-ne-s et se garder d’alimenter un climat délétère.
Nous vous demandons, Madame, de faire connaître nos demandes au Président de la République, et vous prions d’agréer l’expression de notre haute considération.
Claude Léostic
Présidente de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine
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