Les habitants de Khan Al Ahmar vivent sous la menace imminente d’une démolition par l’armée israélienne depuis le 1er octobre. Le Premier ministre israélien a décidé fin octobre de suspendre la démolition, puis le 19 novembre, il a annoncé lors d’une conférence de presse que le village serait « très prochainement détruit ».
Depuis les débuts de la colonisation de la Cisjordanie (y compris Jérusalem-Est) par l’Etat d’Israël, celui-ci implante méthodiquement autour de Jérusalem-Est de grandes colonies encerclant la ville. Khan al Ahmar est un village bédouin de près de 200 habitants, situé en Cisjordanie entre Jérusalem-Est et la colonie israélienne illégale de Kfar Adumim (voir la carte de La Croix). La destruction de ce village s’inscrit dans ce schéma d’ensemble et poursuit deux objectifs stratégiques pour Israël :
– Permettre la construction d’une nouvelle colonie qui concourrait encore davantage à l’encerclement de Jérusalem-Est par des colonies israéliennes illégales selon le droit international, et couper ainsi cette ville de son arrière-pays palestinien ;
– Permettre le développement de l’autoroute A1, réservée aux véhicules israéliens, qui relie Jérusalem-Ouest à Jéricho et à la vallée du Jourdain, partageant ainsi la Cisjordanie en deux territoires définitivement discontinus et sapant les bases d’un futur Etat palestinien viable.
Les consuls des pays européens à Jérusalem, qui chaque année publient un rapport sur la situation sur le terrain, ne s’y sont pas trompés en écrivant dans leur livraison de janvier 2018 :
« Cependant, si le plan E1 était mis en œuvre, il couperait Jérusalem Est du reste de la Cisjordanie, qui serait divisée en deux parts nord et sud. Ceci compromettrait gravement la continuité d’un futur Etat palestinien et la possibilité pour Jérusalem de devenir la future capitale des deux Etats ».
Israël prend argument pour la destruction de Khan Al Ahmar de l’absence de permis de construire concernant le village. Mais :
– Nombreux sont les villages bédouins ou constructions palestiniennes implantés selon un droit coutumier antérieur à 1947, qui ne formalisait pas les permis de construire. L’existence d’un cadastre à jour y est largement absent ;
– En zone C (zone de Cisjordanie contrôlée par l’armée israélienne), Israël exige des Palestiniens un permis de construire pratiquement impossible à obtenir. Plus de 90 % des demandes sont refusées, et lorsque les permis sont accordés, ils le sont à un coût financier prohibitif.
Le gouvernement israélien propose de reloger la communauté bédouine de Khan al Ahmar sur un site à proximité de l’ancienne décharge municipale de Jérusalem, non loin du village d’Abu Dis.
Khan al Ahmar n’est pas la seule communauté menacée de destruction par Israël. A ce jour, 46 communautés sont également menacées, autour de Jérusalem (Jabal al Baba, Abu Nuwar…), dans la vallée du Jourdain (Ain el Héloué, Umm Jamal…) voire à l’intérieur même des frontières d’Israël (Al Araqib dans le désert du Néguev…), parce qu’elles gênent des projets de développements de colonies ou d’activités économiques au profit d’Israël.
Ces mesures sont contraires à la IVe Convention de Genève, en particulier dans leurs dispositions concernant les destructions de biens appartenant à des civils (article 53) et celles concernant les transferts forcés de population (article 49). Le Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale, en son article 7, qualifie de crime contre l’humanité la déportation ou le transfert forcé de population et permet des poursuites pénales contre les décideurs de telles mesures.
L’Union européenne a clairement pris position contre la destruction par Israël du village de Khan al Ahmar. La France, par l’intermédiaire de son président et de son ministre des Affaires étrangères, a également exprimé son opposition au projet. Mais les seules déclarations sont en deçà de ses obligations en tant que partie aux conventions et résolutions internationales, et garante de leur application.
crédit photo : Syksy Räsänen, 16 oct 2018 (Twitter)
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