Au lendemain de tirs meurtriers près d’une école de l’ONU à Rafah dans la Bande de Gaza, certains pays, dont la France et les Etats-Unis, à l’instar du secrétaire général de l’Onu Ban Ki-moon, ont haussé le ton vis-à-vis d’Israël ce lundi 4 août, en dénonçant des violences « injustifiables » contre les civils de l’enclave palestinienne.
Une baisse de soutien vis-à-vis d’Israël qui fait resurgir la question de possibles poursuites contre Israël alors qu’une plainte a été déposée à la CPI. Mais des poursuites sont-elles possibles ? Trois possibilités.
L’une des voies possibles pour que le procureur de la Cour pénale internationale ouvre une enquête concernant d’éventuels crimes de guerre commis durant les affrontements entre le Hamas et Israël est l’adoption par le Conseil de sécurité des Nations unies d’une résolution l’enjoignant à le faire, comme ce fut le cas concernant la Libye avec la résolution 1970, le 26 février 2011.
Les membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, qui disposent tous les cinq d’un droit de véto, sont toutefois très divisés dans le dossier israélo-palestinien, les Etats-Unis apportant un soutien sans faille à leur allié proche-oriental. Le dossier israélo-palestinien est celui sur lequel Washington a le plus fait usage de son droit de véto ces dernières années.
Malgré les propos assez durs de l’administration américaine à l’encontre de l’armée israélienne au lendemain de la frappe qui a touché dimanche une école tenue par l’UNRWA à Rafah, il reste inimaginable de voir les Etats-Unis ne pas employer leur veto contre une éventuelle résolution demandant la saisie de la CPI. Cette voie est donc sans issue.
Autre éventualité, le procureur de la CPI peut ouvrir une enquête de sa propre initiative au vu de renseignements concernant des crimes relevant de la compétence de la Cour. Un cas qui n’est néanmoins envisageable que pour les Etats parties au statut de Rome. Or, Israël n’est pas signataire du traité fondateur de la Cour pénale internationale. Et, stricto sensu, la Palestine non plus. Le 2 avril dernier, celle-ci a bien adhéré à 20 traités et conventions internationaux, la plupart relatifs aux droits humains et au droit de la guerre, mais pas au Traité de Rome.
Mahmoud Abbas s’était en fait engagé à ne pas solliciter la juridiction de la CPI sur le territoire palestinien pendant les neuf mois de négociations avec Israël entreprises sous la houlette du Secrétaire d’Etat américain John Kerry. Négociations qui ont pris fin le 29 avril dernier sans succès. Or, selon le « Wall Street Journal », le Conseil central de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) a approuvé le 27 avril dernier une liste d’une dizaine d’autres traités et organes internationaux auxquels la Palestine pourra adhérer à l’avenir, parmi lesquels figure la CPI. Mais il semble qu’aucune démarche n’aie été faite en ce sens jusqu’à présent.
Sans entamer une démarche compliquée, la Palestine pourrait tout simplement présenter une déclaration reconnaissant l’autorité de la Cour à compter de n’importe quelle date depuis l’entrée en vigueur du traité de la CPI en 2002, comme elle l’avait fait en 2009, alors en vain. Mais rien n’indique qu’elle ait réitéré sa démarche.
En janvier 2009, les autorités palestiniennes avaient bien présenté une telle déclaration en vue de faire aboutir des plaintes après l’opération israélienne Plomb durci, mais le Bureau du Procureur de la CPI avait considéré cette démarche invalide, en raison du flou qui entourait à ce moment-là le statut de la Palestine en tant qu’Etat. En avril 2012, le bureau du procureur de la CPI avait, dans un communiqué, souligné « ne plus exclure la possibilité d’examiner à l’avenir les allégations de crimes commis en Palestine si les organes compétents de l’ONU, voire l’Assemblée des États parties, élucident le point de droit en cause », à savoir : la Palestine est-elle un « Etat » ?
Or, depuis le vote en Assemblée général du statut « d’Etat non membre des Nations unies » en novembre 2012, c’est a priori chose faite.
Ainsi, si le procureur de la CPI ne va pas jusqu’à entamer une démarche de lui-même, il pourrait choisir de répondre en revanche à une plainte.
Dernière possibilité : la recevabilité d’une plainte. L’avocat français, Gilles Devers, a annoncé vendredi 25 juillet à Paris avoir déposé plainte à la Cour pénale internationale au nom du ministre palestinien de la Justice, pour « crimes de guerre » dans les opérations israéliennes à Gaza.
Cette plainte, déposée auprès de la procureure du CPI, Fatou Bensouda, vise « les crimes de guerre commis par l’armée israélienne en juin et juillet 2014 en Palestine, dans le contexte de l’opération militaire appelée Bordure protectrice », a déclaré Me Devers, lors d’une conférence de presse à la Maison du barreau.
L’avocat soutient que la plainte est recevable, même si la Palestine n’a pas ratifié le Statut de Rome fondant la CPI grâce à la déclaration de compétence de la CPI du 21 janvier 2009, qui selon lui « reste parfaitement valable ». La CPI n’a pour l’heure pas réagi.
Notons par ailleurs que la Cour pénale internationale ne juge pas des Etats mais des individus et qu’une enquête devra souligner des responsabilités individuelles dans les éventuels crimes de guerres constatés.
Céline Lussato – Le Nouvel Observateur
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